Affaires

L'ampleur du pouvoir des Desmarais mise en lumière

L'empire Power Corporation de la famille Desmarais a des ramifications profondes qui lui confèrent une influence sans égale sur la société québécoise

La Dépossession tranquille

Jean-François Cloutier - Bien qu'il déteste les feux des projecteurs, l'empire Power Corporation (POW) de la famille Desmarais a des ramifications profondes qui lui confèrent une influence sans égale sur la société québécoise et ses hommes et femmes politiques.

C'est ce qui dégage du livre Desmarais, La Dépossession tranquille, de l'ancien ministre péquiste et président de l'Association des manufacturiers du Québec, Richard Le Hir, qui paraît cette semaine aux éditions Michel Brûlé.
Dans l'ouvrage, véritable pavé dans la mare contre le pouvoir souterrain des Desmarais, l'auteur explore les dessous de l'un des géants financiers les plus secrets et mal compris du Québec.
« Je suis réticent à adhérer à toute théorie du complot, mais devant l'ampleur de ce que je découvre, j'avoue être surpris », a-t-il dit.
Avant de rédiger son livre, M. Le Hir a rédigé une soixantaine de chroniques sur les Desmarais sur le site internet souverainiste Vigile. Aucune d'entre elles n'a fait l'objet d'une mise en demeure de Power, remarque-t-il.
Depuis 2005, Power, propriétaire au Québec notamment du quotidien La Presse et de plusieurs journaux régionaux, aurait entrepris un virage vers le secteur des ressources naturelles et l'énergie, et par ricochet, amorcé un retour discret vers le Québec.
L'entreprise détient aujourd'hui des participations importantes dans le géant pétrolier français Total, dans GDF-Suez et dans le cimentier Lafarge, souligne M. Le Hir.
Au Québec, selon lui, Power aurait des liens avec Talisman Energy, l'entreprise qui paie le salaire de Lucien Bouchard comme porte-parole de l'Association pétrolière et gazière.
C'est toutefois Hydro-Québec qui pourrait être l'ultime joyau convoité par les Desmarais, selon l'auteur, à travers une privatisation envisagée à plus ou moins long terme. Depuis 2004, Michel Plessis-Bélair, vice-président du conseil d'administration, siège aussi au conseil de la société d'État, mentionne-t-il.
Chaque fois, M. Le Hir observe une même façon de faire chez Power. L'influence est presque toujours indirecte. Elle se fait par le biais d'une prise de participation importante dans une compagnie, qui elle-même agit directement, ou encore en nommant à un poste-clé un proche de Power.
Au Québec, Marc Bibeau, un proche de Jean Charest, est aussi le président du comité de vérification de Power, signale M. Le Hir.
Capitalisme prédateur
M. Le Hir juge néfaste le pouvoir des Desmarais pour le Québec. Dans son livre, il distingue un capitalisme de bâtisseur d'un capitalisme d' « écumeur». C'est dans cette deuxième catégorie que tombe le holding montréalais, selon lui.
«On ne peut pas reprocher à un loup d'être un loup, mais on peut reprocher au berger de lui ouvrir toute grande la porte de la bergerie», dit-il, en rappelant les liens étroits qui ont uni les politiciens du Québec à la famille Desmarais.
Il n'a pas été possible d'obtenir les commentaires de Power Corporation en réaction à la publication de cet ouvrage.
QUELQUES CITATIONS DU LIVRE
« Desmarais est partout. On connaît son influence à la Caisse de dépôt, mais on trouve aussi sa trace sur l'île d'Anticosti, où il convoite notre pétrole, dans la vallée du Saint-Laurent, où il est présent dans les gaz de schiste, à Montréal, où il a réussi à s'infiltrer au CHUM»
«Paul Desmarais n'est pas un bâtisseur. C'est un prédateur, un loup qui a compris qu'il est beaucoup plus facile de convaincre le berger de lui ouvrir toutes grandes les portes de la bergerie»
«Pour que j'en vienne à écrire ce livre, il a fallu que je découvre des faits que j'ignorais, si déterminants que j'éprouve un urgent besoin de remettre en question ma vision du système»


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