Le virus « woke », une nouvelle épidémie mortelle ?

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Le wokisme bien résumé dans tous ses aspects

9 novembre 2022


Par Johan Hardoy


♦ Après la prolifération du virus chinois, voici désormais qu’un vent mauvais venu d’Amérique nous amène une autre épidémie, d’ordre culturel cette fois : le woke. Des auteurs de sensibilités diverses ont entrepris de comprendre l’origine et le développement de cette contagion, comme la journaliste franco-américaine Anne Toulouse, auteur de deux livres sur Donald Trump, et le jeune philosophe marxiste Loïc Chaigneau. Ce dernier est ouvert au dialogue, comme l’attestent des débats de qualité (visibles sur Internet) menés notamment avec Pierre-Yves Rougeyron, le président du think tank souverainiste Cercle Aristote.


Une origine certifiée française


De même que le laboratoire de virologie P4 de Wuhan, l’ancêtre de l’idéologie woke est un produit d’importation d’origine française ! En effet, à partir des années 1970, un courant philosophique postmoderne, la French Theory, a prospéré dans les universités américaines après avoir été inspiré par les œuvres du couple existentialiste formé par Sartre et Simone de Beauvoir, ainsi que par les penseurs de la « déconstruction » Foucault, Deleuze, Derrida, Lyotard et consorts.


Nos philosophes peuvent donc légitimement revendiquer la paternité (ou la maternité !) d’une théorie qui revient en France comme un boomerang après son américanisation dans les campus.


Les nouveaux Gardes rouges


Le mot woke, issu de l’argot afro-américain, s’est répandu outre-Atlantique dans le contexte historique de la lutte pour les droits des Noirs. Ce terme désigne le fait d’être en alerte face aux discriminations de toutes sortes concernant les minorités ethniques et sexuelles.


Comme l’on sait, les partisans du wokisme manifestent une hostilité radicale qui tourne très rapidement à l’hystérie à l’encontre de ses opposants, voire même contre ceux qui se contentent simplement d’exprimer une opinion jugée déviante.


Une de leurs cibles principale consiste à éradiquer ce qu’ils nomment l’eurocentrisme de l’enseignement. Selon la Critical Race Theory (CRT), les programmes éducatifs, y compris les mathématiques, désavantagent les minorités au profit de la classe dominante blanche. Il conviendrait donc d’adapter le contenu des cours et l’évaluation des performances en fonction de l’origine ethnique des élèves.


Le succès croissant de cette idéologie dans les universités américaines entraîne les conséquences les plus déconcertantes. Un professeur d’UCLA (Californie) a ainsi été suspendu parce qu’il avait refusé de noter avec indulgence les étudiants noirs censés être traumatisés après la mort de George Floyd. Dans l’université d’Evergreen (État de Washington), les Blancs ont été exclus temporairement pour éviter qu’ils interfèrent dans une discussion sur le racisme.


Par ailleurs, des statues, des monuments et des drapeaux sudistes sont régulièrement retirés de la vue du public tandis que des centaines d’écoles et de rues sont rebaptisées.


Des clubs sportifs changent également de nom. Les Redskins, une célèbre équipe de football américain, se nomme désormais « équipe de football de Washington » pour ne pas indisposer les premiers habitants du pays.


Un langage totalitaire


Outre l’utilisation de l’écriture inclusive, les idéologues de l’intersectionnalité (discrimination pour au moins deux motifs qui interagissent) emploient leur propre jargon pour désigner leur conception du monde et leurs modes d’actions :




  • « It’s not funny » : expression désignant une plaisanterie pouvant heurter une sensibilité ;




  • « call out » : interpellation pour attirer l’attention sur les transgressions ;




  • « shaming » : faire honte lors d’une transgression ;




  • « shunning » : ostracisation après une transgression ;




  • « doxing » : divulgation d’informations personnelles ;




  • « cancel culture » : « effacement » d’un individu ou d’une entreprise ayant transgressé les normes tolérées.




En outre, « iels » (en écriture inclusive) réprouvent absolument :




  • l’ « appropriation » : emprunt à une culture minoritaire ;




  • les « triggers » : déclencheurs de réaction émotionnelle négative chez les personnes censées être discriminées ;




  • le « dead naming » : emploi du nom de naissance d’une personne ayant changé de sexe ;




  • l’ « othering » : formulation pouvant faire sentir à autrui qu’il est différent ;




  • le « colorblind » : négation des couleurs et des discriminations afférentes ;




  • le « white privilege » : ceux qui naissent avec la peau blanche héritent d’une série d’avantages immérités quelle que soit leur situation sociale ;




  • le « racisme systémique » : les Blancs sont de façon inhérente coupables d’un racisme qu’ils cherchent à perpétuer en dépit des lois. Ce concept a été repris par Joe Biden lui-même lors de son discours inaugural, à rebours de son prédécesseur démocrate Barack Obama qui a dénoncé l’activisme woke pendant et après sa présidence.




Marx n’est pas woke


De son point de vue marxiste, Loïc Chaigneau insiste sur l’opposition entre l’idéologie woke et les présupposés universalistes du matérialisme dialectique et historique, même s’il s’agit dans les deux cas de faire table rase du passé.


Selon lui, le woke, cet « idéalisme déguisé en post-marxisme » n’a rien conservé des doctrines de Hegel et de Marx. Au contraire, ses tenants postmodernistes « de gauche » proclament la fin des « grands récits » et envisagent le capitalisme comme un horizon indépassable.


De fait, « l’intellectuel de gauche verse dans le subjectivisme du libéralisme-libertaire, loin des problématiques crasseuses de classes ». Invité dans les meilleures pages des magazines people, celui-ci évite soigneusement toute critique de l’impérialisme et du capitalisme « en prétextant qu’il est impossible d’en dire quoi que ce soit si ce n’est des éléments disparates et marginaux jamais constitués en classes objectives : le sexe, le genre, la race, l’animal… ». Cette prétention d’agir pour le changement des mentalités, sans jamais envisager la réalité matérielle des individus qui développent ces représentations, ne coûte rien au grand capital.


« Le discours de l’intersectionnalité, sous couvert de se présenter comme émancipateur, essentialise finalement les rapports sociaux. » Une chanteuse noire « peut se dire victime de multiples oppressions et discriminations, ce qui ne l’empêche pas de remplir des salles de concert, d’être présente sur de nombreux plateaux de télévision, d’avoir grandi dans le luxe, etc. » Dans le même temps, des ouvriers sont considérés comme des privilégiés parce que blancs de peau, et, à rebours de toute rationalité, « tout homme blanc qui s’exprime sur le racisme est d’emblée considéré comme illégitime puisqu’il ne pourrait pas porter de raisonnement objectif sur sa condition ».


Loin d’agir pour l’émancipation des travailleurs, la gauche libertaire se révèle donc comme l’alliée objective de la droite néolibérale et mondialiste, ce qui explique que l’Open Society Institute du milliardaire George Soros finance, parmi d’autres fondations dites philanthropiques, les associations promouvant l’intersectionnalité.


La France est-elle immunisée ?


En 2014, « l’ABCD de l’égalité », le programme d’enseignement proposé par la ministre Najat Vallaud-Belkacem pour lutter contre le sexisme et les stéréotypes de genre, avait été accusé de promouvoir la « théorie du genre », mais ce n’est que sept ans plus tard qu’est apparu un débat public sur le wokisme à l’université, après la suspension et le placement sous protection policière de Klaus Kinzler, un professeur de Sciences Po Grenoble accusé d’ « islamophobie ».


L’an dernier, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a créé un Observatoire républicain pour lutter contre le woke et la cancel culture.


Diverses sensibilités politiques convergent donc vers une critique argumentée du wokisme, ce qui semble indiquer que notre pays possèderait une immunité culturelle lui assurant une certaine résistance contre un virus qui prospère dans les sociétés anglo-saxonne orientée vers le néolibéralisme et le communautarisme.


Quelques signes avant-coureurs se révèlent pourtant préoccupants : Sciences Po a d’ores et déjà adopté l’écriture inclusive, le Robert a validé le « iel » et Sandrine Rousseau déblatère quotidiennement dans les médias…


[De notre point de vue, la terminologie woke n’est pas sans rappeler le « langage totalitaire » observé en son temps par Victor Klemperer pour désigner une formulation excluant toute pensée divergente et appelant à l’anéantissement de toute altérité.


Pour prévenir l’épidémie, il conviendra donc, comme Polémia le fait déjà au sujet de la novlangue politique et médiatique, de décrypter consciencieusement le jargon woke !]