Pour la réhabilitation officielle de Louis Riel

C2b2c64fc2b97553f44064456aeaa546

Le Canada est-il capable d'assumer son histoire ?





J’ai été agréablement surprise, cet été, de voir le titre de la bande dessinée qu’a emportée ma fille pour ses lectures de vacances. Elle portait sur Louis Riel. En feuilletant le livre, j’ai constaté que les grands repères historiques y étaient.


Un personnage hors du commun


C’est là, autour d’un thé à la menthe, au pied des majestueuses montagnes du Haut Atlas que je lui ai raconté « ma propre rencontre » avec Louis Riel. C’était il y a une quarantaine d’années.


Je commençais à m’enraciner dans ce pays du froid et je cherchais à l’apprivoiser. Quoi de mieux qu’une incursion dans l’histoire du Québec, du Canada et des Premières Nations pour me faire découvrir ce personnage hors du commun.


Issu du métissage qui s’est opéré dans les Prairies entre les Canadiens français et les Amérindiens, il va jouer un rôle central dans le devenir du peuple métis, constitué en nation en 1816, et qu’il va défendre au prix de sa vie.


Après s’être dressé contre le gouvernement central qui a accaparé les terres des Métis et avoir donné du panache à ce plat pays des Prairies, il a mis au monde, en 1870, une nouvelle province, le Manitoba (« Passage du Grand Esprit », en langue crie).


Louis Riel va me fasciner assez pour que j’organise, en hommage à son courage, une exposition en avril-mai 1978, à la Bibliothèque municipale d’Ottawa, où j’avais dévalisé, pour l’occasion, le ministère des Affaires indiennes, plusieurs centres et bibliothèques du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Ontario et du Québec.











<i>Le Droit</i> du 25 avril 1978




Photo Fatima Houda-Pepin


Le Droit du 25 avril 1978





Un héros national


Louis Riel est né en 1844, mais il est entré dans l’histoire par un événement marqué au fer rouge, celui du 16 novembre 1885, date de son exécution sommaire, à Régina, à l’âge de 41 ans. C’est aujourd’hui le 132e anniversaire de sa pendaison.


Ça s’est passé au Canada, après que sa tête eut été mise à prix par le premier ministre de l’Ontario, Edward Blake, en 1872, au grand bonheur du premier ministre fédéral John A. Macdonald, qui va déclarer que Riel « sera pendu même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur ».


Il est condamné pour « haute trahison », dans un simulacre de procès, par un juge et des jurés anglo-protestants, sans preuves ni témoins, en vertu d’une vieille loi britannique datant de 1351 qui ne prévoyait qu’une seule sanction, la peine de mort.


Son crime ? Avoir défendu les droits des Métis et la préservation de leurs terres contre le gouvernement fédéral, celui de l’Ontario et leurs alliées, les compagnies de la Baie d’Hudson et des chemins de fer. Il s’est aussi battu pour les droits des francophones.


Avec sa disparition, l’Acte fondateur du Manitoba de 1870, qui faisait du français et de l’anglais les deux langues de la nouvelle province, a été violé. Dès 1890, le français a été aboli comme langue des tribunaux et des lois, et il n’a été réintroduit qu’en 1980. Il en va de même pour l’abolition, en 1916, de l’enseignement du français dans les écoles, qui ne sera rétabli qu’en 1970.


Louis Riel est devenu une figure emblématique du Manitoba, où sa présence est parlante dans les monuments, les œuvres d’art, les cen­tres d’archives et les musées. On lui consacre même un jour férié depuis 2008. Mais il reste à le réhabiliter officiellement. En cette année du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, dont il est un des cofondateurs, le premier ministre Justin Trudeau et les parlementaires d’Ottawa doivent poser ce geste qui va l’innocenter pour de bon et lui redonner la stature qu’il mérite, celle d’un héros national.