Le Parti libéral du Québec est sonné par la pire défaite de son histoire. Comme si le pouvoir lui appartenait de droit divin, il ne l’avait tout simplement pas vu venir. Malgré l’ampleur de la déroute, Philippe Couillard n’aura finalement trouvé qu’à pleurer sur son propre sort.
Devant une telle déconfiture, la tentation est forte d’en chercher LA raison. Pour plusieurs, l’usure et l’incapacité atterrante de Philippe Couillard à comprendre les inquiétudes de la majorité francophone expliquent sa glissade spectaculaire.
La réalité est toutefois plus complexe. Si l’on dissèque l’ensemble du mandat Couillard, on comprend mieux à quel point c’est l’ensemble de son œuvre qui, d’un bout à l’autre, l’a bel et bien plombé.
Rappelons que le 7 avril 2014, après le bref passage du gouvernement Marois, le PLQ revenait au pouvoir. Avec 42 % des voix, il s’était fait élire pour s’occuper des « vraies affaires ». Ses promesses phares étaient : « investir dans la réussite de nos élèves » ; « redonner accès aux services de santé » ; « assurer l’avenir de nos régions ». Qui s’en souvient encore ?
L’art de déchanter
Or, Philippe Couillard a livré tout le contraire. Les « vraies affaires » sont devenues l’austérité, l’affaiblissement des services publics et une série de réformes ratées en santé menée par Gaétan Barrette, ministre autoritaire et grossier personnage, s’il en est. Résultat : les Québécois ont vite déchanté.
Dès septembre 2014, les appuis au PLQ tombaient à 38 %. En mai 2015, ils chutaient déjà à 32 %. Les problèmes n’ont d’ailleurs pas manqué. Il y eut l’arrestation des ex-ministres Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté. Les sagas burlesques des ministres Yves Bolduc et Sam Hamad. Les histoires d’horreur dans les CHSLD. Le manque flagrant de services pour les personnes handicapées. L’abandon des proches aidants. La pluie indécente de milliards sur les médecins spécialistes a fait le reste.
Asphyxier
En même temps, M. Couillard se montrait hautain et déconnecté. L’austérité, disait-il, n’était qu’une « vue de l’esprit ». Ses insultes lancées à ses adversaires qu’il accusait de xénophobie ont complété le portrait. Bref, un premier ministre aurait voulu asphyxier son propre parti qu’il ne se serait pas pris autrement.
Cette raclée, elle s’est donc annoncée d’elle-même. Mois après mois, année après année, elle se dessinait discrètement au fil des sondages. Tout au long de son mandat, le PLQ perdait des plumes. Le 1er octobre 2018, l’échec était inéluctable.
À 24,82 % seulement des voix, le PLQ est passé de 68 à 32 élus. Par rapport au suffrage de 2014, le PLQ a perdu 755 923 votes. C’est beaucoup. Même chez les anglos, une part importante a préféré ne pas aller voter. Cela dit, contrairement au Parti québécois, les libéraux s’en remettront.
Vieux d’un siècle et demi, le PLQ est indestructible. Qui plus est, il est à l’opposition officielle. Ce n’est tout de même pas le cachot. Il s’agira maintenant de voir si ses survivants sauront ou non se réinventer loin, très loin, de l’héritage navrant de l’ère Couillard.