François Desjardins - À quelques heures de son départ pour la Grèce, où elle participera à la flottille à destination de , Marie-Ève Rancourt n'avait pas l'air très nerveuse hier à l'aéroport Montréal-Trudeau. On lui a demandé si sa famille n'avait pas essayé de la dissuader. «Tout le monde leur pose la question, mais ce qu'ils disent aux gens, c'est qu'ils n'essaient même pas!», dit-elle. Tout juste derrière, ladite famille acquiesce en riant de bon cœur.
Car la mission n'a rien d'ordinaire. En mai 2010, la flottille de six navires du mouvement Free Gaza, destinée à percer le blocus israélien avec de l'aide humanitaire, s'était butée à l'armée israélienne. L'affrontement s'était soldé par neuf morts parmi les militants d'un bateau battant pavillon turc et une condamnation rapide de la part de 27 pays européens. Israël avait déclaré que les soldats s'étaient retrouvés face à des manifestants hostiles.
Et cela recommence. Cette année, la flottille compte 1000 personnes sur une douzaine de bateaux, dont un acheté pour l'occasion par des Canadiens. À bord du navire, environ 35 «délégués canadiens», dont quatre Québécois, peut-être cinq. Outre Mme Rancourt, avocate et représentante de la Ligue des droits et libertés du Québec, il y aura Manon Massé, militante féministe et membre de Québec solidaire, Stéphan Corriveau, qui a participé à l'organisation, et le cinéaste Santiago Bertolino.
«Il était temps», a dit Mme Massé, candidate de son parti lors des trois dernières élections provinciales dans la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques. «Ça fait des mois qu'on est en préparation de ce moment-là.» C'est Québec solidaire qui l'a appelée pour sonder son intérêt, dit-elle, et la réaction a été immédiate. «C'est une excellente idée. Je n'ai pas hésité une seconde.» La population de Gaza vit «dans une prison à ciel ouvert», selon elle, et il est inconcevable qu'elle ne puisse faire du commerce maritime comme tout le monde.
Chacune de leur côté, les deux femmes devaient prendre place à bord d'un vol pour l'Europe. Le grand rendez-vous est prévu à Athènes, d'où le bateau canadien — baptisé Tahrir — pourrait partir autour du 25 juin. En mer, le trajet prendra deux jours.
Ottawa n'approuve pas
Il y a quelques semaines, le gouvernement canadien a fermement condamné l'idée d'essayer de briser l'embargo israélien pour livrer quoi que ce soit directement à la population de Gaza.
«J'incite fortement les personnes qui désirent livrer des marchandises humanitaires à la bande de Gaza à le faire par le truchement de réseaux établis», a indiqué le ministre des Affaires étrangères, John Baird, dans un communiqué sans équivoque. «Les initiatives d'aide non autorisées constituent une provocation et n'aident en rien l'atteinte de l'objectif de venir en aide à la population de la bande de Gaza.»
Israël a le droit de se protéger contre le terrorisme et d'empêcher le trafic d'armes, a ajouté M. Baird en précisant que le Canada «reconnaît les préoccupations légitimes d'Israël en matière de sécurité».
Ces «réseaux établis» d'aide humanitaire sont cependant inefficaces dans la mesure où l'aide se rend avec «d'énormes délais» ou pas du tout, a dit Mme Rancourt.
En septembre 2010, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU avait publié un rapport dans lequel on affirmait que «la conduite des forces armées d'Israël [...] vis-à-vis des passagers de la flottille [...] révèle un niveau inacceptable de brutalité».
Mme Rancourt sait qu'il y a des risques à cette mission, mais ne prévoit pas le pire. «Je pense qu'Israël ne va pas agir de la même façon que l'an dernier. Le gouvernement israélien s'est quand même fait taper solidement sur les doigts par la communauté internationale.» Elle s'attend, comme ceux qui seront sur le navire, à ce qu'Ottawa honore ses obligations diplomatiques si jamais il se produisait quelque chose.
L'incident survenu à bord du navire l'an dernier avait porté un coup dur aux relations entre Israël et la Turquie.
Les organisateurs du ferry turc Mavi Marmara, sur lequel neuf personnes ont perdu la vie en mai 2010, ont d'ailleurs affirmé vendredi que le bateau ne participerait pas à la flottille cette année, contrairement à ce qui était pourtant prévu. Il aurait été le fer de lance de la flottille.
«Après les dommages subis par le Mavi Marmara [lors de l'assaut], nous ne sommes pas en mesure de lui faire prendre la mer [...] Nous ne voulons plus retarder la flottille en raison de ces problèmes techniques», a dit Bülent Yildirim, président de l'association caritative islamiste IHH, qui possède le bateau. L'Agence France-Presse, qui a rapporté ces propos, a aussi écrit qu'un porte-parole a parlé de «documents manquants».
Embarquement pour Gaza
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