Sans grande surprise, le dépôt du projet de loi 21 sur la laïcité de l’État suscite une levée de boucliers, notamment auprès de plusieurs organismes de défense des droits de la personne et de la communauté musulmane qui réclament le retrait du projet de loi, tandis qu'une commission scolaire, la English Montreal School Board, a déjà annoncé qu'elle n'appliquerait pas la future loi.
Sous-jacente à une réaction aussi vive s’ensuit toute une série de questions portant sur les mécanismes que le gouvernement entend utiliser pour s’assurer que la future loi sera respectée, et, en corollaire, les sanctions prévues à ceux qui refuseront de la respecter.
À cet effet, je suis d’avis que la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, s’est aventurée sur un terrain « glissant » en affirmant en mêlée de presse que la police pourrait débarquer dans une commission scolaire, par exemple, pour la forcer à appliquer la future loi 21, obligeant d'éventuelles enseignantes contrevenantes à enlever leur hijab.
À mon avis, de telles questions sont nettement prématurées et laissent place à un dérapage du projet de loi alors qu’il vient tout juste d’être présenté à la population qui doit prendre le temps nécessaire pour « digérer » toutes ses composantes avant de porter un jugement objectif.
De son côté, le ministre Jolin-Barrette s'est montré confiant de voir tous les citoyens et tous les organismes publics se conformer à la nouvelle législation tout en refusant d'envisager les moyens éventuellement utilisés pour la faire appliquer au besoin… Autrement dit, on traversera le pont quand on sera parvenu à la rivière!
Promesse faite, promesse tenue
Lors du dernier scrutin provincial tenu le 1eroctobre 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) a fait élire 74 députés et récolté 37,42 % des suffrages exprimés à la suite d’une campagne pendant laquelle François Legault s’est engagé, notamment, à présenter un projet de loi sur la laïcité de l’État québécois dans les premiers mois du mandat de son gouvernement.
Par ailleurs, un sondage Léger réalisé en décembre 2018 révélait que 61 % des Québécois jugeaient « inacceptable » le port de signes religieux chez les enseignants. Or, il s’avère que certaines associations syndicales et certaines commissions scolaires ont déjà manifesté leur intention de contester la future loi, voire de ne pas la respecter. Pire encore, le Robin des bois de la défense des droits de la personne, Me Julius Gray, est même allé jusqu`à affirmer que, dans certains cas, la désobéissance civile était un droit!
Et pourtant, le gouvernement actuel suit à la lettre son plan de campagne eu égard aux engagements qu’il a pris pendant la campagne électorale, ce que, il faut bien l’admettre, a rarement été le lot des gouvernements précédents pour qui les promesses s’envolaient en fumée.
Or, fort d’un gouvernement majoritaire issu d’engagements pris par la CAQ lors de sa campagne électorale, je ne peux qu’applaudir au projet de loi 21 qui mettra fin à plus de dix ans de tergiversations qui ont fait suite au rapport Bouchard-Taylor et à la Charte des valeurs du gouvernement Marois.
En ce qui a trait à la clause dérogatoire intégrée dans le projet de loi, je suis d’avis qu’elle représente un rempart nécessaire eu égard à de possibles poursuites judiciaires que certains farouches opposants seraient tentés d’utiliser pour bloquer le projet de loi.
Enfin, compte tenu des irritants que soulèvent le projet de loi 21, François Legault et Simon Jolin-Barrette auront tout avantage à user de tact et de patience sur un dossier aussi émotif, à défaut de quoi la laïcité du Québec risque de tourner en une foire d’empoigne stérile qui pourrait faire avorter un projet de loi pourtant si nécessaire dans une démocratie moderne.
Henri Marineau, Québec
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