Canada/Arabie: le plan MBS

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Sans la couverture des États-Unis, le Canada n'a pas les moyens de sa politique droit-de-l'hommiste

Dans une interview à la chaîne de télévision américaine CNBC, Alex Kliment, journaliste du site d’information « Signal », a déclaré hier, mardi 7 août 2018, que l’incident diplomatique entre l’Arabie saoudite et le Canada serait une nouvelle étape des politiques du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, qui est en train d’« instaurer un despotisme éclairé dans l’une des sociétés les plus conservatrices du monde ».


L’Arabie saoudite s’est mise particulièrement en colère après que le Canada a appelé à la libération d’une activiste saoudienne des droits de l’homme. Riyad a suspendu les vols vers le Canada, expulsé l’ambassadeur canadien, interrompu les relations commerciales et a mis fin à un programme d’échange d’étudiants entre les deux pays.


Pour Alex Kliment, la sensibilité extrême dont Riyad a fait preuve dans cette affaire s’explique par une raison importante : « Je pense que le prince héritier Mohammed ben Salmane tente de mener à bien un processus très délicat : d’un côté il essaie de libéraliser certains aspects de la société conservatrice de l’Arabie saoudite, et de l’autre il souhaite garder en main le pouvoir absolu sur cette société. »


Selon le journaliste du site « Signal », l’escalade entre le Canada et l’Arabie saoudite a commencé par la sensibilité très forte que les Saoudiens ont exprimée par rapport aux tweets des diplomates canadiens, dont celui de la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland, qui s’est dite « particulièrement préoccupée » par l’arrestation récente de plusieurs militants des droits de l’homme en Arabie saoudite, dont Samar Badawi, la sœur du militant et écrivain Raif Badawi. Raif Badawi a été arrêté en 2012 pour avoir dirigé un blog qui militait pour la liberté d’expression et les droits des femmes en Arabie saoudite.


D’après Alex Kliment, le prince héritier saoudien a envoyé un message virulent aux Canadiens : 


« Il a essayé de faire comprendre que Riyad ne tolérerait aucune critique extérieure en ce qui concerne le bilan saoudien en matière des droits de l’homme. C’est un message adressé non seulement au Canada mais à tous les gouvernements étrangers. »


« Les remarques faites par les diplomates canadiens ont particulièrement contrarié Mohammed ben Salmane qui voulait probablement tirer profit du fait que l’attention du président Trump était concentrée sur l’Iran et de l’indifférence très apparente de ce dernier pour les questions de droits de l’homme », a estimé Alex Kliment, qui croit que ce qui a encouragé le prince héritier saoudien, c’est que lors du sommet du G7 de cette année, Donald Trump avait également critiqué le Premier ministre canadien Justin Trudeau, l’accusant de faire de « fausses déclarations » sur le commerce mondial.


Kliment a déclaré :


« Je pense qu’il est également important de noter l’influence que Donald Trump a eue dans cette affaire. Comme vous le savez, jamais le gouvernement américain ne s’est engagé à changer la situation des droits de l’homme en Arabie saoudite, car Riyad est un allié clé de Washington. Il fournit beaucoup de pétrole aux États-Unis et passe pour être un allié régional et stratégique. »


Le journaliste du site « Signal » a ajouté : « Depuis que Trump est au pouvoir aux États-Unis, Mohammed ben Salmane sait que la Maison-Blanche ne s’intéresse guère aux droits de l’homme et qu’elle s’est particulièrement concentrée sur le dossier iranien. Cela semble lui avoir donné une grande marge de manœuvre. MBS en est très content et sait qu’il peut s’en servir de paravent pour se protéger des répercussions de tout ce qu’il souhaite faire. »