Québec enchaîne l’adoption de sept traités de libre-échange

L’exercice, qui prendra tout au plus 14 heures, permet au gouvernement d’affirmer sa présence sur la scène internationale

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C’est vraiment de la rigolade

Les députés de l’Assemblée nationale disposeront de quelques heures cette semaine pour approuver sept traités de libre-échange négociés et signés par Ottawa et déjà en vigueur, dans certains cas, depuis presque six ans.

L’exercice, qui devrait commencer ce jeudi, prévoit une limite de deux heures par traité. Il vise 7 traités de libre-échange et leurs ententes parallèles en matière notamment d’environnement, de travail ou encore d’agriculture pour un total de 21 accords.

Le traité le plus récent est l’entente de libre-échange entre le Canada et la Corée du Sud entrée en vigueur le 1er janvier. Le plus ancien est l’entente conclue par Ottawa avec les quatre pays de l’Association européenne de libre-échange (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse) en vigueur, celle-là, depuis bientôt six ans. On retrouve aussi les traités signés avec le Honduras (2014), le Panama (2013), la Jordanie (2012), la Colombie (2011) et le Pérou (2009).

L’Assemblée nationale est le seul parlement provincial à s’être donné une loi l’obligeant à adopter ou rejeter tout engagement international important. Elle n’a encore jamais dit non à un accord commercial depuis qu’elle s’est créé cette obligation en 2002.

Cette disposition découle notamment de l’évolution des traités commerciaux, qui débordent de plus en plus les questions traditionnelles de tarifs et de procédures douanières, de compétence fédérale, pour s’étendre à des enjeux de compétence partagée ou exclusivement provinciale, comme la mobilité de la main-d’oeuvre, l’environnement, les marchés publics et la coopération réglementaires, a-t-on souligné mercredi au Devoir, au ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations. « Comme le gouvernement n’a pas le pouvoir de mettre en oeuvre les dispositions des accords qui relèvent des compétences des provinces, ces dernières doivent s’y déclarer liées. »

L’exercice témoigne aussi l’importance que Québec accorde à l’ouverture des marchés et encourage Ottawa « à poursuivre son ambitieux programme de négociations », fait-on valoir. Il prouverait même le sérieux du Québec en la matière donnant « plus de poids à sa demande de participation pleine et entière à d’éventuelles négociations commerciales ».

Sept d’un coup

Le fait de présenter d’un coup sept traités commerciaux et leurs accords parallèles, dont certains remontent à quelques années déjà, « n’est pas le signe de mauvaise volonté ni que quelque chose accrochait du point de vue législatif », a assuré en entretien téléphonique au Devoir François Caouette, attaché politique de la ministre des Relations internationales du Québec, Christine St-Pierre. « C’est une procédure assez complexe sur laquelle plusieurs ministères peuvent être amenés à se pencher » et qui peut avoir été dérangée par les élections et les changements de gouvernements. Maintenant que les accords sont devant l’Assemblée nationale, « ça peut aller assez rapidement, dit-il. On ne pense pas que les oppositions vont faire obstacle. De toute façon, tous ces accords ont déjà été mis en oeuvre par le gouvernement fédéral ».

Au Parti québécois, la porte-parole de l’opposition officielle en matière de relations internationales, Carole Poirier, se disait encore en train d’étudier les traités commerciaux en question et ne pas encore avoir d’opinions arrêtées à leur sujet. Elle a expliqué au Devoir être particulièrement intéressée par leurs possibles impacts négatifs sur le Québec. Mais de toute manière, a-t-elle poursuivi, « ça ne changera rien. Le seul pouvoir qu’on a est un droit de parole. Moi, je voudrais qu’on ait le pouvoir d’agir, c’est-à-dire de négocier nos propres ententes de libre-échange, et pour cela, il faut être un pays souverain ».

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a proposé mercredi à ses collègues des autres partis, sans succès, une motion dénonçant l’examen à la va-vite de tous ces accords ainsi que le bilan de la Colombie et du Honduras en matière de droits de la personne. « On a seulement deux heures au total pour chacun des traités, a-t-il ragé au Devoir. C’est sûr qu’on va essayer d’aller sur le fond, mais on va surtout dénoncer le caractère tout à fait antidémocratique, presque inutile et même offensant pour les parlementaires de leur demander d’entériner a posteriori des accords qui vont nous affecter. »

«Zéro exposant zéro»

À l’origine de la loi sur l’examen obligatoire des engagements internationaux importants par l’Assemblée nationale, l’ancienne ministre péquiste, Louise Beaudoin, se dit perplexe devant l’idée de se prononcer sur sept traités de libre-échange d’un coup. « Ça perd un peu de son sens. Mon idée, à l’époque, était de les prendre au fur et à mesure et d’avoir le temps d’en discuter et de savoir de quoi l’on parle. »

Cette idée se voulait en droite ligne avec la doctrine Gérin-Lajoie, a-t-elle expliqué au Devoir. « C’était de faire en sorte que nos compétences soient respectées. C’était une façon pour nous de marquer notre territoire international. »

Elle s’avoue aujourd’hui plus que déçue par l’état du débat démocratique autour des questions commerciales. « C’est zéro exposant zéro. Et le PQ n’a pas tellement fait mieux en 18 mois de pouvoir, malgré certains efforts. Tout cela continue de se faire derrière des portes closes », ajoute celle qui se dit notamment préoccupée par les mécanismes de règlement des différends accordant aux entreprises le droit de poursuivre les États devant des tribunaux ad hoc.


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