Danielle Beaulieu - Il peut parfois être consternant de lire les propos de certains de nos universitaires tant l'absence de mémoire qui les caractérise, accompagnée d'inévitables pirouettes intellectuelles, fait la preuve de leur méconnaissance ou même de leur ignorance avérée de notre histoire récente, celle du Québec comme celle du Canada.
Nous proposer à nouveau que le sort du Québec dépende de débats pancanadiens (proposition présentée par monsieur Jean-François Martel-Castonguay dans l'édition du 9 août du Devoir) n'a rien d'une nouveauté, c'est la position qui fut défendue par Stéphane Dion et consorts et qui conduit logiquement à nier le droit à l'autodétermination du Québec, droit pourtant reconnu internationalement.
De plus, l'échec de l'accord du lac Meech a clairement démontré que le reste du Canada n'entend pas discuter de la place du Québec au sein du Canada. Pour le ROC, cette question est réglée et on ne voit poindre aucune volonté d'ouverture à l'horizon politique.
Il apparaît plus urgent de répondre à Mme Pascale Dufour, professeure de science politique à l'Université de Montréal, dont le texte est paru dans la même édition. On peut se demander comment Mme Dufour peut mettre en doute le fait qu'il existe des «intérêts unifiés» propres au Québec. Où se trouvait-elle lors des votes unanimes à l'Assemblée nationale du Québec qui ont jalonné l'histoire récente? Ne lui apportent-ils pas la preuve qu'il existe des intérêts particuliers au Québec, par-delà les allégeances fédéralistes ou souverainistes, progressistes ou conservatrices?
D'où vient également cette présomption (ou ce manque de lucidité) d'une certaine gauche québécoise d'espérer pouvoir infléchir la volonté canadienne dans des domaines ou celle-ci apparaît pourtant bien campée sur ses positions? Peut-on, de manière réaliste, songer que l'Alberta renonce à l'exploitation des sables bitumineux pour se tourner vers des énergies plus vertes, sous l'influence de demandes québécoises? N'est-ce pas un peu audacieux alors que nous peinons ici même à déloger des maires corrompus ou à obtenir la tenue d'une commission d'enquête sur les liens de collusion entre les milieux de la construction et le crime organisé?
Des programmes à comparer
D'autres affirmations largement répandues et reprises par Mme Dufour ne cessent également d'étonner. On n'a de cesse de nous répéter que les Québécois ont voté «à gauche» le 2 mai dernier en accordant leur suffrage au NPD. À voir. S'est-on donné la peine de comparer les programmes politiques du NPD (s'il en existe un) et du Bloc québécois? L'exercice mériterait enfin d'être réalisé. Plusieurs articles du programme bloquiste, sur l'échelle du progressisme (si tant est qu'une telle échelle existe), mériteraient indéniablement une meilleure position. Les revendications traditionnelles de la gauche social-démocrate forment le coeur du programme du Bloc.
Peut-on en dire autant, en ce qui concerne le NPD? Il serait utile de se rappeler que, lors de l'élection fédérale précédente (celle de 2008), plusieurs des grandes centrales syndicales canadiennes avaient retiré leur appui au NPD et avaient donné pour mot d'ordre de voter pour le Parti libéral du Canada étant donné la similitude de plusieurs de leurs propositions respectives et l'assurance plus grande (à l'époque) de pouvoir déloger le Parti conservateur. Il est en effet difficile de soutenir que le NPD est un parti de gauche quand il tergiverse sur la question du registre des armes à feu, quand son actuel discours porte principalement sur les intérêts «des familles» (est-ce là un nouveau concept analytique pour mesurer la justice sociale?), quand il propose la formule du PPP pour la réfection du pont Champlain, etc.
Qu'on en revienne une fois pour toutes avec cette illusion, impardonnable pour une universitaire qui devrait être au fait de l'importance des enjeux programmatiques dans la définition idéologique d'une formation politique.
Finalement, M. Laurent Trempe (toujours le 9 août) devrait apprendre à faire la différence entre voter stratégiquement dans certains contextes politiques et le fait d'adhérer et de soutenir activement un parti politique. C'est l'une des incohérences dont il semble s'accommoder, mais qui, pour n'importe quel profane, relève d'un opportunisme qui n'est pas rassurant — enfin, pour quiconque croit encore qu'il peut être utile d'agir et de décider sous l'éclairage de convictions authentiques. Sans verser pour autant dans «l'universalisme idéologique» ni non plus perdre de vue tout enjeu stratégique.
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Danielle Beaulieu - Professeure à la retraite
Les Québécois et la politique
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