Pas d'élections, s'il vous plaît!

L'opération est d'un cynisme ahurissant: profiter d'une crise économique pour réduire le budget des partis de l'opposition, c'est bien le comble de la mesquinerie!

Ottawa - "Énoncé économique" et crise politique



L'opération est d'un cynisme ahurissant: profiter d'une crise économique pour réduire le budget des partis de l'opposition, c'est bien le comble de la mesquinerie!
Cela vaut-il la peine de précipiter le pays dans une nouvelle campagne électorale? Certainement pas.
D'ailleurs, le Parti libéral, que cette mesure frappe tout particulièrement parce qu'il est déjà très endetté, aurait bien du mal à faire valoir sa cause. Si les libéraux ne s'étaient pas laissés engraisser pendant des années par les dons somptueux des grandes entreprises, ils auraient appris à faire des campagnes de souscription auprès de leurs militants, à l'instar des conservateurs qui, eux, ont amassé leur trésor de guerre en récoltant une multitude de petits dons individuels. C'est l'héritage le plus louable qu'a laissé aux Tories l'ancien Reform Party, un parti populiste qui a toujours été financé par ses militants... comme le PQ des belles années.

Même si le coup bas du gouvernement Harper représente un accroc à la démocratie - la démocratie étant mieux servie si les partis sont en bonne santé financière -, on ne pleurera pas dans les chaumières sur le sort du PLC, non plus d'ailleurs que sur celui des autres partis de l'opposition, qui se sont habitués à vivre aux crochets des contribuables. Le Bloc québécois, par exemple, n'a même plus besoin de solliciter ses membres car, comme il ne fait campagne qu'au Québec, il peut s'en tirer avec l'argent que lui versent les contribuables canadiens.
En effet, la subvention de 1,75$ par électeur que le gouvernement se propose d'abolir est loin d'être la seule manne dont disposent les partis politiques. D'autres mesures restent en place: les individus peuvent souscrire aux partis et aux candidats un maximum de 2200$, en échange d'un crédit d'impôt, et les partis voient leurs dépenses électorales remboursées dans une proportion qui peut aller jusqu'à 75%. Ce n'est pas négligeable.
Le PLC s'est longtemps fié aux largesses des compagnies, et le NPD, à ses alliés du mouvement syndical, qui lui refilait des fonds et des bénévoles. C'est Jean Chrétien qui a changé les règles... au moment de sa retraite, après avoir lui-même bénéficié de l'ancien système pendant toute sa carrière. Pour se venger de ces libéraux qui lui préféraient Paul Martin, M. Chrétien a fait un croc-en-jambe à son parti en faisant passer une loi de financement des partis politiques basée sur le modèle de celle du Québec. Pour le PLC, ce fut la catastrophe, mais pour les autres, une manne inespérée.
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Et c'est pour cela que le PLC ferait tomber le gouvernement, pour ensuite s'en aller en élections, sous la houlette d'un chef intérimaire qui a déjà fait la preuve de son impopularité? Et avec quel argent? Par les temps qui courent, aucune banque ne voudra lui consentir d'autres prêts.
L'idée d'une coalition est encore plus folle. Stéphane Dion, premier ministre, flanqué de Jack Layton comme ministre des Finances?
La solution: une petite concession de Harper et un Valium pour les partis de l'opposition, qui devraient se mettre à l'école de Barack Obama, dont la campagne excessivement coûteuse a été en partie financée par des millions de dons modestes recueillis sur l'internet.
Si les partis sont sérieux, pourquoi ne vont-ils pas chercher du financement auprès de leurs membres et sympathisants? Parce que ceux-ci sont trop pauvres? Allons donc! Tous ces diplômés universitaires qui n'en ont que pour l'environnement ont parfaitement les moyens de faire vivre les verts à coup de petites contributions individuelles!
Théoriquement, on pourrait soutenir que le financement public déresponsabilise les partis. L'obligation de financer eux-mêmes leurs activités les inciterait à développer des mécanismes de financement populaire et à être à l'écoute de leurs militants... et, pourquoi pas, à élargir leur base, comme Obama l'a fait pour les démocrates, en allant rejoindre les gens au-delà des confins du parti.
Hélas! dans la réalité, les gens ne donnent pas... en particulier au Québec francophone, où la toute-puissance de l'État succédant à l'Église a tué dans l'oeuf la philanthropie. C'est donc à l'État qu'il appartient de renforcer les partis politiques, qui sont l'infrastructure essentielle de la démocratie. Mais en se fiant uniquement à l'État, on oublie que l'âme de la démocratie, c'est l'implication des citoyens.


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