L'Italie menace de faire capoter le sommet européen sur les migrations

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L'Italie veut la répartition des migrants en Europe, les pays de l'Est refusent !

L'Italie a menacé de bloquer l'adoption d'un texte commun lors d'un sommet réuni jeudi à Bruxelles, si elle n'obtenait pas plus de solidarité des autres pays de l'UE dans le domaine migratoire, un sujet sur lequel l'Europe joue son «destin» selon Angela Merkel.


Des déclarations du Premier ministre italien Giuseppe Conte à son arrivée à Bruxelles ont d'emblée accentué la pression, après plus de deux semaines de bras de fer diplomatiques autour de navires transportant des migrants secourus en Méditerranée, auxquels Rome avait refusé l'accostage.


«Nous attendons des actes», a déclaré le chef du nouveau gouvernement populiste italien, qui reproche à ses voisins de laisser l'Italie gérer seule les arrivées. Si le texte final sur lequel doivent s'entendre les dirigeants européens ne satisfait pas Rome, a-t-il averti, il n'y aura «pas de conclusions partagées» à la fin du sommet.


Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, interrogé sur cette menace, a répondu qu'il ne s'inquiétait «pas d'un veto, mais de la situation sur les côtes italiennes». «Nous devons montrer de la solidarité», a-t-il jugé.


Ce sommet sous tension est aussi marqué par la fragilité inédite de la chancelière allemande Angela Merkel, dont l'autorité est défiée sur la question migratoire. Son ministre de l'Intérieur menace de refouler aux frontières les migrants déjà enregistrés ailleurs, de manière unilatérale, faute de mesures européennes contre les déplacements de migrants dans l'UE.


«L'Europe a beaucoup de défis mais celui lié à la question migratoire pourrait décider du destin de l'Union européenne», a prévenu jeudi Mme Merkel, appelant à des solutions «multilatérales» et non «unilatérales».


Le président français Emmanuel Macron est allé dans le même sens, écartant les «solutions nationales» à la question migratoire. «Je défendrai des solutions européennes de coopération dans l'UE», a-t-il plaidé à son arrivée à Bruxelles.


Débat «enflammé»


«Le débat sur les migrations s'enflamme de plus en plus», s'est pour sa part inquiété le président du Conseil européen, Donald Tusk, craignant que l'absence de solution européenne fournisse «un nombre croissant d'arguments» à des mouvements populistes, et ce alors même que les arrivées sur les côtes européennes ont chuté de manière spectaculaire comparé au pic enregistré à l'automne 2015.


Le sommet devait initialement permettre de débloquer la réforme du régime d'asile européen, enlisée depuis deux ans. Mais cet objectif a été abandonné, les divergences étant trop fortes sur la réforme du Règlement de Dublin, qui confie aux pays de première entrée dans l'UE la responsabilité des demandes d'asile.


La Commission propose de déroger à ce principe ponctuellement en période de crise, avec une répartition des demandeurs d'asile dans l'UE depuis leur lieu d'arrivée. Mais des pays comme la Hongrie et la Pologne, soutenus par l'Autriche, s'y opposent frontalement.


L'Italie demande au contraire un système permanent de répartition, et l'abandon pur et simple du principe de la responsabilité du pays d'arrivée.


«Ce qui est arrivé avec L'Aquarius est intéressant», a fait valoir une source gouvernementale italienne en référence à ce navire avec 630 migrants à son bord, à qui l'Italie et Malte avaient refusé l'accostage début juin. «A son arrivée en Espagne, il y a eu un partage entre pays européens» de l'accueil des passagers, a observé cette source.


Le Lifeline, un autre bateau humanitaire que Rome refusait d'accueillir, a lui pu accoster mercredi à La Valette après des jours d'incertitude.


«Si le droit est respecté»


Face aux divisions qui persistent sur la dimension interne de la politique migratoire, Donald Tusk proposera jeudi soir aux dirigeants des pays de l'UE de se concentrer sur un objectif consensuel: la poursuite de la lutte contre les arrivées irrégulières.


Il mettra ainsi sur la table une proposition nouvelle: la création de «plateformes de débarquement hors de l'Europe» pour les migrants secourus en mer, qui «mettrait fin au modèle économique des passeurs».


Débarquer les migrants hors de l'UE épargnerait aux Européens de se quereller pour la prise en charge de navires. Mais les contours du projet restent encore très flous, et il suscite de nombreuses questions sur sa compatibilité avec le droit international.


«Si le droit est respecté, c'est envisageable, mais il faut couvrir l'ensemble de la chaîne, car vous aurez toujours des bateaux qui arriveront en Europe», a estimé l'Élysée.


Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont plaidé pour une «nouvelle approche collaborative pour rendre le débarquement des personnes secourues en mer plus prévisible et gérable».


«Les personnes secourues dans les eaux internationales devraient être rapidement ramenées à terre dans des lieux sûrs dans l'UE, et potentiellement ailleurs également», ont-ils plaidé, ajoutant que les Européens devraient en contrepartie offrir davantage de places d'accueil de réfugiés depuis des pays tiers.


Le texte sur lequel tenteront de s'accorder jeudi les dirigeants européens devrait aussi appeler les États membres à prendre des mesures contre les «mouvements secondaires» de migrants se déplaçant dans l'UE, y compris par des accords à plusieurs pays comme le souhaite Angela Merkel.


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