LFI et RN : une convergence des luttes déjà bien entamée

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C'est l'immigration qui divise les patriotes de gauche et ceux de droite

Sur le plateau de BFM TV, le 14 mai dernier, Andréa Kotarac, élu La France insoumise (LFI) en région Auvergne-Rhône-Alpes, a appelé à soutenir Jordan Bardella (RN) pour le scrutin européen. Ruth Elkrief fut désarçonnée, et il y a de quoi !


Qui eût cru que les électeurs de Jean-Luc Mélenchon tendent la main aux électeurs frontistes ? Pourtant, le cas Kotarac n’est pas singulier. En effet, nombreux sont les Insoumis promouvant une ouverture politique avec le parti de Marine Le Pen. Nous sommes en 2019 et, pour une fois, la convergence des luttes a bien eu lieu.


On nous martèle la fin du clivage traditionnel gauche/droite qui dessina la vie politique française pendant des décennies. Aujourd’hui, nombreuses sont les nouvelles grilles de lecture : pour Patrick Buisson, il s’agirait d’un clivage entre « libéraux et antilibéraux », pour Emmanuel Macron entre « populistes et progressistes », pour la politologue Florence Hegel entre les « europhiles et les eurosceptiques » (ou souverainistes). Cette énumération témoigne d’une « convergence des luttes » entre le parti de Marine Le Pen et le parti de Jean-Luc Mélenchon face au mondialisme et à l’ultralibéralisme de LREM. La sociologie électorale le montre bien : les milieux populaires, les perdants de la mondialisation, préfèrent le vote rouge ou le vote bleu marine, espérant ainsi défendre la souveraineté de l’État et lutter contre la concurrence déloyale, expression phare de Manon Aubry et de Jordan Bardella lors du dernier scrutin européen.


Marine Le Pen montre une velléité certaine à conquérir les Insoumis, au détriment de l’électorat bourgeois qui, pourtant, constitue une réserve électorale de taille. Pour conquérir, il faut séduire et la présidente du RN l’a compris en évoquant les points d’accord avec LFI sur le RIC, la remise en question des traités de libre-échange et l’opposition aux travailleurs détachés. Le mouvement des gilets jaunes témoigne de cette convergence des luttes inévitable. Néanmoins, un fossé se creuse sur la question de l’immigration : l’un veut la régularisation de tous les travailleurs sans papiers, l’autre la conteste. L’un veut toujours plus d’immigration, l’autre en veut toujours moins.


D’année en année et d’élection en élection, la sympathie des Insoumis envers le RN croît. Le sondage Odoxa datant de mai 2019 révèle que 58 % des sympathisants de LFI pensent que « le parti de Marine Le Pen doit être considéré comme les autres ». Alors qu’en 2015, seuls 5 % d’électeurs de gauche avaient une bonne opinion du RN, aujourd’hui, ils sont près de 36 %. Ce chiffre en hausse témoigne de la fin du clivage traditionnel gauche/droite et, donc, d’une convergence électorale autour de la question européenne et de la place des citoyens et, d’autre part, témoigne de la dédiabolisation du RN. Néanmoins, celui-ci ne doit pas crier victoire car, selon une enquête IPSOS, 52 % des 7 millions d’électeurs LFI ont voté Macron. Au nom du « barrage républicain ».


La France insoumise et le Rassemblement national se partagent le même électorat, celui de la France périphérique, de la France oubliée. Reste à savoir si la France oubliée à tendance mélenchoniste basculera sur la question migratoire, estimant que cette dernière va de pair avec la souveraineté nationale. Le « camp des Saints » face au « camp des Insoumis ». Ces derniers changeront-ils de camp ?