Le Québec «comme» souverain (1)

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La sécurité identitaire des Québécois est une dangereuse autofiction


Le décès de Bernard Landry, parce qu’il fut une figure marquante du mouvement souverainiste, a été une occasion de faire des bilans pour les souverainistes. Ayant écouté tout ce qui s’est dit durant cette période, j’y ai vu un immense paradoxe.


D’un côté, les indépendantistes très militants considéraient que Bernard Landry avait vaillamment combattu, mais avait échoué à rendre le Québec souverain.


De l’autre côté, la population parlait de Bernard Landry comme d’un bâtisseur qui aurait réalisé ni plus ni moins qu’un Québec « comme » souverain.


Souveraineté déjà faite ?


Selon moi, dans la psychologie collective des Québécois, la souveraineté est déjà faite. Bien sûr, je ne parle pas de la souveraineté juridique, qui aurait requis un oui référendaire et qui vient avec un siège à l’ONU.


Je suis personnellement convaincu que la souveraineté se passe, en bonne partie, dans la tête des gens. C’est une posture mentale.


Un peuple qui se sent infériorisé, opprimé, coincé sera prêt à prendre des risques pour forcer le destin. Ce n’est pas notre cas.



Les slogans des camps du OUI et du NON lors du référendum de 1995.

Photo d’archives

Les slogans des camps du OUI et du NON lors du référendum de 1995.




Le jeune Québécois de 20 ans a-t-il l’impression d’avoir moins de chances de réussir dans la vie que s’il habitait ailleurs au Canada ? Pas du tout. Aucun­­­ complexe.


Avant la Révolution tranquille, les choses allaient autrement. Le jeune Canadien français de l’époque sentait profondément qu’il ne bénéficiait pas des mêmes chances que « les Anglais ».


Cette transformation radicale des mentalités, sur un demi-siècle, s’est accomplie grâce à l’éducation, grâce à l’affirmation économique, grâce aussi à des leaders qui ont parlé avec confiance du Québec.


Les Canadiens français ont vécu longtemps dans une crainte constante concernant l’avenir de leur langue et de leur culture.


C’est largement le clergé, à l’époque, qui a contribué à la pérennité de notre langue, avec une approche nationaliste très défensive.


Puis l’Assemblée nationale a légiféré à répétition sur la langue, aboutissant à la loi 101. Désormais, le Québec s’affirme.


L’avenir du français demeure un enjeu, mais nous sommes passés de la peur à l’action. Par son gouvernement, le Québec impose la langue de la majorité. Paradoxe : en réglant l’insécurité linguistique, le PQ fait disparaître un argument psychologiquement fort en faveur de la souveraineté.


Le pouvoir de choisir


Nous avons aussi voté à l’occasion de deux référendums sur la souveraineté. En votant majoritairement non, les Québécois ont refusé à leur gouvernement le mandat d’aller négocier la souveraineté. Mais nous sommes-nous rendu compte que le seul fait d’exercer son droit à l’autodétermination est un puissant geste de souveraineté ?


Les Québécois ont eu l’option et ont souverainement choisi de rester dans le Canada.


Sécurité linguistique, confiance en soi, votes référendaires, les Québécois ont fait leur souveraineté « psychologique. » Comment alors les convaincre de l’urgence de la souveraineté juridique ? Le PQ n’a pas trouvé. À suivre.


► L’effondrement du Parti québécois puis les réflexions autour du décès de Bernard Landry m’ont inspiré une vaste réflexion sur le Québec. La souveraineté est-elle chose du passé ? Cette semaine, je vous livre en trois chroniques l’état de ma réflexion.


RÉFLEXION SUR LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC


Ne manquez pas la suite vendredi et samedi


Mario Dumont était l’un des trois chefs du camp du oui lors du dernier référendum sur la souveraineté du Québec, en 1995. Vingt-quatre ans plus tard, mais surtout à la suite de la déconfiture du Parti québécois aux dernières élections, notre chroniqueur nous livre sa réflexion sur la question nationale et l’option souverainiste dans une série de trois chroniques, qui se poursuivent vendredi et samedi prochains.