Jean-Marie Le Pen : l’ultime bataille du chef de l’extrême droite

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C’est vrai qu’il est un peu dur d’oreille le Papi

C'est une véritable bataille idéologique que se livrent Le Pen père et fille. Et stratégique aussi. Car le fondateur considère que l'heure est encore à la radicalité des origines du FN, que se poser en parti de gouvernement ne suffit pas à vous conduire de facto au pouvoir. Et il en veut pour preuve les résultats des départementales, lui qui fut le premier à réussir à réunir toutes les tendances de l'extrême droite française.



Non, Jean-Marie le Pen n’est pas devenu gâteux, pas plus qu’il ne dérape. Ses 86 ans l’ont rendu certes un peu dur d’oreille et aggrave les séquelles de sa chute lors de l’incendie de sa maison à Rueil-Malmaison. Mais il garde tous ses réflexes politiques et tout son savoir-faire.


Ce qui se joue en réalité derrière ses nouvelles déclarations provocatrices est en réalité une bataille politique pour une ligne : la sienne, ancrée dans l’histoire du Front national qui se confond avec l’histoire de sa vie, et celle de Marine Le Pen et de Florian Philippot qui transforme profondément le parti en cherchant à faire oublier ses origines d’extrême droite. Ses propos sont délibérés, calculés et destinés à porter le fer dans les contradictions du parti qu’il a fondé en 1972.


En fin politique, Jean-Marie Le Pen a choisi le moment pour sortir à nouveau du bois, quelques jours à peine après le second tour des élections départementales. Pour lui à l’évidence, ce scrutin n’est pas à la hauteur de la victoire annoncée. Certes le parti a progressé, certes il a été capable de présenter des candidats dans 95% des cantons français, mais le faible nombre d’élus (31 binômes soit 62 élus) est à ses yeux le signe que le chemin est encore long avant d’arriver au pouvoir. Selon son analyse, Marine Le Pen et Florian Philippot commettent des erreurs et brûlent les étapes dans la conquête du pouvoir, et leur précipitation conduit les troupes à des désillusion préjudiciables.


« Le FN sera un parti de gouvernement quand il sera au pouvoir »


L’interview qu’il a donnée à Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV, tout début avril, a constitué la première salve de la remise en cause de la direction du parti dont il reste président d’honneur. Bien évidemment, à cette occasion, le débat s’est focalisé sur les propos négationnistes visant les chambres à gaz qu'il considère toujours comme « un point de détail de l’histoire ». Les propos étaient si forts qu’ils ont fait oublier une autre phrase, lourde de sens politique du point de vue de l’évolution du parti : « Le Front national n’est pas encore un parti de gouvernement, a-t-il affirmé sèchement, Marine se trompe. Il le sera quand il sera au pouvoir. »


Pour lui, l’heure est encore à la réaffirmation des fondamentaux du parti et à son enracinement dans son histoire, l’heure est à la radicalité des origines du FN et non à sa transformation en un parti capable d’absorber des pans entiers de la droite classique, tel que le conçoit le stratège Florian Phlippot.


En réitérant ses propos sur les chambre à gaz sur BFM-TV, en rappelant qu’il n’avait jamais « considéré le maréchal Pétain comme un traître » dans Rivarol, Jean-Marie Le Pen rappelle ce qu’est originellement le Front national. Il remémore à ceux qui voudraient le transformer que l’idée de Front national est née dans l’esprit de Charles Mauras en 1937, qu’après plusieurs tentatives avortées à partir de cette date de constituer ce Front des droites, seul Jean-Marie Le Pen a réussi, en 1972, à rassembler les différents courants de l’extrême droite française au sein d’une même structure.


Il rappelle que contrairement à ce que mettent en œuvre sa fille et son conseiller Florian Philippot, le FN s’est construit en acceptant dans ses rangs d’anciens collaborateurs du régime nazi, des pétainistes, des anciens de la LVF (Légion des volontaires français), des anciens de l’OAS, précisément ceux qui sont promis à une rapide exclusion aujourd’hui s’ils se manifestent trop bruyamment. Il rappelle que les racines du FN sont bien l’extrême droite, alors que la direction actuelle fait tout pour l’en extirper. Il en est convaincu, seule la radicalité permettra au Front national de progresser encore. Et il tient à la faire savoir, quitte à engager le fer avec sa propre fille.


« Nos désaccords politiques désormais irréconciliables »


A 86 ans, Jean-Marie Le Pen voit son œuvre lui échapper. Pis, lui être confisquée par un jeune énarque, Florian Philippot, qui se réclame du gaullisme, et même du chevènementisme. Si la stratégie engagée par sa fille était couronnée du succès attendu, il se serait sans doute tenu plus tranquille. Ce qu’il considère comme un échec aux élections départementales le pousse à en appeler aux vieilles troupes pour infléchir la ligne politique.


A voir la violence des réactions de l’actuelle direction du FN, on peut imaginer que les deux camps se tenaient prêts à la bagarre. Ils en avaient donné un aperçu en juin dernier quand le vieux fondateur avait évoqué « une prochaine fournée » à propos de Patrick Bruel. Au quart de tour, Louis Aliot, vice-président et compagnon de Marine Le Pen avait qualifié ces propos de faute politique. Aujourd’hui, le même attaque le patriarche pour son interview dans Rivarol : « L'entretien de Jean-Marie Le Pen dans ce torchon antisémite est parfaitement scandaleux et nos désaccords politiques désormais irréconciliables. » a-t-il tweeté dès la parution de la feuille d’extrême droite. Pas sûr que pour cette dernière bataille, Jean-Marie Le Pen ait clairement anticipé le rapport des forces.


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