La rencontre Poutine-el Assad cimente la fin de la domination US au Moyen-Orient

« Poutine ne pavoisera pas »

Je ne suis pas un homme terriblement religieux. Mais j’aimerais croire qu’un coin spécial de l’enfer est réservé à ceux qui ont fomenté la guerre de Syrie.



Depuis ses débuts en Libye et les premiers acheminement d’armes via l’ambassade US à Benghazi jusqu’à la rencontre d’hier entre le président russe Vladimir Poutine et le président syrien Bachar al-Assad, on se souviendra de cette affaire tout entière comme d’un des épisodes les plus cyniques et les plus violents de l’histoire.



La « guerre civile » syrienne [c’était une guerre fomentée pas des puissances extérieures, Ndlr] aurait dû constituer le couronnement de la politique US-israélo-saoudienne au Moyen-Orient, l’apothéose du néo-conservatisme.



Si l’entreprise avait réussi, elle aurait transformé le monde en un enfer sur la terre, gouverné par les Hillary Clinton, George Soros, Angela Merkel, cartel des banques US/UK et tutti quanti.



La Syrie devait être le coin qui allait permettre de faire sauter non seulement le Moyen-Orient mais également l’Asie Centrale. Sa défaite aurait mis fin à la renaissance de la Russie en tant que puissance mondiale, aurait soumis l’Europe à un cauchemar sans fin d’assimilation culturelle forcée et achevé de mettre en faillite les États-Unis, pour les aligner sur un projet raté d’intégration européenne.



Des traités internationaux tels que le TPP, le TTIP et les Accords de Paris ont été conçus pour créer une superstructure qui devait supplanter les souverainetés nationales, sans aucune intervention des peuples qui en auraient été les plus affectés.



Le tournant Poutine



Avec le discours-charnière de Vladimir Poutine aux Nations Unies, le 28 septembre 2015, une opposition à ce plan s’est exprimée de la manière la plus énergique et dans les termes les plus humanistes qu’il fût possible d’imaginer. Je me permets de vous en rappeler le passage le plus important, puisqu’il se rapporte à la Syrie.



« Dans ces circonstances, il est hypocrite et irresponsable de faire de bruyantes déclarations sur le danger que représente le terrorisme international, en même temps qu’on ferme les yeux sur les canaux par lesquels sont financés et équipés les terroristes, en ce compris le trafic illicite des armes et du pétrole. Il serait tout aussi irresponsable d’essayer de manipuler des groupes extrémistes et de les prendre à son service, avec l’intention d’atteindre par là ses propres buts politiques, en espérant pouvoir s’occuper d’eux plus tard, autrement dit les liquider.



À ceux qui font cela, je voudrais dire : Messieurs, vous avez affaire sans aucun doute à des gens brutaux et cruels, mais aucunement à des primitifs ou des idiots. Ils sont tout aussi malins que vous l’êtes et on ne sait jamais qui manipule qui. Les récentes informations sur les armes transférées à cette opposition « des plus modérées » en sont la preuve.



Nous croyons que toute tentative de se livrer à des jeux avec les terroristes, pour ne rien dire de les armer, n’est pas seulement à courte vue mais joue carrément avec le feu. Cela pourrait avoir pour conséquence l’augmentation dramatique d’une menace terroriste mondiale qui submergerait de nouvelles régions du globe, surtout si l’on considère que l’« État islamique » entraîne dans ses camps des militants venus de nombreux pays, y compris des pays d’Europe. »



À la vérité, ce discours tout entier mérite d’être relu et médité. Il rappelle de façon frappante comment Poutine, généralement très réservé dans ses paroles, a mis toutes ses cartes sur la table et accusé directement les États-Unis d’avoir déclaré la guerre au monde.



Et dans les 48 heures qui ont suivi, les Sukhois ont commencé à survoler la Syrie et à bombarder tout ce qui s’opposait au gouvernement syrien, permettant ainsi à l’Armée Arabe Syrienne assiégée de remporter victoire après victoire. Peu de temps après, une coalition devait se former autour du gouvernement Assad, comprenant la Garde Républicaine iranienne, l’aile militaire du Hezbollah et le soutien tacite, moral et financier, de la Chine.



À l’ONU, Poutine a dit à tout le monde « Ça commence à bien faire ! ». Puis, il a soutenu ses paroles par des actes. La guerre est toujours regrettable. Elle n’est presque jamais justifiée. Mais, quand on se trouve face à un ennemi implacable, il n’y a vraiment pas d’autre solution.



Et je prétends que les forces néo-conservatrices qui ont décidé de la politique anti-Assad sont cet implacable ennemi.



La fin d’« Assad doit partir »



Cette action a déclenché le processus de détricotage de la fable soigneusement ourdie qu’a été la prétendue guerre civile syrienne.



Mais laissons là l’histoire.



Hier, Poutine a présenté les uns aux autres Assad et les commandants militaires qui sont au premier chef responsables de la stabilisation du pays. La Syrie en tant qu’unité politique a survécu.





La vieille garde de l’Arabie Saoudite est emprisonnée, dépouillée de ses biens et elle perd, à chaque minute, davantage de son influence dans le monde. Le gouvernement néoconservateur d’Israël, avec à sa tête le dément Benjamin Netanyahou, fulmine d’impuissance devant le tour qu’ont pris les événements, et, bien entendu, l’ISIS a été rien moins que balayé tant en Syrie qu’en Irak.



Les États-Unis continuent à parler « des deux coins de la bouche », permettant à certains membres de l’ISIS de s’échapper pour pouvoir les réutiliser plus tard, probablement contre l’Iran et/ou le Liban, tout en s’attribuant le mérite de l’effondrement de l’« État islamique » et de la prise de Raqqa.



Ceci donne une image des profondes questions qui agitent les vastes communautés US – diplomatique, militaire et du renseignement –, et les difficultés qu’affronte le président Trump pour mettre au pas ces groupes disparates sans paraître faible et inefficace.



Il n’y a qu’à voir le curieux événement de ce week-end, avec son ballet d’hélicoptères militaires atterrissant au Quartier Général de la CIA à Quantico, pour savoir que, au minimum, une guerre intestine se déroule au sein du gouvernement US.



La meilleure explication que j’aie entendue (mais ce n’est aucunement un fait corroboré) est que l’Armée US se livre à une démonstration de force contre les reliquats de l’administration Obama, qui s’accrochent à l’intérieur de la CIA et continuent à manipuler leurs mandataires en Syrie. Et que ces opérations sont directement en conflit avec les buts qu’y poursuit l’Armée US.



Si c’était bien le cas, Poutine a raison de tout simplement ignorer les Américains et de poursuivre ses pourparlers politiques à un rythme accéléré, en faisant fi de ceux de Genève et en apportant à Assad tout le soutien dont il a besoin pour continuer à diriger la Syrie, du moment que c’est ce que les Syriens veulent.



Étant donné le soutien évident que son armée apporte à Assad et la manière dont elle a mené sur le terrain la guerre contre ISIS et les autres forces séparatistes, il n’est guère douteux qu’Assad obtiendra leur adhésion lors de toute élection à venir.



Poutine ne pavoisera pas



La grosse question, en attendant, est de savoir quel prix sera exigé des USA pour le rôle qu’ils ont joué dans cette affaire. Poutine ne mettra pas Trump dans une position intenable. Les USA ont déjà perdu la face au plan international.



La complicité de l’administration Obama dans ce triste chapitre de l’histoire du Moyen-Orient a été mise à nu pour quiconque a des yeux pour voir.



Poutine offrira à Trump un moyen, pour les États-Unis, de sauver la face en faisant porter le blâme par les Obama, Clinton, McCain et le reste de la clique. Si vous ne pensez pas que ceci a quelque chose à voir avec le fait que l’enquête de Robert Mueller sur le Russia-gate  soit devenue incontrôlable, c’est que vous ne faites pas assez attention.



Mueller est désespérément en train d’essayer de faire échapper tous ceux qui ont trempé dans cette affaire à des poursuites pour haute trahison. Mais, à mon avis, tout ce qui se rapporte à la scène politique américaine est sur le point de changer radicalement. Une fois que le juge Roy Moore sera entré au Sénat (et les chance pour que cela n’arrive pas sont proches de zéro) Trump aura une majorité inaccessible aux manoeuvres de destitution, tant à la Chambre qu’au Sénat, et pourra réduire Mueller au silence ou l’envoyer se faire voir.



Trump a ici la possibilité de jouer les pacificateurs. Il peut affermir sa position en se faisant le manieur des pires acteurs d’Arabie Saoudite et d’Israël, et en les tenant au bout d’une courte laisse.



En fait, on pourrait arguer de façon crédible que c’est à cela que rime réellement la purge en train en Arabie Saoudite. Le contre-coup de Mohammed ben Salmane s’est fait avec la bénédiction de Trump.



Poutine peut agir de même pour dissiper les soupçons quant aux intentions de l’Iran et du Hezbollah. Il peut aussi empêcher Assad, s’il en est besoin, d’exercer sur ses ennemis des représailles pourtant richement méritées, de manière à construire une paix durable. Et une fois les pourparlers terminés et la menace d’indépendance Kurde écartée, la Turquie retirera ses troupes de Syrie.



Poutine doit appeler Trump ce soir pour le mettre au courant du suivi. Il est évident que les deux hommes ont été en contact sur la manière dont les choses progressent en Syrie. Et Trump a, pour sa part, très intelligemment laissé le nettoyage final aux soins de Poutine, pour ne s’occuper que de ses problèmes néoconservateurs internes.



Quoi qu’il puisse arriver après cela – mise en place d’une structure pour une paix durable ou cessez-le feu précaire avec la Russie jouant temporairement les médiateurs – les USA ont perdu toute crédibilité dans la région, sauf à Riyad et à Tel Aviv.



Et nous n’avons personne à blâmer que nous-mêmes.



Tom Luongo | 21.11.2017



Tom Luongo est un analyste économique et politique indépendant. Sans détours et intransigeants, on peut trouver ses travaux sur Seeking Alpha pour ce qui touche à l’économie, sur Halsey Newspour les questions culturelles et géopolitiques, ainsi que sur son blog personnel Gold, Goats ‘n Guns (« De l’or, des chèvres et des flingues »). Tom est aussi l’ex-rédacteur de Resolute Wealth Letteret il contribue couramment à Newsmax Media’s Financial Intelligence Report. Il vit au nord de la Floride avec sa femme, sa fille, son troupeau de chèvres laitières et ses chiens. On peut le suivre sur Twitter @TFL1728



Article original : http://russia-insider.com/en/putin-assad-meeting-cements-…



Traduit par c.l. pour Les Grosses Orchades