Hydrocarbures et loi 106 : nuisance (néo)libérale

Tribune libre

Dans sa lettre en réponse aux critiques soulevées par le projet de loi 106 sur les hydrocarbures, le ministre de l’énergie et des ressources naturelles, M. Pierre Arcand, résume en un paragraphe tout ce que ce projet législatif n’est pas. Il suffit de lire par la négative les affirmations avancées pour saisir pourquoi il faut refuser ce projet de loi. M. Arcand écrit : «Toutefois, plusieurs enjeux sont à considérer, soit : le transport sécuritaire des hydrocarbures, l'exploitation responsable des hydrocarbures, l'acceptabilité sociale au sein des communautés d'accueil et l'application des normes techniques et environnementales les plus strictes».
Par le «transport sécuritaire des hydrocarbures», la loi 106 ouvre la porte au développement éventuel de pipelines et à l’accroissement du transport par pétroliers sur le fleuve. La propagande de l’industrie, à laquelle adhère le gouvernement, aime à faire croire que tout ce qui n’est pas le train est un transport sécuritaire. En fait, les statistiques démontrent qu’en matière de sécurité, aucun moyen de transport d’hydrocarbure n’est préférable. Transformer nos terres agricoles, nos rivières et le fleuve Saint-Laurent en autoroutes de pétrole n’est pas sécuritaire. Les pipelines font moins de morts que les trains mais créent 3 fois plus de déversements. Les déversements occasionnés par les pétroliers sont 17 fois plus importants que ceux des pipelines. Le transport par pipelines et par pétroliers est surtout plus rentable pour l’industrie.
Au chapitre de «l’exploitation responsable des hydrocarbures», il faut rappeler qu’il existe un consensus scientifique sur le fait que l’humanité doit laisser dans le sol 80% des réserves connues d’hydrocarbures. Les gaz à effets de serre doivent être maîtrisés avant 2020 et à peu près éliminés d’ici 2050, si on veut avoir une chance sur deux d’éviter un réchauffement incontrôlable de la planète. Le rapport de synthèse des Études environnementales stratégiques commandées par le gouvernement, auquel le ministre Arcand fait allusion dans son article, a d’ailleurs conclu que l’exploitation des hydrocarbures au Québec serait difficilement conciliable avec l’atteinte des cibles de lutte au réchauffement climatique. Le virage vers les hydrocarbures dans un contexte de crise climatique est rien de moins qu’irresponsable. D’autant plus que le Québec est riche en énergies renouvelables.
Pour ce qui est des forages avec fracturation hydraulique, l’absence d’«acceptabilité sociale au sein des communautés d’accueil» n’est plus à débattre. Depuis le début des projets d’exploitation gazière et pétrolière au Québec, les communautés se sont mobilisées pour signifier leur opposition à cette filière énergétique inutile, polluante et nuisible. La pétition «Vous n’entrerez pas chez nous», amorcée en 2011 et déposée à l’assemblée nationale, a reçu plus de 65 000 signatures. Des centaines d’études scientifiques témoignent des impacts négatifs de la fracturation hydraulique sur la santé humaine et animale et sur l’intégrité des terres agricoles et des sources d’eau potable. En 2014, le rapport du BAPE sur l’exploitation des hydrocarbures dans le shale d’Utica de la vallée du Saint-Laurent a d’ailleurs conclu que ce développement n’était pas souhaitable notamment en raison de l’absence d’acceptabilité sociale et des risques élevés de pollution actuels et pour les générations futures.
L’allusion de M. Arcand à «l’application des normes techniques et environnementales les plus strictes» fait rire. La loi 106 appliquerait le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) du gouvernement Couillard, qui a été contesté par plus de 300 municipalités parce qu’il est trop laxiste. Et c’est ce même gouvernement qui a autorisé les forages avec fracturation sur Anticosti alors qu’il n’existe aucune infrastructure de traitement des liquides de fracturation sur l’île. Les dizaines de millions de litres d’eau toxique résultant des forages devraient être analysés et soumis à un traitement encore inconnu avant d’être simplement rejetés dans l’écosystème du fleuve, avec la bénédiction du ministre de l’environnement.
Les chercheurs sérieux reconnaissent que la transition énergétique doit commencer maintenant et se compléter au cours des 15 prochaines années. Selon le climatologue Kevin Anderson, du Tyndall Center : «Si on veut vraiment contrer la crise du climat, la seule option sûre qu’on puisse envisager pour le gaz de schiste consiste à le laisser dans le sol». Il faut renoncer au modèle de développement basé sur les énergies fossiles. Le pétrole et le gaz de schiste n’ont aucun rôle à jouer dans les scénarios de transition énergétique. Les dispositions de la loi 106 concernant l’exploitation des hydrocarbures au Québec constituent une nuisance «rigoureuse» et antidémocratique, voire criminelle.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures l’Assomption
Le 13 août 2016


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 août 2016

    Le projet de loi 106 sur les hydrocarbures fait 80 pages, et est écrit en "legalese", que peu de québécois sont à même de déchiffrer. Cela est sans doute aussi le cas pour la majorité des députés qui seront appelés à voter ce projet de loi.
    Le docteur en droit et juriste, Richard Langelier, l'a traduit en français, et nous présente les résultats de son analyse. C'est sidérant. [Une heure et 20 minutes->https://youtu.be/aM1W8rbEyKo] à démontrer à quel point le PLQ est inféodé par l'industrie pétrolière et gazière.
    Le site de Regroupement Vigilance hydrocarbures Québec: [https://www.rvhq.ca/->https://www.rvhq.ca/]

  • François A. Lachapelle Répondre

    18 août 2016

    La crédibilité et l'honnêteté du Ministre Pierre ARCAND sont depuis longtemps absentes de ses prestations. C'est l'hypocrisie qui coule de source lorsqu'il parle aux Québécois comme le fait TransCanada dans ses pages internet.
    Le Ministre Pierre ARCAND trahit son rôle d'élu et de ministre qui devrait protéger le bien commun. Ses actions sont subordonnées aux désirs des spoliateurs de l'environnement. Il excelle comme lobbyiste au service des pétrolières et gazières.
    Le projet de loi 106 déposé par le Ministre ARCAND démontre clairement sa malhonnêteté en associant dans le même projet de loi deux projets de société qui s'opposent. La Politique énergétique 2030 du Québec vise des cibles en opposition à tout développement des hydrocarbures contenus dans le sous-sol du Québec ce qui inclut le transport d'hydrocarbures en provenance d'autres provinces du Canada.
    Le projet de loi 106 doit être scindé en deux et les parlementaires doivent donner la priorité à une loi qui traite de la Politique énergétique 2030. Quant aux hydrocarbures, le Québec n'en manque pas et le Québec n'a pas avantage à devenir auto-suffisant. Le prix du pétrole se règle à l'international, le pétrole lourd de l'ouest est plus cher à raffiner, la capacité des 2 raffineries du Québec ( moins de 400 000 bpj ) est comblée par l'achat du pétrole plus léger à l'international. La capacité de 1,2 M de barils par jour du pipeline Énergie Est dépasse de beaucoup les capacités de 2 raffineries du Québec. Ce pétrole est voué à l'exportation à 80% comme le précise Éric PINEAULT dans son livre Le piège Énergie Est, page 59 ( Écosociété 2016)
    De plus, puisque les actions des pétrolières de l'ouest du CANADA sont à 70% détenues par des non-canadiens, ( Le piège Énergie Est, Éric PINEAULT, p.60 ) ce qu'il importe aux actionnaires est le profit qui est déterminé par la concurrence internationale et non par les appels au patriotisme des canadiens de l'Ouest.
    De plus, il existe tellement de personnes louches dans le dossier Énergie Est que ce seul fait démontre qu'aucune éthique guide les messages de TransCanada et de ses conseillers qui se nomment GAGNIER, CHAREST, MCKANNA, PRENTICE, FONTAINE, ARCAND, etc.
    C'est NON à la loi 106 dans sa mouture actuelle.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 août 2016

    «Je dit non au projet de Loi / 106 que le Gouvernement provinciale veut adopter
    incessamment»

  • Michel Blondin Répondre

    14 août 2016

    Je dis comme vous. Je dis non à cette loi 106. Pour être clair avec les politiciens, je précise que mon non n'est pas un oui, il n'y a pas de peut-être et mon oui, il ne l'entendra jamais sur une telle loi.
    Quand la propagande du ministre que de nier le fond de sa loi concorde avec la propagande de l'industrie c'est que... votre chien est mort que vous ne faites pas un geste d'éclat ou de rupture démocratique avec la politesse et l'intelligence des études aussi abondantes que pertinentes dont il ne semble savoir que faire.
    Il faut donner la chance au ministre de reculer sur sa loi par trois fois sur la raison. Vous avez plusieurs appuis au Québec possible. Le rapport de force doit augmenter d'un demi ton de la symphonie.
    À contrario, vous aurez le choix de contester à la Cour ou de le prendre de cours.
    Qui veut la paix prépare la guerre est un sagesse millénaire encore de mise.
    Cet os de l'appartenance et de la préservation de nos richesses naturelles sont des éléments-clé du point de bascule de la mort du pseudo-fédéralisme.
    Le risque est double dans l'autre camps.