Pendant plus d’un siècle, les décombres du parlement du Canada à Montréal ont dormi sous un terrain de stationnement, dans le Vieux-Montréal. Mais depuis mardi, le public est invité à visiter le site des fouilles archéologiques pour déterrer ce lieu témoin d’un tournant de l’histoire du pays.
En 1844, Montréal est désignée capitale du Canada-Uni. Elle succède alors à la ville de Kingston, jugée trop près des États-Unis, et dont les infrastructures d’accueil sont limitées. Les architectes décident de construire le parlement de Montréal au-dessus du marché Sainte-Anne, lui-même érigé au-dessus de la rivière Saint-Pierre, qu’on a décidé de recouvrir pour limiter les épidémies de choléra. Le parlement de Montréal, près de l’actuelle place D’Youville, compte alors deux étages de bois, qui seront entièrement avalés par les flammes. Mais les archéologues qui en fouillent les décombres aujourd’hui en ont déjà tiré un portrait de la reine Victoria, un projet de loi qui était à l’étude, ainsi que des objets qui se trouvaient dans le restaurant ou dans le salon de barbier qui étaient intégrés au parlement.
L’archéologue en chef du musée Pointe-à-Callière, Louise Pothier, va jusqu’à parler d’une petite Pompéi, en parlant du site archéologique du parlement de Montréal.
En effet, au moment de l’incendie de 1849, tous ont fui le parlement, laissant le site comme figé dans le temps. « C’est presque un instantané. On peut même dire à quelle heure c’est arrivé, à neuf heures du soir », dit-elle.
Au terme du projet, en 2021, le musée espère pouvoir ouvrir un pavillon d’interprétation sur le site. Pour l’instant, le public est invité à consulter des panneaux d’explication à l’entrée du site. On y apprend qu’à l’époque du parlement, Montréal compte quelque 44 000 habitants, dont 57 % d’anglophones et 43 % de francophones. Les parlementaires y tiennent une première session, le 28 novembre 1844.
Manifestations
C’est autour d’un projet de loi entourant l’indemnisation des victimes des soulèvements des patriotes, en 1837-1838, que les tensions ont atteint leur comble entre les tories, proches de la Couronne britannique, et les réformistes, au pouvoir, représentés par Louis-Hippolyte La Fontaine et Robert Baldwin. Les tories s’opposent férocement à cette indemnisation, arguant qu’elle récompenserait les « rebelles » d’hier.
Des manifestations se déroulent dans les rues proches du parlement, où les tories vont jusqu’à lancer des pierres et des oeufs au gouverneur Elgin, venu sanctionner le projet de loi. Le gouverneur regagna alors son carrosse et fut emmené au galop, selon un article du journal The Gazette.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir
Le gouvernement du Québec a classé patrimonial le site du parlement de Montréal en 2012, tandis qu’en 1949 le gouvernement du Canada a désigné sa destruction comme événement historique national.
C’est dans ce contexte que l’incendie se déclare au parlement de Montréal le 25 avril 1849. Une douzaine de tories avaient pénétré dans le parlement. Des carreaux avaient été cassés aux fenêtres, et la salle de l’Assemblée législative avait été saccagée.
Un dénommé Alfred Perry, qui était alors capitaine d’un corps de pompiers volontaires de Montréal, a prétendu avoir mis le feu par accident à l’édifice en lançant une brique sur un lustre au gaz.
Direction Ottawa
C’est à la suite de ces événements que le parlement du Canada quitte définitivement Montréal, pour s’installer successivement à Québec, puis à Toronto, puis enfin à Ottawa, en 1857. Ottawa sera finalement choisie, parce qu’elle forme une sorte de frontière entre le Haut et le Bas-Canada de l’époque, dit Alain Roy, historien spécialiste de l’époque.
C’est donc cette époque riche en réformes que le site archéologique du musée Pointe-à-Callière vient documenter. Le parlement de l’époque abritait une bibliothèque de quelque 22 000 livres. On a aussi retrouvé des encriers, qui témoignent de la présence d’écrivains qui travaillaient sur place au service des députés.
Pour l’historien Alain Roy, cet incendie ne doit pas occulter le fait que le gouvernement du Canada était alors en pleine réforme.
« Il y a une grande richesse historique dans la mémoire cachée autour du parlement », dit-il, ajoutant que l’incendie ne doit pas distraire l’attention de ces réalités.
Le passage du parlement du Canada à Montréal compte en effet son lot de faits déterminants dans l’histoire du pays. La langue française y sera reconnue comme l’une des langues officielles de l’État, et l’Assemblée y gagne le plein contrôle de son budget. Des ministères des Travaux publics, de l’Éducation, et des Terres de la Couronne sont créés. L’autonomie locale est confortée par la reconnaissance du gouvernement réformiste comme « gouvernement responsable ». Certains parlent même de cette époque comme d’une première Révolution tranquille, poursuit M. Roy.
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