Les nations européennes ne veulent plus jouer leur rôle dans l’OTAN

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Marti HIKEN (Dissident Voice) - La récente diatribe de Robert Gates contre les 28 membres de l’OTAN qui "consomment de la sécurité au lieu de la produire" et qui ne font pas leur part de guerre sanglante est soit un avertissement soit un signe avant-coureur de l’évolution de la relation entre les USA et les nations européennes. Les nations européennes refusent de participer aux guerres américaines et les USA n’aiment pas ça. Les Européens ont collaboré de plein gré aux ambitions impérialistes des USA aussi longtemps qu’on leur a demandé de se consacrer au missions "douces" c’est à dire le soutien humanitaire pendant que les USA s’occupaient des missions "dures" à savoir les missions de combat. Ce qui est clair est que les besoins, à la fois économiques et politiques, des 28 pays vont dans des directions opposées et qu’il y a peu d’unité parmi les membres de l’OTAN. L’Europe apparemment ne partage pas la vision étasunienne de l’hégémonisme et de l’impérialisme étasuniens.
Depuis la création de l’OTAN en 1949 pour renforcer la défense de l’Europe et pour maintenir la paix et la coopération dans l’Europe conflictuelle après les deux guerres mondiales, ses membres européens ont été incités à soutenir la politique étrangère étasunienne. De fait, il en est ressorti un Plan Marshall constamment tourneboulé et financé par les contribuables étasuniens à hauteur de 75% des dépenses militaires de l’OTAN. Cela permet aux USA de projeter leur ambition hégémonique sur le reste du monde et s’appuyant sur leurs alliés européens sous le prétexte de "défendre" les nations Nord Atlantiques.
Alors que la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) aurait pu être tournée vers le développement de capacités militaires pan-européennes qui auraient permis à l’Europe de contrôler plus ou moins son destin, les Européens ont au contraire choisi de "mettre l’accent sur les institutions plutôt que sur les capacités militaires effectives."
Pendant ces dix dernières années, toujours pour justifier la continuation de l’existence de l’OTAN, on est passé de la nécessité de contrer l’Union Soviétique et le bloc de l’est à celle de s’opposer au terrorisme avec son éternel cortège d’opérations militaires sur toute la planète assorti d’activités destinées à remplir les coffres des multinationales étasuniennes.
Une à une les nations européennes sont entrées dans l’alliance, attirées par la propagande mensongère comme l’âne par la carotte attachée sous son nez au bout d’un bâton. Alors que le système de missiles de défense et autres investissements étasuniens ont donné par le passé un sentiment de sécurité ainsi que du travail et de la technologie à de nombreux pays, l’Otan d’aujourd’hui et son programme de missiles de défense repose largement sur l’idée d’empêcher une agression de l’Iran.
Du point de vue européen, c’était un bon accord, et ses membres ont accepté de participer à l’OTAN surtout pour bénéficier de la manne technologique dans les domaines militaires et les services secrets que ce pays offre à ses alliés - c’est à dire aussi longtemps que les Etasuniens finançaient les opérations et que les Européens ne devaient pas s’engager dans le combat, ni tuer et être tués.
Au cours des 60 dernières années, pourquoi les Européens auraient-ils développé, fabriqué et entretenu leurs propres défenses et alliances militaires puisqu’ils pouvaient compter sur les USA pour le faire ? Prendre la carotte et la manger revient beaucoup moins cher que fournir la compétence et payer le coût élevé des armes et de la militarisation.
Quand Gates dit : "Cette situation découle en partie d’une manque de volonté politique et pour beaucoup d’un manque de ressources en période d’austérité" il ignore le fait que les pays européens doivent encore prendre en compte les inquiétudes de leurs citoyens qui n’ont pas envie que leur jeunesse soit sacrifiée et meure au même rythme que la jeunesse américaine. Il semble que les peuples de l’Europe ne veulent pas que leurs économies deviennent des systèmes militaires coûteux destinés à protéger les riches. "La sécurité nationale" et le matériel militaire n’a pas autant d’adeptes outre-Atlantique qu’ici aux USA. A la différence des politiciens étasuniens, beaucoup d’Européens demandent (et ont) des systèmes de santé pour tous, un filet de sécurité, un droit du travail et des emplois.
Ce qui se passe est intéressant parce que, même si les USA peuvent acheter et contraindre beaucoup de pays dans le monde, ils n’ont pas ce pouvoir sur les nations européennes. Les états européens ne forment pas une union ni une confédération ; ce sont au contraire des nations indépendantes qui ont chacune leurs propres élections. Les pays ont des gouvernements et des partis qui changent régulièrement ; ce sont des pays séparés qui doivent rendre des comptes à ceux qui les élisent et non pas aux militaires étasuniens. Quel pays pourrait lancer une attaque d’envergure contre l’Europe ? Il est ridicule de croire que les pays européens ont besoin de l’OTAN. Les pays européens pourraient facilement se retirer de l’OTAN et laisser les USA mener ses propres guerres.
On peut aussi se demander si l’Europe ne se livre pas une sorte de jeu passif-agressif avec les USA ? A-t-elle dupé les leaders étasuniens en fin de compte ? Puisque chaque nation européenne possède sa propre armée nationale et, en acceptant de faire le jeu des USA, tire profit de la collaboration et accumule de l’expérience en participant aux escarmouches et aux exercices de l’OTAN dans le monde, l’Europe va-t-elle finalement se retrouver à mille lieues devant les USA grâce aux ressources et aux connaissances technologiques accumulées ? Ou à l’opposé, en ne développant pas un solide système européen de défense correspondant à ses besoins, l’Europe ne risque-t-elle pas de voir retomber sur elle la colère des pays en voie de développement que les USA cherchent à dominer.
Une chose est sure, les USA dictent la politique de l’OTAN en fonction des intérêts des USA. Gates l’a dit clairement : "Ce serait une grave erreur de la part des USA de renoncer à leurs responsabilités mondiales" y compris à l’augmentation de "leur engagement en Asie". Gates est convaincu que les Européens devraient être fiers de soutenir les objectifs impérialistes des USA dans le monde.
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Marti Hiken
Marti Hiken est la directrice de Progressive Avenues. Elle est l’ancienne directrice associée de the Institute for Public Accuracy et ancienne présidente de the National Lawyers Guild Military Law Task Force. On peut la joindre à : info@progressiveavenues.org. et visiter son site.
Pour consulter l’original et lire les notes : http://dissidentvoice.org/2011/06/e...
Traduction : Dominique Muselet



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