par Jacques Fournier,
organisateur communautaire retraité
Dans le réseau de la santé et des services sociaux, les travailleurs-euses et les syndicats ne s’opposent pas à l’amélioration de la productivité (« optimisation ») qui permet de donner plus de services (et des services de qualité) sans augmentation des ressources humaines. Ils s’opposent aux méthodes comme la méthode Toyota, mal comprise et mal appliquée, imposée unilatéralement, sans tenir compte du contexte professionnel concret et sans consultation réelle du personnel et de ses syndicats. Ils contestent l’embauche de firmes coûteuses, comme la firme Proaction, alors que ces travaux devraient être réalisés par les cadres en place, en concertation indubitable avec le personnel.
Au lieu de cela, on impose de l’extérieur des méthodes qui ressemblent davantage au taylorisme du début du XXe siècle avec son minutage des actes.
Les travaux récents en sociologie des organisations montrent que l’on devrait plutôt s’inspirer des principes de la co-construction si on veut gérer le changement de façon humaine, efficace et stimulante. Qu’est-ce que la co-construction ? C’est un processus de partage des points de vue différents et un mécanisme d’apprentissage pour tous les acteurs où l’on découvre la logique de l’autre. C’est une méthode de recherche d’un accord entre des acteurs ayant des fonctions et des intérêts différents (voir, entre autres, Sociologie des organisations, Michel Foudriat, Éditions Pearson, 2011).
La co-construction passe par la délibération que le philosophe allemand Jürgen Habermas définit comme « une activité d’échanges rationnels d’arguments entre des acteurs recherchant une ligne d’action commune concernant un bien collectif, dans un contexte exempt de rapport de domination, et susceptible de ce fait de dégager un consensus à travers une intercompréhension mutuelle ».
Dans la co-construction, on prend davantage en compte la complexité systémique de l’organisation du travail. On recherche assidûment un point de vue compatible entre tous les acteurs, ou du moins, un point de vue non incompatible avec les intérêts spécifiques de chacun des acteurs. La réussite repose sur la capacité des acteurs à se découvrir un rôle inédit et à mettre à distance leurs préjugés. Au terme du processus, chacun des acteurs a alors vraiment envie de s’engager dans le changement.
L’approche de la co-construction peut également être utile et pertinente dans des enjeux reliés au développement économique et social local, aux politiques de l’environnement et du développement durable, aux politiques sociales et à la promotion de la démocratie délibérative (budget participatif).
Il est intéressant de penser que la co-construction que l’on promeut aujourd’hui a quelques accents de cette co-gestion que l’on mettait de l’avant dans les années 70, à défaut d’auto-gestion. Mais la co-construction a un petit air plus raffiné (la réflexion a été approfondie entretemps) : on n’arrête pas le progrès.
La co-construction, plutôt que la méthode Toyota
Tribune libre
Jacques Fournier98 articles
Organisateur communautaire dans le réseau de la santé et des services sociaux
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8 commentaires
Archives de Vigile Répondre
9 janvier 2013Quand j'étais plus jeune, j'étais d'une naïveté. Je croyais tout ce qu'on entendait dire à propos des années 2000: la faim dans le monde sera vaincu, il n'y aura plus de maladie, tout le monde va avoir un revenu suffisant pour une vie décente, les gens vont travailler moins et avoir plus de loisirs parce que les machines vont faire la job etc...
Dire que j'ai cru cela. Maintenant je constate que l'être humain est malheureusement incapable de construire un monde meilleur. Et de te rendre compte de ça, ça te déprime de l'être humain, malheureusement.
Lise Pelletier Répondre
9 janvier 2013M.Fournier,
En surplus de vos propositions, l'esprit de camaraderie est aussi à travailler car dépendant du stress vécu au travail, ce lien est fragile.
M.Jean,
J'aime beaucoup votre parlure.
Serge Jean Répondre
9 janvier 2013À Éric
Merci à vous; c'est grâce à monsieur Fournier qui avait greillé la table auparavant, si vous et moi avons pu y déposer chacun un mets dans les assiettes.
D'ailleurs votre salade généreusement bigarrée à l'entrée, était excellente.
Jean
Archives de Vigile Répondre
9 janvier 2013M. Dumas,
Si on évacue pas ce qui nous oppose...
À quoi bon bâtir sur du mensonge.
Le mensonge étant l'incertitude du futur à poursuivre...
La pierre d'assise n'ayant pas été établie...
Une image;
C'est un dur travail de casser la glace à la première pêche en hiver...
Mais une fois percée...
Il n'y a plus de guerre de proximité entre le but et le besoin.
La nuance amenée relève plus du méandre que de la cartographie...
Je suis de ceux qui acceptent le dur labeur...
Je suis de ceux qui n'ont pas eut droit à son fruit.
Après 20 ans sur le marché du travail...
Il n'est pas alambiqué d'affirmer que vos beaux mots ne résolvent pas nos maux.
Je me répête depuis quelques années...
Vous êtes nul en "leadership" dans cette province.
Et quand y'en a... vous supportez les mauvais...
Et avez peur des bons...
Quel beau spectale...
Archives de Vigile Répondre
9 janvier 2013Je partage beaucoup ce genre de "gestion du changement" il crée beaucoup moins de résistance stérile lors de sa mise en place.Les réformes en éducation qui venaient "d'en haut" on se souvient des conséquences.
La co-construction demande plus d'énergie avant mais apporte plus de rentabilité après.
Je crois qu'il faut éduquer en ce sens, en commençant par faire ressortir ce qui nous rassemble,en quoi on se ressemble, au lieu régler les différents, ce qui nous oppose. Certains appellent ça "générer la Confluence".
Dans ce monde de plus en plus polarisé, le Parti politique qui serait capable de miser sur ce qui nous rassemble au lieu de ce qui nous oppose nous ferait faire un grand pas collectivement.
Archives de Vigile Répondre
9 janvier 2013C'était mieux qu'un steak Jean...
Vraiment.
Serge Jean Répondre
8 janvier 2013En tout cas les guêpes et les abeilles pour les avoir moi-même observé souvent, pratiquent bien ce que vous décrivez; et ça fonctionne très bien.
Leur survie et leur salaire à elles c'est d'être connecté avec l'esprit de la communauté qui leur apportent manifestement la capacité de vivre et travailler harmonieusement.
On pourrait dire que l'esprit commun prédestiné ou de bonne foi, donne un accès individuel à l'intelligence en résonnance du tout, par opposition à l'esprit individualiste qui pour prendre contact avec le tout doit s'allier l'accord de tous ou une majorité; le pouvoir de un seul sur tous les autres, qui ne donne dans les faits, qu'une conscience partielle et éphémère du tout recherché qui s'évapore très vite. Tentative de fécondation éternellement ratée et éternellement répétée. C'est dans cette marde électoraliste à perpétuité que nous les humains, sommes pognés.
Jean
Archives de Vigile Répondre
8 janvier 2013On me dira simpliste...
Mais j'appelle ça...
Être un homme.
Ce qui soustend la condition de... savoir vivre.
Un mot contient toute cette information...
Maturité.
Salutation cher messieur,
Vos mots me font grand bien.
Me conforte par la présence.
J'ajouterais... que la capacité de ventiler les rapports de dominance réel ou souhaité, doit aussi prédominer chez toute personne qui tend à prétendre à la co-construction.
Et c'est là... que nos gens du pays font peur...
Je pense à Chartrand, à Falardeau... à Bourgault...
La capacité de ventiler...
Le bon coq...
Ce monde est lent... mais la voie a dévié...
Voilà déjà... une grande joie.
Bref,
Merci.