Pourquoi accorde-t-on plus d'importance aux simagrées officielles?

Tribune libre

[Jean Noiseux, dans l'édition du Devoir du 30 novembre dernier->3147], terminait son texte en signalant qu'un "rejet de la motion [sur la nation québécoise] aurait pu créer au Québec un « super-Meech » et une vive remontée du nationalisme québécois". Tout le monde est d'accord avec ça. Mais en disant cela, on perpétue l'hypocrisie que l'on reproche pourtant aux fédéralistes. En effet, puisque la vérité est le rejet à 77% de cette motion par les gens du reste du Canada, pourquoi n'y a-t-il pas indignation des Québécois ? Pourquoi les médias ne traitent-ils pas cela comme le véritable drame ? Pourquoi accorde-t-on plus d'importance aux simagrées officielles des représentants politiques alors qu'on sait clairement qu'ils expriment le contraire de ce que pensent leurs gens ?

Les gens, en majorité au Canada, rejettent les Québécois tels qu'ils se définissent. La réalité est celle-là. Pourquoi aucun journaliste, aucune salle éditoriale ne dit-elle les choses ainsi ? Si les événements politiques étaient traités selon notre réalité nationale plutôt que selon les apparences autorisées, les choses ne se répéteraient pas sans cesse. Remarquez, cette colonisation des esprits s'observe aussi chez les observateurs de tout l'Occident qui ne pensent généralement qu'en termes et selon des points de vue mis en avant-plan par les étatsuniens. L'Irak, le Moyen-Orient, la croissance économique sacrée, la démocratie panacée ...

Dans la même édition du Devoir, [le propos de Gérard Bouchard->3151] au sujet des peuples comme celui du Québec ("faire leur le ressentiment des autres peuples à leur endroit") nous était rapportés par Norman Bourdon. Ce dernier a raison, nos journalistes sont contaminés comme les autres. Cette attitude de chien docile a engendré le raisonnement qui fait croire en l'objectivité d'un journaliste parce qu'il persiste à cacher ses positions politiques, alors que le contraire permet justement de mieux connaitre la personne, de lui faire confiance donc. Plusieurs journalistes que je lis et écoute régulièrement se permettent de dire une chose et son contraire à tout bout de champ, précisément parce qu'ils refusent d'exposer honnêtement leur propre position par rapport à ce qu'ils nous en disent. Alors on se sait plus à qui se fier, on se désintéresse, tout devient relatif, on s'abrutit politiquement.

Guy Bouthillier, toujours dans le même journal, dénonçait la même chose en parlant de l'indignation à géométrie variable. On s'est indigné unanimement du racisme attribué à Parizeau avec son "Nous" québécois en 1995, tout le monde était d'accord. Aujourd'hui, c'est le grand chef du véritable pays qui nous ramène la même horreur horrible , et comme la majorité canadian est disposée à considérer la chose, on se fait complaisant, on analyse objectivement, on considère la chose...


Pierre Bouchard

Les Escoumins

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S'il avait fallu
Lundi, le candidat du Bloc québécois dans Repentigny a gagné avec 66 % des voix exprimées.
S'il n'avait obtenu que 60 % des voix, nous aurions eu droit à une série d'analyses de nos chroniqueurs pour y déceler une baisse de la popularité du Bloc et de l'idée de souveraineté, car le précédent candidat aux élections générales, lui, avait obtenu 62 % des voix. Curieux, ce phénomène consistant à vouloir voir le déclin de cette option, même si on n'est pas nécessairement contre.
Lors d'un récent entretien, l'historien et sociologue Gérard Bouchard avançait l'idée que les peuples comme celui du Québec vont facilement s'alimenter de statistiques négatives les concernant et même faire leur le ressentiment des autres peuples à leur endroit. C'est ce qu'en d'autres lieux on appelle la cinquième colonne.
Malheureusement, nos chroniqueurs font cette besogne sans s'en apercevoir. Évidemment, ils sont québécois. Alors, devant le vote de lundi soir, les reporters ne pouvaient que dire: «C'est sans surprise que le candidat du Bloc a été élu.» Mais il s'agissait d'une victoire éclatante.

Normand Bourdon, Le Devoir 30 novembre 2006


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