Philippe Grasset et l’hyper-impuissance américaine

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Il ne reste que des oripeaux


Pourquoi ce théâtre aux armées ? Pourquoi ne rase-t-on pas gratis les ennemis pour faire plaisir à BHL et sa presse-système ? Pourquoi le monde libre des Madelin, Hollande et consorts ne détruit-il pas mieux le monde ?


Mais que se passe-t-il donc enfin ? La démocratie reculerait devant la miette chinoise et le nanisme russe, devant la bébête immonde iranienne et le microbe vénézuélien ou nord-coréen ?


Laissons parler un des rares experts, notre ami Philippe Grasset, qui publie dimanche un texte essentiel dans Dedefensa.org. Le texte se nomme nûment : « taper sur Kim ? Avec quoi ? ».


« Tout cela a par ailleurs suscité des réactions de plus en plus nombreuses, quoique de façon discrète, de commentateurs et de techniciens de la chose quant aux capacités réelles des USA contre la Corée du Nord. Récemment une voix très-officieuse et secrètement dissidente de la hiérarchie dans Pacific Command se demandait avec quoi le président Trump prétend effectuer ces attaques alors que personne, dans les principales bases US dans le Pacifique, n’est prêt à une attaque de cette importance, et qu’il faudrait « au moins six mois de préparation pour disposer des forces disponibles et utilisables dans des conditions telles qu’elles pourraient lancer de telles attaques et être en même temps prêtes à repousser des contre-attaques nord-coréennes… »


Et comme si ce mal ne suffisait pas, Philippe ajoute férocement mais simplement :


« Depuis des précisions nouvelles sont apparues. Elles viennent essentiellement du Général Deptula, qui assura la planification de l’offensive aérienne contre l’Irak en 1991 (première guerre du Golfe) et qui fait partie actuellement du Mitchell Institute. Nommé d’après le Général Billy Mitchell, prophète des forces aériennes stratégiques, cet institut très spécialisé dans la guerre aérienne est l’une des machineries d’influence de l’Air Force Association, le principal lobby de l’USAF. (L’AFA est à la fois une émanation officieuse de l’USAF et une machinerie de communication agissant en-dehors des normes officielles [langue de bois, garde-à-vous, etc.] pour rendre publiques les véritables préoccupations et exigences de l’USAF.) Deptula a donné une interview à Army Times, en faisant quelques commentaires sur les disponibilités réelles des bombardiers dd l’USAF. Lorsqu’on va au cœur des statistiques, on découvre que l’expression “locked and loaded” (“verrouillées et chargées”) de Trump pour décrire l’état des forces aériennes qui pourraient être lancées contre la Corée du Nord paraît singulièrement décalée par rapport à ces chiffres-là… »


Après c’est la peau de chagrin, comme on dit. Car il faut faire le décompte des forces réelles à engager côté US :


 « Pour ce qui concerne toute la flotte des bombardiers stratégiques dont dispose l’USAF : sur les 75 B-52 de frappes conventionnelles et nucléaires dont dispose l’USAF, 33 sont réellement prêts à effectuer leur mission de guerre ; pour les 62 B-1 à capacités conventionnelles, on tombe à 25 ; pour les 20 B-2 à capacités conventionnelles et nucléaires, c’est à 8 avions qu’on est réduit, soit 38% de l’effectif, avec cette précision supplémentaire et assez étrange que 51% de l’effectif disponible (les 38%) sont vraiment “disponibles”… Ce qui conduit à penser que l’estimation de Deptula, lorsqu’il s’agit des B-2 par exemple, concerne la disponibilité de deux unités seulement à cause de diverses et innombrables contraintes…  Bref, c’est encore moins que les porte-avions, d’ailleurs en équivalence de prix de départ puisque le B-2 originel coûte de 2,2 à 6 $milliards l’unité selon les estimations. (Aujourd’hui, avec les modernisations en cours affectant et plombant les B-2, deux par deux, on ne vous dit pas, – d’ailleurs, on ne le sait pas, et personne ne le sait vraiment…) ».


C’est l’armée du magicien d’Oz.


Philippe ajoute cruellement un peu plus loin :


« La puissance militaire US repose essentiellement, sinon exclusivement sur la communication (presseSystème, Hollywood, etc.). Pour l’essentiel, elle évite tout affrontement direct avec des forces armées à sa mesure (la Russie, par exemple, dont le parc de matériel est quasiment complètement renouvelé dans les 15 dernières années, avec des matériels ultra-modernes qui ne sont pas englués dans le monstrueux technologisme qu’affectionne le Pentagone). »


L’hyper-impuissance US reposerait non sur la statue de la Liberté bombardant le monde, mais sur la bureaucratie, l’étatisme et le gaspillage :


 « Sa puissance repose sur une bureaucratie pléthorique et sur ses lobbies d’influence, ainsi que sur les ventes forcées de matériels dépassés à l’exportation. Cette situation n’est pas officiellement admise mais elle constitue une contrainte sournoise qui explique les positions ambiguës des chefs du Pentagone, soutenant une rhétorique belliciste mais freinant en général des quatre fers lorsqu’une confrontation sérieuse (l’Iran, la Corée du Nord, sans parler de la Russie bien entendu) se profile à l’horizon. »


Dans son roman-fleuve et crypté Nietzsche au Kosovo, Philippe Grasset ajoute que :


« L’industrie de l’entertainment est devenue la première des industries américaines. Par entertainment, on comprend tout ce qui charrie une information, nécessairement accompagnée ou substantivée visuellement par des images, qui est organisée comme un “spectacle” sans préjuger de la véracité, de la justesse, de la moralité, de l’orientation et de la destination de cette information. »


Et comme dit le vieil Abe, on ne peut pas tromper tout le temps tout le monde !


Nicolas Bonnal


Sources


Philippe Grasset – Frédéric Nietzsche au Kosovo (bookelis.com, Amazon.fr)


Philippe Grasset- Dedefensa.org : taper sur Kim avec quoi ?



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