L’automne pénible de Bill Morneau

C5448c59a011bcf1fe9dff2c95a47d9e

L'incompétence de Pee Wee Trudeau

L’année parlementaire 2017 à Ottawa se sera terminée comme elle avait débuté : sous l’ombre de reproches faits aux libéraux pour manque d’éthique. Alors que c’est le voyage de Justin Trudeau chez l’Aga Khan qui causait des soucis à son gouvernement en début d’année, cet automne, c’était au tour de son ministre des Finances, Bill Morneau, d’essuyer les critiques incessantes de l’opposition. Et c’est aussi lui qui aura dominé l’ordre du jour politique avec sa réforme fiscale pour les entreprises, qui lui a donné tout autant de fil à retordre.



Les élus fédéraux ne se sont pas fait prier pour quitter le parlement deux jours plus tôt que prévu mercredi. Mais dans le lot, Bill Morneau faisait assurément partie de ceux qui avaient le plus hâte de quitter la capitale fédérale.



Le ministre des Finances était sur la sellette depuis qu’il a été révélé, mi-octobre, qu’il n’avait pas placé ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard. Bill Morneau a beau avoir martelé pendant des jours qu’il avait suivi les recommandations de la commissaire à l’éthique, qui lui avait indiqué que ce n’était pas nécessaire, il n’y avait rien à faire. L’opposition ne lâchait pas le morceau. Le dossier Morneau occultait complètement le reste des dossiers politiques de l’heure aux Communes. Les députés conservateurs et néodémocrates n’en avaient que pour le richissime ministre.



Devant le tollé qui l’attendait quotidiennement à la période des questions, Bill Morneau décidera finalement de capituler et de confier tous ses avoirs à une fiducie sans droit de regard. Il promettra même, fin octobre, de vendre toutes les actions détenues par lui, son épouse, ou ses enfants dans l’entreprise familiale Morneau Shepell et de faire don des profits engendrés depuis son élection en 2015.



Mais cela ne suffira pas pour clore le dossier, puisqu’on apprend alors que le ministre avait vendu la moitié de ses actions de Morneau Shepell en décembre 2015 (un million d’actions, d’une valeur d’environ 21 millions). Il n’en fallait pas plus pour que les conservateurs y voient une nouvelle preuve de conflits d’intérêts : Bill Morneau se serait défait de ces avoirs, selon eux, car il savait que la promesse libérale d’augmenter le taux d’imposition des plus riches affecterait le marché boursier et ferait baisser la valeur des actions de Morneau Shepell. Une thèse qui n’a jamais été étayée. Le marché boursier était en baisse avant l’annonce formelle du gouvernement libéral.



Toutes ces révélations ont néanmoins permis à l’opposition de s’en prendre quotidiennement à Bill Morneau, qui quant à lui a en outre eu à se défendre de faire l’objet d’un examen de la commissaire à l’éthique. Mary Dawson se penche sur son projet de loi C-27. L’opposition estime que le projet de loi sur les régimes de retraite permettrait à Morneau Shepell de s’enrichir. L’entreprise de ressources humaines a répliqué que les fonds de pension constituent moins de 1 % de son chiffre d’affaires. La commissaire a par ailleurs imposé une amende de 200 $ au ministre, qui ne lui avait pas déclaré l’existence de la société française qui détient sa villa en France.



Une réforme controversée



Bien que les démêlés de Bill Morneau en matière d’éthique n’aient commencé qu’en octobre, le début de la session n’avait pas été plus reposant pour le ministre, qui avait entamé les travaux parlementaires en septembre en défendant sa réforme fiscale pour les entreprises. Son projet annoncé en plein mois de juillet ne passait pas. Entrepreneurs et fermiers scandaient qu’il les priverait de fonds de retraite, de congés de maternité ou de coussin financier pour les mauvais jours. L’opposition s’est fait le relais de leurs inquiétudes, en accusant le ministre de s’en prendre à la classe moyenne qu’il assurait défendre.



M. Morneau aura finalement reculé, en restreignant le nombre d’entreprises et de professionnels incorporés visés par ses changements. Le gouvernement a en outre réactivé la promesse qu’il avait suspendue de réduire le taux d’imposition des petites et moyennes entreprises à 10 % le 1er janvier, puis à 9 % en 2019.



Il aura cependant fallu cinq mois au ministre pour ficeler sa réforme et calmer la tourmente.



Des dossiers délaissés



Puisque le cas de M. Morneau faisait l’objet de la quasi-totalité des questions de l’opposition aux Communes, certaines annonces politiques ont été peu abordées cet automne. La participation canadienne à la guerre contre le groupe armé État islamique, par exemple, n’a pas fait l’objet de beaucoup de débats aux Communes. La contribution à la pièce du gouvernement Trudeau aux missions onusiennes de Casques bleus non plus. Même la légalisation de la marijuana a surtout été débattue en comité parlementaire plutôt qu’en Chambre.



La lutte contre l’évasion fiscale, en revanche, a été vivement critiquée par les partis d’opposition. Mais ceux-ci parlaient surtout du sujet pour marteler que les Paradise Papers avaient révélé que le chef du financement du Parti libéral et ami de Justin Trudeau, Stephen Bronfman, aurait eu recours à une fiducie dans le paradis fiscal des îles Caïmans.



Les négociations de l’Accord de libre-échange nord-américain se sont malgré tout faufilées dans la liste de questions du Parti conservateur, tout comme la volonté du gouvernement Trudeau de conclure un accord de libre-échange avec la Chine. L’arrivée de migrants à Lacolle aura également préoccupé les partis d’opposition, les conservateurs craignant que des criminels se faufilent, les néodémocrates que le Canada n’en fasse pas assez pour aider ces réfugiés.


Photo: Pedro Ruiz Le DevoirLe nouveau chef du NPD, Jagmeet Singh


Le Nouveau Parti démocratique a en outre dénoncé les processus de nomination du nouveau commissaire à l’éthique Mario Dion et du commissaire aux langues officielles Raymond Théberge — tout comme celle de Madeleine Meilleur, qui a été forcée de renoncer au second poste devant le tollé que sa nomination, jugée trop partisane, a soulevé. Le parti, qui a élu son nouveau chef Jagmeet Singh en octobre, a par ailleurs décrié l’entente Netflix de Mélanie Joly.



Les bloquistes ont eux aussi insisté sur le cas de Netflix, de même que celui du chantier maritime Davie, qui a été forcé de mettre à pied des travailleurs faute de nouveaux contrats. Le Bloc québécois s’est en outre préoccupé du sort de la gestion de l’offre en marge des négociations de l’ALENA.



Encore en lune de miel malgré tout



Les libéraux ont beau avoir été vilipendés par l’opposition, ils n’ont pas pour autant perdu des plumes dans les intentions de vote au pays. Le parti de Justin Trudeau se maintenait à 40 % au Canada, et à 47 % au Québec, selon le sondage Léger mené pour Le Devoir fin novembre.



Une popularité qui ne s’est pas démentie lors des six élections partielles tenues cet automne. Les troupes de Justin Trudeau ont ainsi ravi la circonscription de Lac-Saint-Jean aux conservateurs. Peu avaient prédit cette victoire, dans un bastion conservateur que représentait l’ancien ministre Denis Lebel depuis 2007 et qui avait auparavant porté les couleurs bloquistes. Les libéraux ont de nouveau créé la surprise lundi en volant aux conservateurs la circonscription de Surrey-Sud–White-Rock, près de Vancouver. Au total, les libéraux ont gagné quatre partielles, tandis que les conservateurs ont conservé deux sièges. Le NPD a quant à lui perdu des appuis dans chacune des six circonscriptions, tandis que le Bloc a augmenté quelque peu les siens dans Lac-Saint-Jean.



Des projets de loi retardés au Sénat



Le gouvernement a par ailleurs fait adopter cinq projets de loi cet automne : le C-23 élargit les mesures de prédédouanement avec les États-Unis dans les aéroports et postes frontaliers ; le C-36 donne plus d’indépendance à Statistique Canada ; le S-3 modifie la Loi sur les Indiens pour invalider la perte du statut d’Indien des descendants de femmes autochtones ayant marié un non-autochtone ; et le C-60 et C-67 étaient des projets de loi statutaires.



Cinq autres projets de loi d’initiative parlementaire ont obtenu la sanction royale, dont celui du sénateur conservateur Claude Carignan sur la protection des sources journalistiques.



> Lire la suite sur Le Devoir.



-->