Contrairement à ce que prétend l'Institut économique de Montréal

Le gaz de schiste menace la santé et l'environnement

Tribune libre

Cette semaine, l’Institut économique de Montréal (IEDM) essayait de redorer la réputation de l’industrie du gaz de schiste au Québec. À en croire M. Youri Chassin, coauteur de la note parue sur le site de l’institut et directeur de la recherche à l’IEDM, les agriculteurs qui refusent la fracturation de puits sur leurs terres ratent une occasion de s’enrichir. M. Chassin avance quelques chiffres de l’industrie pour démontrer que les fuites, pollutions et dommages causés à la santé humaine et aux animaux sont négligeables ou inexistants. Il recommande que le gouvernement tienne compte de ces faits dans l’élaboration de sa stratégie énergétique. Moi qui ne suis pas une habituée de l’IEDM, je reste perplexe devant un tel manque de sérieux de la part des auteurs de cet article. Le texte est truffé de faussetés, de demi-vérités et surtout de silences sur des enjeux essentiels concernant la fracturation hydraulique.

Le manque de sérieux le plus flagrant apparaît sans doute lorsque les auteurs laissent entendre que la fracturation hydraulique n’a aucune incidence sur la santé humaine et ne présente que peu de risque pour la contamination des aquifères : «Selon l’industrie, le risque d’une fuite importante polluant des réserves d’eau est très faible.(…) Jusqu’à maintenant, les faits confirment cette opinion». Le rapport du BAPE sur les enjeux liés à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du St-Laurent a démontré au contraire que les risques de fuites polluant l’air et les nappes d’eau souterraines et de surface sont importants puisque la migration du gaz après la fracturation continuera de s’effectuer pendant des centaines d’années. Comme l’a bien démontré l’ingénieur géologue Marc Durand, il n’y a aucun moyen pour l’industrie d’exercer un contrôle sur l’extension des fractures causées dans la roche lors des fracturations, de sorte que le méthane et d’autres contaminants s’échappent par des failles bien au-delà du conduit menant à la tête du puits, pour aller rejoindre la nappe phréatique ou fuir librement dans l’atmosphère. Un nombre toujours grandissant d’études universitaires démontrent que les fuites de méthane en provenance des puits de fracturation hydraulique sont une menace pour l’environnement et la santé publique. Toutes ces études s’appuient sur des constats on ne peut plus réels.
De plus, la fracturation cause un accroissement très inquiétant de la sismicité, comme le montrent aux États-Unis les nouvelles cartes de l’occurrence des tremblements de terre. De nombreux gouvernements et administrations ont d’ailleurs interdit la fracturation sur leur territoire.

Les auteurs de l’IEDM ne parlent pas des millions de litres d’eau qui sont nécessaires pour fracturer un puits et qui sont donc soustraits à l’usage agricole; de plus, aucune usine de traitement des eaux ne peut les décontaminer. Pas un mot non plus sur la nuisance constante pendant les mois que durent les travaux, ni sur la perte de valeur des propriétés. Il va de soi que les impacts de la fracturation hydraulique sur le réchauffement climatique sont passés sous silence même si les fuites de méthane occasionnées par cette filière énergétique l’ont rendue comparable au charbon, sinon plus polluante encore. Avec de telles lacunes dans la prise d’information, l’IEDM réussit à passer un autre message, peut-être bien involontaire, aux agriculteurs : ne comptez pas sur nous pour vous donner l’heure juste!

Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de l’Assomption


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1 commentaire

  • François A. Lachapelle Répondre

    2 juin 2015

    Félicitations Louise Morand pour votre article qui est un appel à plus de vérité de la part de l'économiste Youri Chassin. Évidemment, ce monsieur écrit à titre personnel même s'il occupe le poste de directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal (IEDM).
    Il est utile de rappeler que « Les sciences économiques font partie des sciences humaines et sociales ... » (wikipedia). À comparer à la physique et la chimie, les sciences économiques relèvent plus de la poésie et trop de la subjectivité et se soldent par le déni comme dans le cas de la crise économique mondiale de 2008.
    Face à la fracturation hydraulique pratiquée par l'industrie pétrolière et gazière au Québec, le déni concerne les méfaits potentiels sur la santé humaine et sur la contamination des aquifères comme vous le rappeler très bien dans votre article.
    Youri Chassin et les économistes de sa trempe oublient ce que des milliers de Québécois savent: les chevaliers de l'industrie sont prompts à s'emparer des richesses naturelles et habiles et rapides pour disparaître dans la nature quand la catastrophe arrive par leurs décisions et par l'absence de leurs décisions responsables.
    Que ce soit les centaines de sites orphelins miniers du nord du Québec abandonnés par leurs exploiteurs, la catastrophe ferroviaire du centre-ville de Lac-Mégantic dans la nuit du 6 juillet 2013 ou le comportement sauvage des milliers d'armateurs de navires naviguant dans les eaux intérieures du fleuve Saint-Laurent et battant des pavillons de complaisance, toutes ces tragédies induisent des conséquences très graves sur la santé publique et sur la santé de notre environnement.
    Trop de chevaliers de l'industrie, trop de membres des Chambres de commerce, trop d'économistes imbus d'une culture néo-capitaliste se comportent avec zéro de conscience sociale: les richesses naturelles et humaines du pays sont un bar ouvert "au plus fort la poche".
    Si Philippe Couillard avait une conscience sociale et écologique, il présenterait son projet de Plan Nord-2 avec une exigence de réciprocité de la part des investisseurs à savoir: investir 50-50 de leurs capitaux, soit 50% investis dans la réhabilitation des dépotoirs miniers abandonnés par leurs prédécesseurs en même temps que l'autre 50% est investis dans leur projet minier. Mais Philippe Couillard n'a pas de vision sociale collée sur l'histoire du Québec. En tant qu'ex-chirurgien, il est plus proche du capitalisme-narcissique, du "au plus fort la poche".