FRANCE

Les candidats à la présidence sous l’oeil des agriculteurs

Le Salon de l’agriculture demeure le rendez-vous incontournable de la présidentielle

Cbf81b72d3ccf4e7b505bd2e4ea63b7d

Les agriculteurs en ont marre des vacheries politiciennes






« Ils viennent surtout pour faire de la figuration ! » À 17 ans, Baptiste Poillot n’est guère impressionné par le défilé des personnalités politiques. Ces jours-ci, plus que le passage de François Hollande, de François Fillon ou de Marine Le Pen entourés d’une nuée de photographes et de journalistes, ce qui préoccupe ce fils d’un éleveur de Thoisy-la-Berchère, en Bourgogne, c’est son bélier Suffolk. Cette superbe bête blanche et noire de quatre ans pourrait en effet remporter une médaille. Voilà pourquoi, pendant les dix jours du salon, il sera aux petits soins avec lui, coupant ici et là le moindre poil qui dépasse.


 

Aussi étrange que cela puisse paraître, après son sixième salon, Baptiste a vu défiler presque toute la classe politique française. On ne connaît pas d’autre rendez-vous où un homme politique passerait 12 heures d’affilée comme l’avait fait François Hollande à l’aube de la présidentielle de 2012. Cette année, la présidente du Front national, Marine Le Pen, qui arrive en tête des intentions de vote chez les agriculteurs, a prévu y passer plus de 8 heures. Comme pour toutes les présidentielles précédentes, le Salon international de l’agriculture de Paris, qui accueille chaque année plus de 700 000 visiteurs, demeure le principal rendez-vous politique de cette année électorale.


 

Toute la semaine, les candidats vont y flatter la croupe des vaches, goûter le petit muscadet nouveau et égrener leurs propositions devant les agriculteurs. Mais, surtout, ils vont tenter de démontrer leur attachement au terroir français. Car il ne s’agit pas seulement de convaincre des agriculteurs. Toutes les études montrent en effet que, même si 80 % des Français habitent en ville, l’attachement au terroir demeure extrêmement vivace. Plus qu’ailleurs en Europe, selon le géographe Armand Frémont (Portrait de la France, Flammarion), puisque la France est longtemps demeurée un pays agricole et qu’elle demeure le premier producteur européen.


 

Sans compter qu’il peut en coûter cher de passer pour un ennemi des agriculteurs. C’est ce que Nicolas Sarkozy avait appris à ses dépens en 2008. À peine élu, il avait spontanément répondu « Casse-toi, pauv’ con ! » à un agriculteur qui refusait de lui serrer la main. Ce fut le début de la chute. Sa cote de popularité n’a pratiquement jamais remonté par la suite.


 

Cette année, seul Jean-Luc Mélenchon ne sera pas au salon. Le candidat d’extrême gauche, surtout populaire dans les grandes villes, ne recrute guère chez les agriculteurs. Lundi, il s’est tout de même rendu dans une ferme bio de l’Oise. Le candidat de la droite François Fillon, qui est aujourd’hui distancé par Emmanuel Macron, ne manquera pas d’y faire un saut mercredi en même temps que son rival. Lundi, le candidat socialiste Benoît Hamon est venu y prêcher l’agroécologie et le développement des cultures maraîchères aux abords des grandes villes.


 

Du général de Gaulle à François Hollande


 

Rien de tel pour se donner une posture présidentielle que de côtoyer les charolaises et les montbéliardes. Depuis Charles de Gaulle, tous les présidents ont communié à cette tradition, à l’exception de François Mitterrand, qui ne s’y rendra qu’une seule fois en 14 ans de pouvoir. Les plus à l’aise furent évidemment ceux qui avaient des racines paysannes, comme Georges Pompidou, élu dans le Cantal. Mais le champion toutes catégories demeure Jacques Chirac qui, de 1972 à la fin de sa vie politique en 2007, n’a manqué qu’un seul salon pour cause d’accident de voiture.


 

Ces candidats, Didier Caillaud les attend pourtant de pied ferme. « Ce sont tous des bons à rien », dit-il. Producteur de lait à la tête d’un troupeau d’une centaine de vaches en Vendée, il a perdu l’an dernier 22 % de son chiffre d’affaires. Tout cela à cause de la baisse des prix. Dans l’ensemble de la filière, la chute a été de 28 % en moyenne.


 

« Vous êtes chanceux, vous au Québec, avec votre contrôle des prix, dit-il. Nous, on subit les prix mondiaux, mais on paie des charges françaises. Ça ne peut plus durer. » Depuis la fin des quotas laitiers européens, le 1er avril 2015, le marché connaît une surproduction. Un producteur sur dix est en faillite. Les suicides d’agriculteurs ont fait la une des médias. Ils seraient en recrudescence selon la permanence de prévention du suicide Agri’écoutes qui a reçu 1700 appels l’an dernier.


 

Une crise aiguë


 

La crise agricole française est particulièrement aiguë dans les secteurs laitier et porcin. Pour s’en sortir, Christophe Loiseau, qui a un élevage de 400 truies dans le Morbihan, propose des viandes avec le Label Rouge. Nourris avec des graines de lin et sans OGM, ces porcs produisent plus d’oméga 3. Cela permet au producteur d’aller chercher entre 15 et 17 centimes de plus le kilo. « Sans cela, nous n’y arriverions pas, dit-il. On n’a pas le choix de faire dans la qualité, surtout avec le porc canadien que nous amènera bientôt le traité de libre-échange avec le Canada. Je crains que les candidats n’y puissent pas grand-chose. »


 
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->