Les fronts ouverts par Donald Trump dans sa guerre commerciale

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« America First » : les États-Unis toujours en déficit commercial avec ses partenaires

INFOGRAPHIES - Le président américain s’est lancé dans une vaste offensive visant à réduire le déficit commercial de son pays et protéger les emplois sur son sol. De la Chine au Canada en passant par l’Europe, les principaux partenaires commerciaux sont visés.



Donald Trump avait prévenu. Sa bataille au nom de l’«America first» n’épargnera personne. Pas même ses principaux alliés. Le conflit a débuté au printemps 2018 avec l’instauration de taxes sur l’acier et l’aluminium. Il s’est depuis élargi à de nombreux secteurs, dont l’agriculture, les télécoms et peut-être bientôt l’automobile. Presque partout dans le monde, Donald Trump a ouvert des fronts dans cette guerre commerciale aux conséquences potentiellement graves pour l’économie mondiale. Passage en revue.



• La Chine


Téléphones, jouets, chaussures… Les Américains importent toujours plus de produits «made in China». Depuis le début des années 2000, le déficit commercial américain vis-à-vis de ce pays n’a cessé de se creuser pour finalement exploser à plus de 370 milliards de dollars aujourd’hui. Le président américain, qui accuse Pékin de concurrence «déloyale» et de «vol de propriété intellectuelle», veut réduire ce déficit mais aussi obtenir des réformes structurelles de la part de la deuxième économie mondiale. Dans ce but, il multiplie les attaques. Quelque 250 milliards de dollars de produits chinois se retrouvent ainsi surtaxés à hauteur de 25%. Donald Trump a également décidé de prendre pour cible le secteur des télécoms chinois et son leader Huawei. Il envisage aussi de nouvelles taxes sur les 300 milliards de biens chinois restants (soit la quasi-totalité des biens importés de Chine). Une attitude qui met un terme définitif à la trêve décrétée par les deux pays en décembre 2018. La Chine, qui a répliqué à chacune des attaques commerciales américaines jusqu’ici, vient d’annoncer la surtaxation à 25% de plus de 5400 nouveaux produits américains. Elle menace désormais d’utiliser l’arme des terres rares.



• Le Canada


Les tensions entre les deux pays sont apparues en avril 2017, lorsque l’administration américaine a décidé d’imposer des taxes à l’importation du bois de construction canadien. Elles se sont accentuées en juin 2018 lorsque le Canada s’est vu imposer, comme d’autres pays, les taxes sur l’acier et l’aluminium. Un choc pour Ottawa, premier fournisseur des États-Unis pour ces deux métaux. Le Canada avait répliqué avec des droits de douane sur 12,6 milliards de dollars de produits américains. En déclenchant ce conflit, Donald Trump souhaitait pousser son grand voisin à renégocier l’accord de libre-échange Alena. L’objectif est atteint puisqu’un nouvel accord, baptisé ACEUM, a été trouvé en octobre 2018. Les taxes sur l’acier et l’aluminium ont donc été levées. Le processus de ratification par le Congrès américain a été lancé fin mai. Reste à savoir s’il ira jusqu’au bout. La récente décision de Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers sur les biens mexicains, en rétorsion au problème d’immigration clandestine, a semé le trouble côté canadien. En effet, pour entrer en vigueur, l’ACEUM exige la ratification par les États-Unis, le Canada et le Mexique.


• Le Mexique


Les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Mexique. Le déficit des Américains avec leur voisin (78,4 milliards de dollars l’an dernier) est sans commune mesure avec celui entretenu avec la Chine ou l’Union européenne. Mais sa seule existence suffit à irriter Donald Trump qui ne supporte pas de voir des entreprises, notamment dans le secteur automobile, délocaliser leur activité de l’autre côté de la frontière. Le président américain ne supporte pas non plus les problèmes migratoires liés à cette frontière et n’hésite pas à lier les deux sujets. Le Mexique, qui figure dans le top 10 des pays fournisseurs d’acier et d’aluminium des États-Unis, n’a pas été épargné par les taxes sur ces deux métaux. Il a décidé de riposter en taxant à son tour les produits agricoles américains et en se rapprochant de l’Union européenne. Finalement, un accord avec Washington a été trouvé dans le cadre de l’ACEUM, permettant la levée des taxes sur l’acier et l’aluminium. Mais la ratification de ce dernier est compromise par les nouveaux droits de douane que souhaite imposer Donald Trump pour régler la question migratoire. À compter du 10 juin, des tarifs douaniers de 5% sur tous les biens en provenance du Mexique seront instaurés. Ils seront progressivement augmentés tant que les immigrés clandestins continueront d’affluer, prévient le président américain.


• L’Union européenne


Selon le département du Commerce américain, les exportations de biens et services des États-Unis vers l’Union européenne font travailler 2,6 millions de personnes dans le pays. Problème: les États-Unis enregistrent un déficit commercial de l’ordre de 110 milliards de dollars avec leur partenaire européen. De quoi susciter la colère de Donald Trump qui juge ce résultat injustifié. L’Europe, qui supporte déjà des surtaxes sur l’acier et l’aluminium, subit de manière récurrente la menace de taxes sur l’automobile, ce qui porterait notamment préjudice aux constructeurs allemands. Donald Trump a accepté de donner un répit de six mois au secteur automobile européen, jusqu’en août. Après cela, il se réserve le droit de sévir... En effet, les deux parties, qui s’étaient mises d’accord en juillet 2018 pour négocier un accord de libre-échange, peinent à trouver un terrain d’entente. D’autant plus que la France freine la manœuvre. L’Europe, qui a déjà répliqué à la première attaque douanière américaine sur l’acier, prévient que sa liste de biens américains à sanctionner est déjà en préparation au cas où Donald Trump taxerait l’automobile.



• La Suisse


Réputée pour sa neutralité, la Suisse a cette fois décidé d’agir face à Donald Trump. Le pays, touché comme les autres par les taxes sur l’acier et l’aluminium, a saisi l’Organisation mondiale du commerce pour contester ces nouveaux droits de douane américains. La Suisse estime qu’ils touchent des exportations qui représentaient 80 millions de francs (69 millions d’euros) en 2017. «La Suisse estime que cette mesure, appliquée à son encontre par les États-Unis au nom de la sécurité nationale, n’est pas justifiée», avait alors indiqué le ministère suisse de l’Économie. Les États-Unis entretiennent avec la Suisse un déficit commercial de l’ordre de 4 milliards de dollars. Les principaux produits importés du pays par les Américains sont des biens pharmaceutiques, des métaux précieux ou encore des instruments médicaux.


• Le Japon


Les Japonais sont dans le top 10 des fournisseurs d’acier des États-Unis. Depuis mars 2018, ils subissent les taxes mises en place par l’administration Trump, malgré des tentatives de négociations du premier ministre Shinzo Abe. Le président américain estime que son pays entretient avec l’archipel un «énorme déficit» (57,9 milliards de dollars). D’où le lancement de fastidieuses négociations en vue d’un accord commercial. Pour le Japon, le principal sujet d’inquiétude concerne la menace de taxes sur l’automobile. Pour rappel, les voitures sont le principal bien importé du Japon par les États-Unis (51 milliards de dollars en 2018). «L’industrie automobile est extrêmement importante. Des mesures de restrictions pourraient grandement perturber le marché, ce serait tout à fait déplorable», avait prévenu le ministre japonais du Commerce et de l’Industrie, Hiroshige Seko, l’an dernier. Donald Trump a décidé de se laisser six mois avant de décider s’il ciblerait le secteur automobile japonais. Dans l’espoir d’être épargné, l’Archipel multiplie les gestes de bonne volonté comme la hausse de ses commandes à des industriels américains de l’aéronautique. Mais pas sûr que cela suffise à Donald Trump. Ce dernier pourrait faire passer le message à Shinzo Abe fin juin en marge du G20 d’Osaka.


• La Corée du Sud


La Corée du Sud est la preuve que la stratégie de pression commerciale de Donald Trump peut parfois porter ses fruits. Dans le cadre de la renégociation de l’accord de libre-échange Korus, que le président américain qualifiait d’«horrible», Séoul a obtenu d’être exempté des taxes sur l’acier et l’aluminium. Troisième plus grand fournisseur d’acier des États-Unis, la Corée du Sud est devenue le premier allié de Washington à décrocher cette exemption de manière indéfinie. Mais cela s’est fait à un certain prix. Séoul a accepté d’ouvrir davantage son marché automobile aux constructeurs américains. Ceux-ci vont pouvoir exporter en Corée du Sud 50.000 véhicules par an chacun, contre 25.000 véhicules auparavant, s’ils respectent les normes de sécurité américaines, mais pas forcément les normes sud-coréennes. La Corée du Sud a aussi accepté de réduire de 30% ses exportations d’acier vers les États-Unis.


• L’Inde


Donald Trump estime que les États-Unis ne bénéficient pas d’un accès suffisant au gigantesque marché indien constitué de 1,3 milliard d’habitants. Le pays entretient un déficit de l’ordre de 24 milliards de dollars avec l’Inde. «J’ai conclu que l’Inde n’a pas assuré aux États-Unis (...) un accès équitable et raisonnable à ses marchés», déclare Donald Trump. «En conséquence, il est approprié de mettre fin à la désignation de l’Inde comme pays en développement bénéficiaire à partir du 5 juin 2019». Concrètement, cela signifie que les États-Unis vont mettre fin aux avantages commerciaux sur les importations en provenance d’Inde. Jusqu’ici, le pays bénéficiait du régime de préférences généralisées (GSP, Generalized System of Preferences) qui permettait un libre accès au marché américain. Selon des informations de presse, New Delhi envisage de répliquer en augmentant les droits de douane sur plus de 20 produits d’importations américains dont des biens agricoles et chimiques.




Et les autres...


Donald Trump n’hésite pas à dégainer l’arme économique pour faire plier ses adversaires politiques. C’est ainsi que le Venezuela se retrouve sous pression. Les sanctions économiques américaines, qui restreignent notamment l’accès du pays aux capitaux étrangers, contribuent à plonger l’économie vénézuélienne dans le chaos. Washington, qui soutient Juan Guaido, espère le départ de Nicolas Maduro. L’administration Trump a également attaqué l’économie de Cuba, qu’elle accuse de soutenir ce dernier (comme le Nicaragua dans une «troïka de la tyrannie» en Amérique latine). Dernière sanction en date: l’interdiction faite aux Américains de se rendre à Cuba en voyages de groupe. Une mesure qui vise à pénaliser durement le secteur touristique, essentiel à l’économie du pays. Le chef de la diplomatie cubaine, Bruno Rodriguez, a dénoncé la volonté des États-Unis «d’asphyxier l’économie et de nuire au niveau de vie des Cubains» pour «arracher des concessions politiques».


L’Iran subit aussi de plein fouet les sanctions américaines consécutives au retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien en mai 2018. Téhéran a subi deux vagues de sanctions: la première concernant l’automobile et l’aéronautique civile, la seconde l’énergie. Les Européens tentent depuis d’instaurer un circuit commercial alternatif, une sorte de troc à grande échelle, pour contourner les sanctions. Autre cible: la Russie de Vladimir Poutine. Moscou n’a pas échappé aux taxes sur l’acier et l’aluminium au printemps 2018. La mesure était bien ciblée: sur les 20,8 milliards de dollars de biens importés par les Américains depuis la Russie en 2018, près de 14 milliards ont concerné les matières premières dont l’aluminium, le fer et l’acier. Outre ces métaux, Washington a voté en fin d’année dernière de nouvelles sanctions économiques visant à accentuer la pression sur le pays à la suite de l’annexion de la Crimée. Il s’agissait du vingt-septième train de sanctions décidé par la Maison Blanche depuis le printemps 2014.