Comme la plupart des Québécois, le Canada anglais m’indiffère. Et comme eux, je m’imaginais que nous le laissions aussi indifférent. Les deux solitudes ne sont-elles pas devenues deux lassitudes? Je croyais que l’énergie nous manquait pour continuer l’affrontement.
Je me trompais. Depuis les élections du 2 mai, ça jubile au Canada anglais. Pourquoi? Parce que le Bloc s’est effondré, évidemment. Mais surtout, parce que les conservateurs ont remporté une majorité sans le Québec.
Le message tourne en boucle : le gouvernement Harper doit profiter de l’occasion pour affranchir le Canada du Québec, pour libérer le premier de l’emprise du second. Le Québec serait un bébé gâté. Il faudrait le discipliner, le faire payer d’avoir longtemps préoccupé la classe politique canadienne.
Par exemple, on veut rajouter 30 comtés au Canada anglais. Le Québec perdra dramatiquement en poids politique. À terme, le Canada anglais achèvera de nous marginaliser. Le peuple québécois sera vraiment devenu une minorité parmi d’autres. Cet objectif n’est même pas dissimulé.
C’est vrai que depuis une quarantaine d’années, la question du Québec occupait une place prédominante au Canada. Sans surprise, le Canada anglais n’a jamais vu dans nos revendications fondamentales autre chose que des lamentations.
Pourtant, si le Québec refusait de jouer le jeu canadien, c’est parce qu’on ne lui a jamais accordé les pouvoirs nécessaires à son développement. Pire, on lui a enlevé des pouvoirs identitaires vitaux en 1982. Fallait-il en plus se faire détrousser avec le sourire? On en trouve au Québec pour trouver cela normal. Ils rêvent des « vraies affaires ».
Celles qu’Ottawa nous laisse. Ce sont les enamourés du fédéralisme, les laudateurs du Ottawa knows best, ceux qui sont fiers de faire la paix constitutionnelle en capitulant. Le Québec vivait depuis 15 ans avec la police d’assurance bloquiste. Il s’imaginait protégé des abus du Canada. Dans les faits, ce dernier continuait de se faire sans nous. Nous avions seulement l’illusion d’y résister.
Les quatre prochaines années nous ramèneront au réel. Le Québec et le Canada anglais sont de vieux adversaires. Le Canada anglais le sait même si le Québec ne veut plus le savoir. Des adversaires civilisés par la démocratie, heureusement. Mais nos divisions sont là pour rester.
Nous sommes de trop? Le Canada veut se débarrasser de nous? Pourquoi le décevoir? Gilles Vigneault l’a chanté, « j’ai tout compris/je pense/qu’on n’est plus du même pays ». Le poète disait remarquablement les choses.
Le Canada anglais et nous
Comme la plupart des Québécois, le Canada anglais m’indiffère.
Québec face à Ottawa - JJC sans le Bloc
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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