Jacques Chirac et le Québec

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Il faut reconstruire une diplomatie forte avec les forces souverainistes françaises


Jacques Chirac, une figure majeure de l’histoire des dernières décennies en France, vient de disparaître à l’âge de 86 ans. On le savait fragilisé, mais la mort surprend toujours et remue sentiments et souvenirs. Aujourd’hui, la France est en deuil et cherche à lui rendre hommage, même si tous conviennent que son bilan est contrasté. C’est en bonne partie parce qu’il était devenu un symbole du monde d’hier que Chirac était tant apprécié depuis son retrait de la vie politique. Chose certaine, c’est une page d’histoire qui se tourne. La moindre des choses, de notre côté de l’Atlantique, consiste à rappeler l’importance de sa relation avec le Québec. 


Au cours des années 1960, le Québec et la France ont noué une relation très particulière, marquée en profondeur par la visite du général de Gaulle en juillet 1967. On se souvient encore, cinquante ans plus tard, du Vive le Québec libre, qui a internationalisé la question nationale en faisant apparaître le Québec à la face du monde. D’un Président de la République à l’autre, tous l’ont maintenue, même s’ils n’avaient pas tous le même intérêt pour le Québec, et même si le Quai d’Orsay, le ministère des affaires étrangères français, souhaitait la réduire à peu de chose, pour que la France reprenne une relation quasi-exclusive avec le Canada.  


Jacques Chirac a grandement contribué à cette relation. Dès les années 1970, il s’était montré, fidèle en cela au gaullisme, sympathique au mouvement souverainiste québécois, ce qui ne l’a pas empêché de reprocher au PQ d’avoir voulu adhérer à l’Internationale socialiste au début des années 1980 – cela a toujours été l’irrépressible tentation des péquistes de lier jusqu’à les confondre la cause de l’indépendance et celle du progressisme. Mais en 1995, la question du Québec changeait de dimension : il ne s’agissait plus d’exprimer des sentiments favorables à l’endroit du Québec mais de le soutenir concrètement. À l’horizon, un référendum. Qu’allait faire la France? Allait-elle soutenir le Québec dans sa démarche vers la souveraineté? Allait-elle se coucher devant Ottawa? 


Jacques Chirac a clairement rappelé que la France reconnaîtrait l’indépendance du Québec et œuvrerait plus largement à sa reconnaissance internationale. C’était immense: le Québec avait un allié majeur à l’international, prêt à l’accompagner dans un processus de sécession. Redisons-le: la France annonçait qu’elle reconnaitrait la division du Canada et la création d’un nouvel État souverain. Il suffit de voir le mauvais sort qui a frappé les Catalans depuis deux ans pour constater l’importance de ce geste. Ils s’étaient imaginés que l’Union européenne les soutiendrait. C’était une illusion, et une illlusion dangereuse, qui s'est dissipée bien rapidement. Rien ne vaut, en la matière, l’appui d’une grande puissance capable de s’engager dans un rapport de force international.  


Après l’échec référendaire, les Français se sont détournés du combat souverainiste. Ils n’allaient quand même pas faire l’indépendance à notre place. Chirac fut du lot. Il en vint même à se rapprocher personnellement de Jean Chrétien. Même Philippe Séguin, le plus fidèle allié des indépendantistes québécois, qui avait joué un grand rôle dans l'appui français de 1995, semblait découragé par notre impuissance collective. C’était inévitable : une nation qui échoue est une nation qui régresse. Mais ne perdons pas de vu l’essentiel: notre relation avec la France est vitale. Elle s’est abimée depuis vingt ans. Il faut la reconstruire. Il faut rappeler à la France qu’une partie de son avenir se joue encore en Amérique. Tôt ou tard, un troisième rendez-vous avec l’histoire viendra.  





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