Les textes sur la transparence de la vie publique définitivement adoptés

Hélène Bekmezian

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Un exemple à suivre

Après un parcours long et cahoteux et de nombreuses tensions entre la majorité et l'exécutif et entre les parlementaires eux-mêmes, les projets de loi sur la transparence de la vie publique, annoncés le 3 avril par François Hollande, dans la foulée de l'affaire Cahuzac, ont été définitivement adoptés par l'Assemblée nationale, mardi 17 septembre.
Le texte relatif aux parlementaires a recueilli 324 voix pour et 205 voix contre, dépassant la majorité absolue requise pour l'adoption de ce projet de loi organique. Un peu plus tôt, l'Assemblée avait auparavant adopté, par 291 voix pour et 196 voix contre, le projet de loi concernant les autres élus.
Des déclarations de patrimoine non publiques. Si ces textes contiennent un important train de mesures de moralisation de la vie publique, c'est la question de la publication des déclarations de patrimoine qui a cristallisé toutes les tensions. Comme ce fut le cas pour les ministres, dont les déclarations de patrimoine sont désormais librement consultables sur Internet, le chef de l'Etat, François Hollande, souhaitait que l'ensemble des parlementaires et les principaux élus locaux soient soumis au même régime (quelque 7 000 personnes concernées au total). Mais c'était sans compter sur l'opposition du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui a immédiatement et sans relâche mené la fronde contre cette idée, qui relevait selon lui de la "démocratie paparazzi".
Suivi par la grande majorité des députés, l'élu de Seine-Saint-Denis a fini par avoir gain de cause puisque le texte ne prévoit au final pas de publication des patrimoines ; il sera seulement possible de les consulter en préfecture et toute publication des informations recueillies sera punie d'une peine de 45 000 euros d'amende. Les sénateurs ont bien tenté d'aller plus loin, en votant – après de nombreuses péripéties – une publication pleine et entière au Journal officiel, mais l'Assemblée a eu le dernier mot et a rétabli le texte comme elle l'entendait. Seule la peine d'un an de prison prévue en cas de publication sauvage a finalement disparu du projet de loi. Pour les partisans de la transparence totale, cette mesure qu'ils qualifient de "ligne Maginot" ne tiendra pas à l'épreuve de la réalité.
Des déclarations d'intérêts consultables sur Internet. Les déclarations d'intêrets des élus seront entièrement publiques et mise en ligne sur Internet. Elles devront notamment répertorier les activités rémunérées et bénévoles de l'élu et de son conjoint, les activités de consultant remontant jusqu'à cinq ans avant la date d'élection, les éventuelles participations de l'élu à la direction d'un organisme privé ou public et les noms des assistants parlementaires. Le projet de loi prévoit également une protection pour les "lanceurs d'alerte" sur les cas de conflits d'intérêts.
Une Haute Autorité aux pouvoirs élargis. Censée remplacer la "commission pour la transparence financière de la vie politique" sous-dotée en moyens humains et financier, une "Haute Autorité pour la transparence de la vie publique" voit le jour. Elle sera composée de six hauts magistrats et quatre "personnalités qualifiées" choisies par l'Assemblée et le Sénat et élues pour six ans. Elle tiendra le rôle de gendarme de la moralisation.
Deux mois après leur entrée en fonction, les élus devront remettre à cette Haute Autorité leurs déclarations d'intérêts et de patrimoine qu'elle transmettra ensuite à l'administration fiscale qui devra à son tour communiquer – sous trente jours – les éléments nécessaire à la vérification de "l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité" des informations (comme par exemple les avis d'imposition des élus). La Haute Autorité aura alors encore trois mois devant elle pour contrôler les déclarations au regard de ces élements. Elle pourra en outre, et à tout moment, être saisie par des citoyens ayant repéré d'éventuelles anomalies.
Des incompatibilités à la carte. Le problème des incompatibilités entre certaines fonctions et l'exercice d'un mandat électif a été, techniquement, l'un des plus difficile à traiter. Si le texte initial prévoyait que "l'exercice d'une fonction de conseil est incompatible avec le mandat de député", députés et sénateurs ont dû adapter la disposition pour la rendre juridiquement acceptable. Au final, la loi ne prévoit que l'interdiction de commencer l'exercice d'une nouvelle profession pendant la durée du mandat. En revanche, un régime spécial est accordé aux membres du Conseil constitutionnel qui se verront interdire "toute fonction publique et toute autre activité professionnelle ou salariée", à l'exception "des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques".
Réserve, inéligibilité et financements des partis politiques. Enfin, les textes sur la transparence de la vie publique prévoient d'autres dispositions moins médiatisées mais toutes aussi importantes. Ainsi la réserve parlementaire, cette enveloppe de 150 millions d'euros répartie entre les parlementaires pour financer des projets locaux, devra être soumise à une transparence totale. Unilatéralement, Claude Bartolone avait déjà prévu que cela soit le cas pour la partie concernant les députés, mais la disposition sera désormais pérenne et inscrite dans la loi : pour chaque subvention devront être connus "le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme concerné et le nom du membre du Parlement, du groupe politique ou de la présidence de l'Assemblée qui a proposé la subvention".
Les députés ont également adopté un amendement visant à "limiter la vitalité" des micro-partis qui permettent de collecter des fonds en sus des partis traditionnels : l'ensemble des dons d'un contribuable à des partis politiques sera désormais limité à 7 500 euros par an et non plus à 7 500 euros par parti. Enfin, les élus condamnés pour corruption, trafic d'influence ou fraude électorale ou fiscale pourront être sanctionnés d'une peine d'inéligibilité de dix ans – et non à vie comme le souhaitait le gouvernement.


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