À quel Dieu les contribuables canadiens sont-ils soumis?

Tribune libre

Sans doute comme bon nombre de mes concitoyens, j’avais oublié, ces quelques mots enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés dont Andréa Richard et Jean-Claude Hébert m’ont rappelé l’existence :
« Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit » …
Promulguée par Pierre Eliott Trudeau, la Charte fut adoptée en 1982. Elle a donc été pensée et écrite il y a une trentaine d’années, à une époque où l’ennemi juré des États-Unis était l’URSS… alors en guerre contre les Afghans!
Ce monde aux vues antagonistes séparant les bons des méchants a bien changé. Mes concitoyens participent aujourd’hui activement à la création d’une mosaïque sociale qui s’étend à l’échelle planétaire. Le « village global » est devenu une réalité qui offre des possibilités nouvelles, certes, mais avec laquelle il faut également composer. Partout, les « minorités visibles » sont en voie de devenir la norme.
Pourtant, l’énoncé de ce préambule est demeuré inchangé: la Charte canadienne est soumise à la suprématie d’un Dieu unique. Certains pourraient être tentés d’en minimiser la portée. Toutefois, la jurisprudence a démontré que les juges de la Cour suprême ont eu recours à celui-ci afin de clarifier l’interprétation qu’il fallait donner à certains articles.
Or, s’il y avait jadis consensus au sein de nos dirigeants blancs et catholiques, l’heure est maintenant venue d’exiger de nos politiciens - ou de nos tribunaux - qu’ils définissent ce « Dieu » omnipotent, garant de notre Charte. En effet, la liberté de religion autorise à chacun de définir ce terme ambigu. Entre Jésus, Yahvé, Allah, Ganesh, Mazu et Manitou, ce n’est certainement pas le choix qui manque. Incidemment, à quels Écrits les juges doivent-ils se référer pour interpréter cette suprématie? À quoi - ou à qui - les Canadiens doivent-ils se soumettre? Bref, comment la Cour suprême du Canada peut-elle juger du bien-fondé d’une cause ou des actions de ces citoyens sans même connaître la réponse à cette prémisse?
Il est utopique d’espérer aujourd’hui une réponse, car plus personne n’osera imposer un Dieu, quel qu’il soit, par crainte de soulever l’ire d’une partie importante de la population. Bref, cette mention discriminatoire, héritée d’une autre époque, va à l’encontre de ce que la Charte est précisément censée défendre. Le gouvernement canadien n’a donc d’autre choix que de la biffer et d’affirmer solennellement la laïcité de nos institutions. En n’étant pas lui-même juge et parti, le Canada respectera l’esprit de la Charte et assurera la pérennité de la paix sociale.

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Bernard Lamborelle2 articles

  • 1 609

Passionné d'histoire, je m'intéresse notamment à
l'origine des religions monothéistes. J'ai publié aux éditions Editas en
mai 2009 l'essai historique "Quiproquo sur Dieu" qui remet en question la
nature divine du "Dieu" d'Abraham...

Montréal





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    23 décembre 2009

    Monsieur Lamborelle,
    Je vous ai rappelé, dites-vous, — l'existence de quelques mots enchaînés-. Je dois vous dire que par votre livre récent, "Quiproque Dieu"; Qui est vraiment le Seigneur d'Abraham?" vous m'avez beaucoup appris...ce livre mériterait d'être utilisé dans les cours d'Histoire et de religions. De par vos recherches scientifiques et historiques, une lumière a jailli pour tous ceux qui veulent se rapprocher de la vérité. Ce livre deviendra une "référence"!
    Andréa Richard

  • Archives de Vigile Répondre

    22 décembre 2009

    Dieu merci :
    "Dieu. Quoi que je fasse, le mot évoque en moi le vieux barbu des cathédrales, sculpté à notre image. Invention humaine dont je dois me débarrasser. Tuer le père, c'est d'abord tuer Dieu-le-Père. Sous les statues du "Pan Creator", il faut écrire : "ceci n'est pas le Créateur". Les musulmans s'interdisent toute représentation de Dieu. Les juifs refusent de prononcer son nom. Je les envie."
    Albert Jacquard / Idées vécues / 1989