Le 25 mai dernier, monsieur Trudeau eut le mauvais goût de comparer les Franco-Canadiens, communautés historiquement opprimées et dont la survivance représente un épineux combat quotidien, aux anglophones du Québec, communauté représentant historiquement l’élite financière de la Belle Province et dont le poids démographique des locuteurs ne cesse de croître.
Ayant vécu la majeure partie de ma vie dans les communautés francophones de l’Alberta et de l’Ontario, je ne peux m’empêcher de me révolter face à cette comparaison reflétant une vision tordue du chef du gouvernement du Canada face à la question linguistique.
La loi 96 n’est pas la loi Thornton du Manitoba ni la loi Tupper de la Nouvelle-Écosse, et certainement pas le Règlement 17 de l’Ontario, monsieur Trudeau. Ces lois visaient à anéantir l’existence même du patrimoine culturel des Franco-Canadiens en interdisant, purement et simplement, l’enseignement en langue française ; il s’agissait de lois discriminatoires ayant comme ambition avouée l’assimilation des francophones – « race inférieure », selon le rapport de Lord Durham – à la culture anglo-saxonne, jugée supérieure.
Le français en danger
La loi 96, quant à elle, poursuit un objectif diamétralement opposé et bien plus noble et légitime : celui de la francisation des immigrants demeurant sur le territoire québécois afin d’assurer la pérennité du poids démographique des francophones au Québec, dernier joyau de langue française en Amérique du Nord.
Le poids démographique des francophones au Canada hors Québec a subi une baisse de pratiquement 50 % depuis le début des années 1970, monsieur Trudeau. Le nombre de Canadiens ayant le français comme langue première ou qui – minimalement – ont une connaissance de la langue française est en perpétuelle diminution dans toutes les provinces de la fédération canadienne. Parallèlement à cette diminution du français partout au pays, le poids démographique des anglophones au Québec continue de croître d’année en année.
Force est de constater que l’anglais au Québec et dans le reste du Canada n’est pas en danger, monsieur Trudeau, mais que le français, lui, l’est. Cessez de prétendre avec irrévérence que les anglophones du Québec doivent être « protégés » au même titre que les francophones du reste du Canada qui, depuis des siècles, luttent contre leur inévitable remplacement, tentant désespérément de retarder le jour où leur existence ne sera qu’un souvenir folklorique dans l’imaginaire collectif de notre pays.
Vivre dans la langue de la majorité
La communauté anglophone n’est pas discriminée – et encore moins opprimée – du seul fait que nous exigions une certaine francisation de ses rapports avec certaines institutions, monsieur Trudeau. J’ai réalisé la majeure partie de ma scolarité en Alberta ainsi qu’en Ontario. Or, à la différence des anglophones du Québec, nous, Franco-Albertains et Franco-Ontariens, vivions systématiquement dans la langue de la majorité à l’extérieur des institutions scolaires. Nous n’avions guère le privilège, l’audace ou le culot de prétendre avoir un quelconque « droit » de se faire servir en français, langue de la minorité, et ne criions certainement pas discrimination lorsqu’une boulangerie locale refusait de nous servir dans une langue autre que l’anglais.
Les anglophones du Québec ne sont pas opprimés, monsieur Trudeau. Au contraire, en reprenant les mots de notre premier ministre François Legault : je ne connais aucune minorité aussi bien servie dans sa propre langue que les anglophones au Québec.
Cédric Beaumier
Étudiant à la maîtrise en droit notarial, Piedmont