Les raisons de la dépendance

Tribune libre

Les raisons de la dépendance
Dans son dernier livre, Fin de cycle, Mathieu Bock-Côté s’interroge sur les raisons de l’échec du mouvement souverainiste. Pourquoi l’indépendance du Québec – que juge nécessaire Bock-Côté – n’est-elle toujours pas advenue? Selon lui, l’explication réside dans le fait que la gauche québécoise a confisqué le projet souverainiste. Bock-Côté se montre très critique à l’endroit d’une certaine gauche, qui a d’abord instrumentalisé, au service d’un projet de société, puis édulcoré au passage, le projet de pays. Ne sachant coaliser à leur cause les Québécois plus à droite, le mouvement souverainiste se serait privé de nombreux Québécois tentés par l’aventure, mais défavorables au projet social-démocrate qui lui est associé. Selon Bock-Côté, les souverainistes doivent revenir à des raisons plus fondamentales (identité nationale, culture, langue, histoire) s’ils ne veulent pas que leur rêve de liberté demeure à jamais inachevé.
PERD-ON VRAIMENT LES SOUVERAINISTES DE CENTRE DROIT?
L’idée que l’indépendance ne se réalise jamais effraie les souverainistes. Ils ne voient donc pas ce qui est pourtant une évidence et cherche plutôt une explication qui puisse entretenir l’espoir. Car il faut bien l’admettre, la vraie raison n’en laisse que très peu.
Si l’analyse de Bock-Côté est juste lorsqu’il affirme l’existence d’un mariage entre la gauche et le mouvement souverainiste, il erre quand il lui impute l’échec de ce dernier. Mathieu Bock-Côté, croyez-vous vraiment que si un référendum était tenu, un souverainiste convaincu, et un peu moins convaincu, de centre droit, tournerait le dos à son pays parce que le parti au pouvoir en est un de gauche? D’autre part, les Québécois se sont exprimés à deux reprises quant à leur statut politique. A-t-on perdu le référendum de 1980 pour cette raison alors que René Lévesque avait cet idéal de coalition selon vos propres dires? Et celui de 1995, alors que Jacques Parizeau a tendu la main à Lucien Bouchard et Mario Dumont? S’il y a de ces Québécois dont vous parlez, ils doivent peser bien peu dans la balance et certainement ne pas fonder leur option politique sur les raisons fondamentales que vous évoquez. Les souverainistes de centre droit représentent une petite fraction de l’électorat et ce n’est donc pas leur adhésion qui changerait l’appui à la souveraineté du tout au tout. Et bien que 50 % plus un soit suffisant pour faire du Québec un pays, si cela est si essentiel que vous le prétendez, la question que vous devriez vous poser n’est pas : « Pourquoi l’option indépendantiste n’a pas franchi de façon durable le palier du 50 %? », mais bien : « Pourquoi elle n’a pas rallié la presque totalité des francophones et atteint 75 %, voire 80 %? »
L’AMBIVALENCE DES QUÉBÉCOIS
Que faites-vous, Mathieu, de ceux qui se prétendent de plusieurs identités nationales? Moi, par exemple, qui suis à la fois québécois et acadien, comment pourrais-je me départir de l’une ou l’autre de ces identités? Les identités ne sont pas mutuellement exclusives, elles s’additionnent. La principale réponse à votre question, Mathieu, elle est là. Le Canada est le pays dans lequel nous sommes nés. En conséquence, une majorité de Québécois se dit également Canadien. L’identité canadienne est moins forte certes, mais elle est suffisante pour justifier le lien fédéral. Et l’affectivité est le principal moteur de nos choix.
DES RAISONS FONDAMENTALES?
On retrouve à travers le monde plus de 2500 nationalités pour quelque 193 États reconnus. La complexité du monde fait qu’il y a rarement congruence entre une nation et un État. Il y a des nations qui se retrouvent dispersées sur plusieurs États et des États qui regroupent plusieurs nations. Si à une nation devait correspondre un État, peu de nations pourraient en définitive aspirer à une existence pleine et entière. Il apparaît ainsi que la nation n’est pas la nécessaire condition à la création d’un État et qu’inversement, un État n’est pas la nécessaire condition à la liberté d’un peuple. Ce qui importe est le respect mutuel des nations, peu importe l’organisation politique qu’elles choisissent.
Nous avons bien des désaccords avec le Canada anglais, mais nous en avons entre nous aussi. Autant il y a d’individus, autant il y a de points de vue, autant il y a d’intérêts. La liberté absolue n’existe pas. – Je dois faire cependant ici une distinction entre une imposition et un choix. – Vivre en société, c’est faire des compromis. Comme peuple, nous devons nous demander quelle situation correspond le mieux à notre réalité. Nous devons évaluer les pour et les contres de chacune des options qui se présentent à nous et choisir celle qui est dans notre intérêt.
LES VALEURS QUÉBÉCOISES
Mathieu est de sensibilité conservatrice. Son parcours particulier, en marge de la famille souverainiste, l’a amené à porter un regard extérieur critique à l’endroit du discours sur les valeurs québécoises. Il s’inscrit en faux à l’égard de ceux qui voudraient profiter de la conjoncture du moment, c’est-à-dire de la présence de Stephen Harper à Ottawa, pour faire l’indépendance du Québec. Pour les souverainistes, le fait que le Québec soit à gauche alors que le Canada anglais est à droite constitue une raison pour se séparer. Afin de rendre caduc cet argumentaire, Mathieu pose la question suivante : si le Canada était gouverné par Jack Layton et le NPD, est-ce que cela rendrait la souveraineté moins désirable? Ne lui en déplaise, la souveraineté dans un Canada de gauche serait peut-être encore désirable, mais elle le serait certainement dans une moindre mesure. Bien sûr, l’indépendance permet d’abord et avant tout à un peuple de préserver sa culture, mais les valeurs d’un peuple font partie de sa culture. Bock-Côté se méprend lorsqu’il dissocie complètement les deux. Bien sûr qu’il y a des Québécois de droite et des Canadiens anglais de gauche. Quoiqu’on retrouve au Québec, comme partout ailleurs, des citoyens se situant partout sur le spectre politique, les Québécois sont globalement plus à gauche. Les valeurs d’une personne sont déterminées par l’interaction entre les dispositions naturelles de celle-ci et des facteurs culturels. Il y a donc des déterminants culturels qui font que le centre de gravité des valeurs québécoises est plus à gauche que celui du Canada anglais. Bien que les valeurs ne fassent jamais l’unanimité, certaines peuvent être partagées par une majorité, et dans un hypothétique Canada de gauche, les valeurs québécoises ne seraient en rien brimées. Dans le cas contraire, celui du non-respect des valeurs de la majorité des Québécois, le projet de faire du Québec un pays deviendrait plus impératif. La question nationale ne se résume pas à un différend moral entre le Québec et le reste du Canada, mais cela en fait bien partie.


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1 commentaire

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    2 septembre 2013

    Pas besoin de chercher midi quatorze heures!
    Depuis le début, le Canada aurait pu être très fier de faire grandir en son sein la seule nation d'expression française en Amérique.
    Or il s'est attelé à détruire le français d'abord dans l'Ouest, puis au centre, et chez les ACADIENS, les Indiens, pour maintenant s'assurer que les Québécois se mettent définitivement à l'ANGLAIS.
    Canada de gauche? In your dreams! Il est tout simplement réfractaire au français. Suffirait que nous changions de langue et ce serait le grand bonheur pour eux, et pour nous qui avons bien peur de "casser la paix linguistique".
    Écoutons ce soir la Première ministre nous parler de l'attentat politique auquel elle a échappé il y a un an. Et peut bien s'y attarder un peu: les médias boycottent(concentrés chez qui?) ce sujet d'un canadien terroriste.