«Hélicoptère Draghi»: la BCE ressort la sulfateuse à liquidités

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L'UE tente de relancer son économie

Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne est apparu divisé à l’heure de réactiver le programme de rachat de dette. Les tenants d’une politique monétaire plus stricte n’ont guère apprécié ce nouveau «quantitative easing» à l’européenne, qui verra la BCE injecter 20 milliards d’euros par mois dans le système financier.



Mario Draghi ressort l’artillerie lourde. Devant les difficultés économiques traversées par la zone euro, le patron de la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le 12 septembre un train de mesures visant à redynamiser une économie morose. Parmi elles, la reprise à partir du 1er novembre de son programme de rachat d’obligations publiques et privées. Le montant annoncé est de 20 milliards d’euros par mois, sans limitation de durée.





​Un tel programme avait déjà été utilisé par la BCE entre mars 2015 et décembre 2018. L’institut basé à Francfort avait injecté quelque 2.600 milliards d’euros dans les marchés afin de favoriser le crédit. Mais ce type de politique a ses détracteurs et à en croire la presse, ils seraient plus nombreux que d’habitude. Une source proche de l’Eurosystème (un organe de l’UE qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales (BCN)) assure qu’une «dizaine» de membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont plaidé contre la reprise du programme de rachat d’actifs. Le Speigel est allé jusqu’à parler de «près d’une douzaine» de frondeurs. Un contexte qui serait tout simplement inédit depuis la création de l’euro.


Des experts contre la reprise des rachats d’actifs


Du côté de la BCE, on tempère. Mario Draghi a simplement parlé d’«une diversité de points de vue». D’après l’Italien, le consensus sur l’ensemble des mesures décidées –intégrant aussi une baisse de taux– «était si large qu’il n’y avait pas besoin de voter». Les défenseurs de l’orthodoxie budgétaire, comme Jens Weidmann, patron de la Bundesbank, étaient bien sûr contre la reprise du «quantitative easing» ou assouplissement quantitatif dans le jargon financier. La situation revêt cependant un caractère inédit. D’habituels soutiens de Mario Draghi, comme le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau ou Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE et spécialiste des marchés, étaient également opposés à l’idée de refaire pleuvoir les liquidités.


Un comité d’experts de la BCE est même venu leur donner des arguments avant la réunion du 12 septembre. Ces derniers, chargés de donner leurs recommandations concernant la politique monétaire, avaient «rejeté l’idée d’une relance des rachats de dette». Selon une source proche de l’Eurosystème, les spécialistes ont jugé qu’un programme de rachat d’actifs n’aurait qu’un «bénéfice limité». De plus, les marges de manœuvre des banques centrales, BCE comprise, ont été considérablement réduites après la crise de 2008. Les experts de la BCE jugent donc qu’une telle mesure serait à garder pour des «temps plus difficiles».


La décision de la BCE intervient alors que la Réserve fédérale américaine (FED) a baissé ses taux le 31 juillet, une première depuis la crise de 2008 et après avoir procédé à pas moins de neuf remontées de taux entre décembre 2015 et décembre 2018.


«Conformément à son mandat, le Comité cherche à promouvoir un niveau d’emploi maximum et la stabilité des prix. Compte tenu des implications des évolutions mondiales sur les perspectives économiques, ainsi que des pressions inflationnistes atténuées, le Comité a décidé de ramener la fourchette cible du taux des fonds fédéraux à 2-2,25%», expliquait la FED dans un communiqué.


Un geste considéré comme insuffisant par Donald Trump, qui pousse la FED à baisser ses taux plus fort et plus vite. Du côté de la Bank of Japan, on réfléchit à pousser encore plus loin une politique monétaire déjà ultra-accommodante, non sans provoquer quelques inquiétudes, comme celle d’Hitoshi Suzuki, membre de la BoJ. Ce dernier s’est récemment inquiété des effets d’une nouvelle baisse des taux, qui pourrait, selon lui, conduire les banques à prélever une commission concernant les dépôts à vue.


«Si les taux sur les dépôts deviennent effectivement négatifs, cela pourrait pénaliser l’économie en jetant un froid sur la confiance des consommateurs», a-t-il notamment déclaré lors d’un récent discours.


D’après le spécialiste Dominique Dewitte, qui s’exprimait sur le site Business Express, «il ne semble pas y avoir de fin à la descente au sous-sol de la politique de taux d’intérêt qui a débuté en 2009»:


«Jamais auparavant dans l’histoire, le prix de l’argent (l’intérêt payé au moment de l’emprunt) n’avait été aussi bas au cours des 5.000 dernières années.»