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Sarkozy fait les frais d'un humoriste
Marc Thibodeau - (Paris) L'un des personnages les plus en vue de la radio française, l'humoriste Stéphane Guillon, est plus que jamais sur la sellette. Celui qui dit vouloir faire rire pour faire réfléchir n'hésite pas à s'en prendre aux politiciens. Cette fois, c'est Nicolas Sarkozy qui fait les frais de son humour mordant.
Qu'on se le dise, Stéphane Guillon n'est pas du genre à se laisser dépasser dans l'excès.
Après avoir appris qu'un de ses collègues avait reçu un avertissement formel de la direction pour avoir invité en ondes un ancien premier ministre à dire qu'il «enculait» le président français, Nicolas Sarkozy, l'humoriste de France Inter a renchéri la semaine dernière.
En quelques minutes, M. Guillon a répété à plusieurs reprises «je sodomise le président», dans le but déclaré de recevoir à son tour un avertissement qu'il pourrait considérer, a-t-il dit, comme un «honneur».
L'intervention provocatrice de Guillon, à quelques semaines de l'expiration de son contrat, a été vue dans le sérail médiatique comme un ultime pied de nez à la direction de France Inter. Elle n'est en tout cas que la plus récente d'une longue série de sorties controversées qui ont fait de lui l'un des personnages les plus en vue de la radio française.
Chaque matin à 7h55, l'homme de 46 ans à la barbe poivre et sel diffuse sur les ondes de la radio d'État une chronique au vitriol de quatre minutes qui prend souvent pour cible l'élite politique du pays, y compris le président Nicolas Sarkozy.
Avec Ardisson
L'humoriste, qui avait notamment fait sa marque à la télévision aux côtés de Thierry Ardisson, a vu sa notoriété exploser en février 2009 après avoir dépeint le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, comme un dangereux prédateur sexuel.
Strauss-Kahn, pressenti comme candidat possible à l'élection présidentielle de 2012, n'a pas apprécié et a accusé l'animateur de faire preuve de «méchanceté». Une autre chronique sur Martine Aubry, que Guillon a décrite comme un «petit pot à tabac», lui a valu les remontrances du président français lui-même, une forme de consécration à ses yeux.
Une nouvelle controverse est survenue au printemps après une chronique sur le ministre de l'Immigration, Éric Besson, que Stéphane Guillon a qualifié de «taupe» du Front national.
Rien ne semble pouvoir arrêter le trublion, qui juge le «mauvais goût parfois nécessaire» pour faire passer son message.
Rire, donc réfléchir
Bien qu'il se place dans le registre de l'humour, M. Guillon n'a pas caché, dans une entrevue accordée en octobre dernier à l'Agence France-Presse, qu'il espère «faire avancer un peu les choses» en France.
«Je pense qu'on peut aller au fond des choses par le rire, qui fait réfléchir. C'est par le rire qu'on peut toucher à l'essentiel», a-t-il dit à cette occasion.
Ses admirateurs le voient comme un porte-étendard de la liberté d'expression à la Pierre Desproges ou Guy Bedos. Ses détracteurs parlent plutôt d'un provocateur de mauvais goût, sans réelle substance.
Selon Guillaume Doizy, spécialiste de l'histoire de la caricature, il existe en France une «tradition de radicalisme que l'on ne retrouve pas nécessairement dans d'autres pays» en matière d'humour.
Les dessins du XIXe siècle, dit-il, reflètent la «violence sociale et politique de l'époque» et trouvent un écho aujourd'hui dans les pages d'un hebdomadaire comme Charlie Hebdo, qui frappe souvent «sous la ceinture».
Rares, les humoristes mordants?
Cette tradition s'exprime, dans une moindre mesure, chez Stéphane Guillon, qui révèle d'abord et avant tout l'asepsie idéologique de l'époque actuelle, selon M. Doizy.
«Les débats aujourd'hui sont de plus en plus policés. Les caricaturistes et les humoristes mordants qui restent font nécessairement tache dans le décor», juge le spécialiste.
Selon lui, la sensibilité de Nicolas Sarkozy à la critique rend les responsables des médias particulièrement sensibles à toute forme d'humour un peu trop grinçant.
Valeria Emanuele, du Syndicat national des journalistes de Radio France, pense que c'est cette peur qui motive les réserves qu'exprime France Inter envers Stéphane Guillon.
Elles sont d'autant plus ironiques, dit-elle, que l'actuel directeur de France Inter, Philippe Val, a longtemps chapeauté Charlie Hebdo. Et que cet ancien chansonnier a déjà utilisé, pour annoncer un de ses spectacles, un dessin où on le voyait dans une position suggestive avec un ex-ministre de la Culture.
«Une fois qu'on a vu cette affiche, on ne peut que se marrer en l'entendant dénoncer l'utilisation de tel ou tel gros mot en ondes. Il faut savoir raison garder», souligne Mme Emanuele, qui réclame le maintien des capsules humoristiques du matin.
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Deux humoristes français congédiés: une purge politique?
http://www.cyberpresse.ca/international/correspondants/201006/23/01-4292736
Stéphane Guillon a fait un pied de nez à ses patrons en tenant des propos crus sur le président Nicolas Sarkozy sur les ondes de France Inter, la semaine dernière.
Marc Thibodeau - La direction de France Inter a décidé de faire le grand ménage dans sa grille horaire de la rentrée, congédiant dans le processus deux humoristes controversés qui se disent victimes des pressions politiques exercées sur la station.
Stéphane Guillon, trublion des ondes dont les jours étaient clairement comptés à la radio d'État, a vu son renvoi confirmé mercredi par le président-directeur général de Radio France, Jean-Luc Hees, dans une entrevue au quotidien Le Monde.
«J'ai eu de nombreuses discussions avec Stéphane Guillon à propos de ses chroniques. Si l'humour se résume à l'insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais également pour moi», a noté M. Hees.
L'administrateur a ajouté qu'il n'avait aucune intention de se laisser insulter en ondes par l'un de ses employés «contrairement à Raymond Domenech», l'entraîneur sortant de l'équipe de France.
«J'ai un certain sens de l'honneur et je ne peux accepter que l'on me crache dessus en direct», a expliqué M. Hees, qui avait présenté des excuses au nom de France Inter au printemps après une chronique cinglante de M.Guillon contre le ministre de l'Immigration, Éric Besson.
Les deux hommes étaient à couteaux tirés depuis ce temps, l'humoriste multipliant les provocations à l'antenne, tant envers ses patrons que la classe politique.
Lors de sa dernière présence en ondes mercredi, Stéphane Guillon a accusé France Inter «d'être une radio de gauche qui licencie comme la pire entreprise de droite».
Il a tiré une autre salve contre le président français Nicolas Sarkozy, qui dispose, a-t-il rappelé, du pouvoir de nommer le PDG de Radio-France. «Que je sois ou pas sur cette antenne, le président dévisse (dans les sondages)», a-t-il noté.
France Inter a aussi licencié l'humoriste Didier Porte, qui avait reçu un avertissement formel la semaine dernière à la suite d'une chronique dans laquelle il invitait l'ex-premier ministre Dominique de Villepin à insulter le chef d'État français.
Il s'est lui aussi présenté comme la victime d'une purge politique, arguant notamment que le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi, avait récemment écrit à la radio pour se plaindre de son travail.
«Je ne veux pas jouer les martyrs mais ça me semble disproportionné. J'ai l'impression qu'on fait le ménage à deux ans des (élections) présidentielles», a-t-il noté.
Le directeur de France Inter, Philippe Val, s'est contenté d'expliquer dans une lettre que la nécessité «de renouveler et faire évoluer l'entente» l'obligeait à renoncer à certaines chroniques.
Les renvois ne feront rien pour améliorer les relations entre la direction et les journalistes de France Inter, qui ont dénoncé la semaine dernière dans une résolution «les choix et les méthodes» de M. Val.
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Voir aussi:
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Sarkozy, Besson, DSK… ceux que Guillon n'allumera plus sur Inter
Par Augustin Scalbert | Rue89 | 23/06/2010 | 17H10
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