Lettre ouverte de Fatima Houda-Pépin: La haine des femmes

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L'heure juste





Elle est de retour la Journée internationale des femmes, elle a au moins le mérite de nous permettre de mesurer le chemin parcouru depuis les cinq dernières décennies.


En rétrospective, on peut être fières d'avoir arraché l'égalité juridique entre les femmes et les hommes. L'égalité réelle, elle,  se fait encore attendre bien que, statistiques à l'appui, il est possible d'en mesurer les avancées en matière d'éducation, de  santé, d'emploi et d'accès des femmes aux lieux de décision dans les domaines politique, économique et social.


Mais ce 8 mars 2015 me ramène à une autre réalité, celle de mesurer les reculs considérables que nous avons enregistré en matière de condition féminine ici et ailleurs. Régulièrement, nous sommes interpellés par des cas de violence conjugale et de harcèlement sexuel. Il arrive aussi que des cas de domination patriarcale, d'un autre âge, remontent à la surface médiatique et nous révèlent des réalités qu'on ne soupçonnait pas telles que l'application de la charia, la pratique de la polygamie, les mariages arrangés et les crimes d'honneur.


En Afrique, en Asie et au Moyen-Orient où la tradition pèse toujours de tout son poids sur la vie des femmes, le quotidien de bon nombre d'entre elles est fait encore d'oppression, de violence, de mariages précoces forcés, d'excision, de mutilations génitales rituelles, de viol, de lapidation et d'infanticide.


Comme si cette calamité ne suffisait pas, voilà que les prédicateurs du malheur prônant un islamisme radical, wahhabiste et salafiste, à la solde de l'Arabie saoudite et des  pétro-monarchies du Golf,  justifient à coup de prêches vitroliques, l'esclavage des femmes. Cette propagande haineuse et sexiste est ouvertement relayée à l'échelle de la planète via des canaux de télévision émettant en arabe, en français, en anglais, en ourdou et autres, sans compter les multiples outils d'Internet (notamment You Tube et les medias sociaux).


Les groupes dihadistes, bras armés des prédicateurs wahhabistes et salafistes rivalisent d'atrocités en réduisant les femmes musulmanes -chiites comme sunnites-  ainsi que les  « mécréantes »  - chrétiennes et yézidites -  à l'esclavage.  Ils les vendent sur les marchés publics aux plus offrants, les violent à répétition, les torturent, les lapidant et les enterrent vivantes. Leur seul « crime » est celui d'être femmes.


Parmi ces groupes barbares, il y a les djihadistes de Boko Haram - l'éducation occidentale est un péché, en langue Haoussa - qui multiplient leurs attaques sauvages au Nord du Nigéria, tuant des milliers de civiles -hommes, femmes et enfants - et brûlant écoles, villages et bibliothèques. Le 14 avril 2014, ils ont enlevé près de 300 lycéennes à Chibok, les ont forcé à se convertir à l'islamisme radical et à « se marier » à leurs violeurs.


Et que dire de Daech, le pseudo-État islamique en Iraq et au Levant dont la marque de commerce est l'esclavage sexuel des femmes.


Partout où ces groupes prennent racine et dans toutes les zones où ils exercent directement leur influence, ils imposent « leur loi  », partout la même, une version salafiste de la  charia qui cible principalement les femmes et les petites filles. On ne compte plus le nombre d'atrocités qu'ils leur font subir, y compris l'utilisation des fillettes comme chair à canons lors des attaques suicide.


La toile salafo-djihadiste est en train de se tisser. Elle a le monde pour horizon et les femmes pour principales victimes. D'A-Quïda, organisation terroriste surgie des confins de l'Afghanistan, au Groupe État islamique en Irak et au Levant, en passant par les Frères musulmans, Al Jamaa al-Islamiya, l'Émirat du Caucase, le Front al-Nosra, Al Quaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Al Qaïda dans la Péninsule arabique (AQPA),  Ansar Dine, le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), Al Moulathamoun, Ansar Al-Charia, Al Chabab, etc. .. Toutes les mouvances radicales se revendiquant de l'islam (chiites comme sunnites) et leurs organisations-relais dans les pays occidentaux vouent une haine sans bornes aux femmes et rivalisent d'ingéniosité pour inventer les façons les plus dégradantes pour les dominer, les infantiliser et les asservir.


Pour que cette Journée internationale des femmes ait un sens. Pour que ce 8 mars 2015 soit un tournant dans l'histoire de l'humanité, il est impératif que les démocrates de toutes les religions et sans religions, du Nord et du Sud, se mobilisent pour faire barrage à l'asservissement des femmes et mettre fin aux traitements insoutenables et inhumains qui leur sont infligés. Aurions-nous le courage de faire de cette question un enjeu de la prochaine décade (2015-2025) ?


Si oui, commençons par réclamer de nos candidat(e)s aux prochaines élections, tout parti politique confondu, « Qu'allez-vous faire pour arrêter la violence faite aux femmes ici et ailleurs ? ».




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