Le darwinisme social est à l'œuvre

Tribune libre

RÉFLEXION SUR LE MALAISE EXISTENTIEL CONTEMPORAIN


Les événements tragiques de Dawson ont provoqué plusieurs réflexions chez nos concitoyens. Des plus sérieuses aux plus superficielles. Par ce texte, j'aimerais contribuer au développement d'une pensée critique responsable sur l'avenir de notre société.

La question fondamentale que nous devons nous poser est la suivante : nos sociétés occidentales postmodernes favorisent-elles l'espoir, l'épanouissement et la recherche du bonheur ou plutôt le désespoir, l'aliénation et l'asservissement?

Il me semble que le malaise existentiel provient de la structure, de l'organisation et du mode de fonctionnement de nos sociétés qui favorisent la propagation de valeurs déshumanisantes et de modèles destructeurs de la nature même de l'être humain. Nous vivons, en Occident, plus particulièrement en Amérique du Nord, dans des sociétés où règnent les valeurs suivantes : capitalisme sauvage, concurrence acharnée, compétitivité exacerbée, culte névrotique de la performance, hyperconsommation, ultra-individualisme, néo-conservatisme, impérialisme, militarisme et néo-colonialisme.

Ce système de valeurs organisé servirait-il vraiment le développement équilibré de l'être humain ou plutôt les intérêts politico-financiers de nos classes dirigeantes capitalistes? La réponse me semble évidente. Nos politiciens néoconservateurs de concert avec les grands industriels et financiers capitalistes ont construit des sociétés injustes produisant des écarts grandissants entre les riches, club sélect de multimilliardaires et de multimillionnaires, et les pauvres, tous ceux gagnant moins de 30 000 $ par année, soit près de 85 % de la population, tout en fragilisant la classe moyenne au point d'assurer sa disparition progressive.

Le darwinisme social est à l'œuvre. La mondialisation sert de prétexte à la précarisation du travail en Occident et à la surexploitation des masses laborieuses dans les pays pauvres et en voie de développement. Grâce à la libre circulation des capitaux, nos grands capitalistes accumulent des richesses pharaoniques. S'il venait à l'idée d'un chef d'État étranger d'empêcher nos élites de voler les richesses naturelles de son pays ou d'exploiter de façon éhontée la main-d'œuvre locale, nos bons gouvernements lui déclareront la guerre, détruiront son pays et massacreront des centaines de milliers de civils innocents en prétextant la défense des droits humains et l'implantation d'une véritable démocratie. La guerre perpétuelle, c'est payant pour nos grands capitalistes militaro-industrio-financiers! Que 3 milliards d'êtres humains, soit la moitié de l'Humanité, gagnent moins de 2 $ par jour, que plus de 500 millions d'enfants soient réduits en esclavage, qu'un enfant meurt toutes le 3 secondes de malnutrition dans les pays pauvres, que la planète suffoque à cause de la pollution industrielle, qu'est-ce que nos grands seigneurs en ont à foutre?

Devant un tel spectacle absurde, peut-on vraiment faire preuve d'optimisme quant à notre avenir? Comment ne pas ressentir un malaise profond, la montée d'une colère légitime bien sentie?
Afin de tuer dans l'œuf tout embryon de révolte, nos dominants utilisent les médias télévisuels pour nous gaver d'émissions de culture pop médiocres et insignifiantes telles les « Star-Académie » et « Loft Story » de ce monde. Comme si en regardant ces programmes, par comparaison, nous nous sentions moins isolés et moins cons. « Du pain et des jeux », vieille recette millénariste ayant fait ses preuves afin que le bon peuple oublie ses souffrances et accepte sa servitude.
La réduction de l'être humain à la simple expression utilitariste « producteur / consommateur » empêche toute tentative de définition de valeurs communes et d'idéal collectif. Elle freine toute expression de volonté de vivre ensemble. Exit les valeurs humaines de fraternité, solidarité, justice et équité. Vive le Moi glorifié, la vanité, l'égoïsme, l'hypocrisie, la tromperie, la traîtrise et l'infidélité.

Dans nos sociétés postmodernes, nous devons nous contenter de « jobs » aliénantes, de relations humaines superficielles, de fausses amitiés et d'amours qui n'en valent pas la peine. Nous nous définissons par nos possessions matérielles. Nos aspirations sont en inadéquation avec notre réalité quotidienne. Il ne faudrait surtout pas s'étonner de l'importance, au Québec, des taux de divorce (50% après deux ans de mariage), d'avortement (le Québec détient le record en Amérique du Nord) et de suicide (parmi les plus élevés au monde).

Tout ce qui précède me donne la nausée. Il faudrait vraiment être caverneux (en référence à l'Allégorie de la caverne de Platon) ou complètement « robotisé » pour ne pas se sentir désespéré.

Mais à qui profitent tout ce malheur et toute cette souffrance? N'êtes-vous pas révoltés?

Il est grand temps de réfléchir profondément à ce que nous voulons pour l'avenir. Une réforme en profondeur de notre mode de vie en société s'impose avant qu'il ne soit trop tard. Nous devons nous opposer farouchement à la culture de la mort propagée par nos dirigeants politico-financiers. Les dominés de la terre doivent rétablir un équilibre humain en renversant les dominants. Éros doit absolument l'emporter sur Thanatos.

Enfin, aux grands inquisiteurs qui voudraient profiter de la tragédie de Dawson pour remettre en question les libertés civiles afin de nous donner supposément plus de sécurité, j'aimerais leur rappeler une phrase célèbre : « Ceux qui sont prêts à sacrifier la liberté au nom de la sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre. »



P.S. : Ce texte a été écrit par un citoyen qui écoute, entre autres styles de musique, du punk et du rock progressif.



Éric Tremblay
_ Avocat et fervent indépendantiste


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé