Microsoft Word, militant du politiquement correct

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Le totalitarisme de la bien-pensance jusque dans les logiciels de traitement de texte

Plus le temps passe, plus on ne peut s'empêcher de déplorer la montée apparemment inarrêtable du « politiquement correct » et de toutes ses contraintes d'une rigidité effarante concernant la manière dont il est désormais permis de s'exprimer. Dans la sphère publique, il faut sciemment peser ses mots, les retourner à l'endroit et à l'envers pour s'assurer de n'offenser rien ni personne sous peine de réprimande sévère des autorités de « l'inclusion », qui ne tolèrent pas que leur mainmise sur la langue soit profanée.


La dernière avancée du « politiquement correct » s'est faite à un endroit où personne ne l'attendait : à même le logiciel de traitement de texte le plus utilisé du monde, Microsoft Word. En effet, dans sa plus récente mouture, Word inclut la novatrice fonction « Langage non discriminant », qui se permet de corriger monsieur et madame tout le monde lorsqu'ils utilisent du vocabulaire jugé « discriminant » par la frange la plus hypersensible de la société. Si le simple ajout de cette fonctionnalité est éminemment discutable, les cas dans lesquels elle se permet d'intervenir pour corriger les écrivains en plein « dérapage discriminatoire » tombent carrément dans la catégorie du loufoque.


En plein travail sur la guerre du Vietnam, une bonne amie a fait l'erreur d'employer la locution « tous les Vietnamiens » pour désigner les habitants du pays dont il était question. Il n'en fallait pas plus pour que Microsoft Word soit dans tous ses états, soulignant le groupe de mots comme s'il s'agissait d'une faute d'orthographe afin qu'on la change au plus vite. En cliquant sur le mot, la fonction « Langage non discriminatoire » s'active et envoie le message suivant à l'utilisateur : « Essayez de reconsidérer ce terme jugé sexiste. » Ainsi, au lieu de parler de « tous les Vietnamiens », ce qui serait hautement discriminatoire, il faudrait obligatoirement remplacer la locution par « toutes les Vietnamiennes et tous les Vietnamiens », même si, initialement, tout était parfaitement acceptable grammaticalement et rendait le texte plus léger.


Si le sexisme est présent à bien des égards dans notre société, ce n'est pas dans des groupes de mots comme « tous les Vietnamiens » qu'il s'incarne.

L'exemple cité plus haut ne relève ni de l'appel à la haine ni d'une indécence choquante, il ne s'agit que de la grammaire française scrupuleusement respectée. Pourtant, on se permet tout de même de dire qu'il est « jugé sexiste ». Quoi de plus emblématique de l'étau du « politiquement correct » qui se resserre constamment sur le citoyen moyen. Que des politiciens en quête du vote du plus grand nombre adoptent un langage aseptisé pour abrutir leurs discours aussi inodores qu'incolores est déjà assez contestable, l'imposer à tous atteint l'inadmissible. Si le sexisme est présent à bien des égards dans notre société, ce n'est pas dans des groupes de mots comme « tous les Vietnamiens » qu'il s'incarne. Lorsqu'on en est rendu à un point où il est jugé prioritaire de se battre contre ces groupes de mots dans la bouche de tout un chacun, c'est un signe éminemment clair qu'il faut réorienter ses priorités.


Quand on voit la discrimination dans les mots les plus insignifiants et surtout quand même Microsoft Word adopte ce radicalisme du vocabulaire, c'est un signe irréfutable que l'étau de la bien-pensance se resserre à vitesse grand V sur ce qu'il reste de la langue française et s'acharne à uniformiser le discours ambiant pour qu'il corresponde à sa vision de ce qui est « acceptable » et de ce qui est « discriminatoire ». Au final, on se retrouve avec la même langue de bois inintéressante et soporifique qui donne envie à tant de gens de décrocher pour de bon de la politique. Si les logiciels de rédaction dont se servent les citoyens leur imposent dorénavant par la réprimande une opinion politique, force est de constater que cet agenda a véritablement réussi à s'imposer comme l'unique dénominateur de la vertu, s'immisçant même dans les outils prétendument neutres.


Pour ma part, c'est clair que je ne mets pas à jour mon Microsoft Word 2011...