Dans une ambiance lugubre de pandémie de Covid-19, le premier tour des élections municipales a notamment été une douche froide pour LREM, bousculé dans les grandes villes, enregistrant parfois des scores humiliants.
Déconvenue, déboire, douche froide... Les résultats du premier tour des élections municipales 2020, qui s'est déroulé ce 15 mars, colportent leurs lots de déception pour le parti de la majorité, la République en Marche (LREM). En effet, le parti du président Emmanuel Macron semble notamment payer les conséquences de l'impopularité du projet de réforme des retraites, d'un manque d'implantation locale, ou encore du soutien populaire aux revendications des Gilets jaunes. Le taux d'abstention record (autour de 56 %, soit 20 points de plus qu'aux municipales de 2014) grandement lié à la pandémie de Covid-19 a lui aussi joué un rôle non négligeable dans les résultats, même si cet impact est difficilement mesurable dans l'immédiat.
Malgré quelques candidats sortants réélus et d'autres en ballottage favorable comme le Premier ministre Edouard Philippe – qui ne fait pas partie de LREM mais en a reçu le «soutien» – au Havre (43% des suffrages), les marcheurs ont enregistré un premier tour catastrophique lors de ces municipales, souvent relégués en troisième voire quatrième position.
Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux... des déboires tous azimuts
A Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Rennes, Rouen, Besançon, ou encore Mulhouse, les candidats LREM sont tous arrivés en troisième ou quatrième position, avec des scores inférieurs à 20%, et aucun d'eux n'est désormais favori pour l'emporter au second tour. La déconvenue est telle que l'objectif initial annoncé par le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, qui était d'obtenir 10 000 postes de conseillers municipaux, semble dorénavant un espoir qu'ils peuvent caresser mais ne pourront pas réaliser.
Dans la capitale, selon les premières estimations, la maire sortante socialiste Anne Hidalgo arriverait largement en tête du premier tour avec 30% des intentions de vote. La candidate LR Rachida Dati serait deuxième (22%), Agnès Buzyn troisième avec 17% à 18% des voix. Suivraient l'écologiste David Belliard (entre 11 et 12%) et le candidat dissident En Marche, Cédric Villani (entre 6,7 et 8%).
A Lyon, selon des estimations encore provisoires le 15 mars au soir, l'écologiste Grégory Doucet, un novice en politique, arrive en tête (avec 28,3% des voix) devant Etienne Blanc (LR, 16,5%) et le candidat de Gérard Collomb, Yann Cucherat (LREM, 14,8%).
A Marseille, la candidate du Printemps marseillais (union de la gauche), Michèle Rubirola, arrive en tête du premier tour des élections municipales avec 23,44% des voix, devant Martine Vassal (LR, 22,32%), Stéphane Ravier (RN, 19,45%)et le candidat LREM Yvon Berland (7,88%).
A Bordeaux, le maire LR sortant, Nicolas Florian, a recueilli 34,55% des suffrages lors du premier tour des élections municipales, suivi de près par Pierre Hurmic (EELV) avec 34,38% des voix. En troisième position, on retrouve Thomas Cazenave avec 12,69% des voix, talonné par Philippe Poutou (NPA) qui engrange 11,77% des suffrages.
Quant aux autres principaux candidats LREM aux municipales de 2020 : à Limoges, Monique Boulestin arrive en quatrième position avec 7,9% des voix. A Toulon, la députée Cécile Muschotti recueille environ 7% des suffrages ; à Arles, la députée Monica Michel arrive en cinquième position avec 5%. A Montpellier, Patrick Vignal est autour de 6%, alors qu'à Reims, Gérard Chemla obtient 3,29% des suffrages. A Perpignan, le député Romain Grau doit se contenter de la quatrième place avec 12,4% ; à Rennes, la députée Carole Gandon est troisième avec environ 14,5% ; à Nantes, la députée Valérie Oppelt est quatrième avec moins de 13%. A Strasbourg, Alain Fontanel est derrière EELV, à environ 20% ; à Besançon, Eric Alauzet est troisième, loin derrière EELV mais aussi LR, avec moins de 20%. A Lille, Violette Spillebout arrive également en troisième position, avec environ 18%. Et à Metz, Richard Lioger arrive quatrième avec 7,2%.
Seul lot de consolation pour le mouvement présidentiel : plusieurs des candidats qu'il soutenait ont été réélus dès le premier tour, dont les membres du gouvernement Gérald Darmanin (ministre de l'Action et des Comptes publics) à Tourcoing (Nord) ou Franck Riester (ministre de la Culture) à Coulommiers (Seine-et-Marne).
La pandémie du Covid-19 comme seule cause ?
Ces élections municipales interviennent dans un contexte très particulier, certes marqué par la pandémie du Covid-19, mais surtout par les nombreuses mobilisations sociales qui ont régulièrement défié l'action d'Emmanuel Macron.
En effet, en plus du mouvement des Gilets jaunes débuté en novembre 2018 contre une mesure du gouvernement portant à l'origine sur une taxe sur le carburant, le parti de la majorité semble essuyer un retour de bâton de plus de trois mois de mobilisations sociales contre le projet de réforme des retraites, passé grâce au 49.3 le 29 février. Ainsi, le scrutin a parfois pris des allures de vote sanction pour la majorité.
De son côté, le maire sortant de Lyon, et ancien ministre Gérard Collomb a attribué, ce 15 mars au soir, le score décevant de son camp aux divisions au sein d'En Marche. «Nous avons analysé les résultats sur la ville de Lyon [...] où il y a incontestablement une poussée des Verts, mais en même temps il y a aussi le fruit de nos divisions : si on ajoute les deux listes de l'ancienne majorité, on s'aperçoit qu'on serait partout en tête», a-t-il regretté face à plusieurs médias.
Par ailleurs, LREM a été créée de toutes pièces par Emmanuel Macron lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2017. Le parti de la majorité ne bénéficie donc pas de bastions, ni même d'implantations locales fortes ou de tissus sociaux et associatifs autochtones, puisque la quasi totalité de ses membres sont issus de la société civile et font donc leurs premiers pas en politique.
Ensuite, il convient de rappeler qu'Emmanuel Macron a été élu président de la République avec, au premier tour de l'élection présidentielle, 8 657 326 voix sur 47 581 118 d'électeurs inscrits, soit 18,19% en prenant en compte les abstentionnistes. Un faible pourcentage ne lui permettant pas d'avoir une assise électorale et donc sociale forte et stable toute la durée de son mandat.
Enfin, le taux record d'abstention lors de ces municipales ne semble pas a priori avoir eu d'impact particulièrement important sur les mauvais résultats des marcheurs, mais aurait plutôt eu une influence globale.
«[L'abstention] ne s'explique pas par la démobilisation des personnes âgées, considérées comme vulnérables ou à risque et qui auraient pu craindre de se confronter au coronavirus», explique le politologue Martial Foucault pour Le Point. Et de poursuivre : «en réalité, elle touche également toutes les catégories, à la fois d'âge et socioprofessionnelles. Géographiquement, les niveaux de participation restent très bas, y compris dans les territoires ruraux où la mobilisation est traditionnellement plus élevée. Ce résultat inédit montre clairement que l'épidémie de coronavirus a eu un effet propre sur le scrutin, sans lien avec l'offre d'élus.»
Si le second tour des élections municipales se maintient, il reste désormais à savoir quelles seront les diverses stratégies que mettront en place les candidats LREM pour tenter d'obtenir de meilleurs résultats pour ces municipales 2020, notamment face aux nombreux succès du parti écologiste Europe écologie les Verts (EELV).