Les manifestants pro-démocratie avaient quitté l’aéroport international de Hong Kong mercredi matin après deux jours de rassemblements de masse qui ont pris un tour violent et plongé le hub financier international un peu plus profondément dans la tourmente.
Les manifestations se sont terminées tôt mercredi matin après une série d’affrontements au cours desquels un policier a même dégainé son arme à feu pour repousser des manifestants qui l’attaquaient tandis que d’autres ont tiré du gaz poivre.
Les rassemblements pro-démocratie ont paralysé lundi et mardi l’aéroport international, le huitième plus fréquenté au monde (74 millions de passagers en 2018), accentuant encore davantage la crise la plus aiguë qu’aient traversée les autorités chinoise depuis la rétrocession de Hong Kong en 1997.
Mercredi matin, le site internet de l’aéroport affichait des dizaines de vols partis durant la nuit et annonçait des centaines d’autres au départ tout au long de la journée, mais beaucoup sont retardés.
Selon un journaliste de l’AFP, dans le hall des départs, les comptoirs d’enregistrement fonctionnaient normalement et il ne restait qu’une poignée de manifestants, dont la plupart dormaient.
«L’aéroport est notre dernière monnaie d’échange», a déclaré l’un d’entre eux à l’AFP mercredi matin.
On ignorait cependant si les manifestants envisageaient de revenir occuper l’aéroport plus tard mercredi.
Michael, un touriste de 25 ans originaire de Dubaï, s’est rendu à l’aéroport mercredi avec plus de 12 heures d’avance sur son vol de retour afin d’éviter d’éventuelles manifestations plus tard dans la journée.
«J’ai l’impression qu’ils (les manifestants) se battent vraiment pour ma liberté, alors mon coeur est avec eux d’une certaine manière», a-t-il déclaré à l’AFP.
Il a toutefois estimé qu’ils se trompaient de cibles en pénalisant les passagers qui «n’ont rien à voir avec ce qui se passe, ce sont surtout des touristes».
Le mouvement pro-démocratie, qui a vu des millions de personnes descendre dans les rues de Hong Kong, est parti début juin du rejet d’un projet de loi hongkongais qui entendait autoriser les extraditions vers la Chine Le mouvement a depuis considérablement élargi ses revendications pour dénoncer le recul des libertés et les ingérences de la Chine.
Mardi, tandis que des dizaines de milliers de passagers ont été pénalisés par cette nouvelle action contestataire, la Chine a accentué la menace d’une intervention, au travers de vidéos diffusées par ses médias officiels montrant des forces se massant à la frontière de la région semi-autonome.
En soirée, des policiers ont fait usage de gaz poivre, alors qu’ils escortaient un homme évacué par ambulance de l’aéroport, dénoncé par les manifestants comme étant un policier infiltré. Leur fourgon s’est retrouvé bloqué par quelques centaines de manifestants radicaux. Les policiers en sont alors sortis pour dégager la voie, pulvérisant du gaz et arrêtant au moins deux personnes, selon un journaliste de l’AFP.
Peu après, un autre homme a été évacué en ambulance, après avoir été battu par un petit groupe l’accusant d’être un espion. Le Global Times, quotidien officiel chinois, a indiqué qu’il s’agissait d’un de ses journalistes.
Au cinquième jour d’une mobilisation sans précédent à l’aéroport, les contestataires ont obstrué les allées et les passages conduisant aux zones d’embarquement.
En réaction, les autorités aéroportuaires ont annulé les enregistrements pour tous les vols prévus à partir du milieu de l’après-midi.
«Au bord de l’abîme»
La cheffe de l’exécutif hongkongais (qui est désignée par Pékin), Carrie Lam, a de nouveau mis en garde mardi contre les conséquences sur Hong Kong tout en écartant encore toute concession aux manifestants.
«La violence (...) poussera Hong Kong sur une voie sans retour» a-t-elle prévenu lors d’une conférence de presse.
Mardi, des médias officiels chinois ont qualifié les manifestants de «gangsters», faisant planer le spectre d’une intervention des forces de sécurité.
Le Quotidien du peuple et le Global Times, émanations directes du Parti communiste, ont diffusé des vidéos censées présenter des blindés de transport de troupes se dirigeant vers Shenzhen, aux portes de Hong Kong. Un territoire désormais «au bord de l’abîme», a averti dans un entretien avec la BBC son dernier gouverneur britannique, Chris Patten.
Le président américain Donald Trump a encore fait augmenter les craintes d’une intervention militaire chinoise affirmant que ses services de renseignement faisaient état d’un déploiement de l’armée chinoise «à la frontière avec Hong Kong».
La Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU s’est déclarée mardi préoccupée par la répression des manifestations pro-démocratie à Hong Kong et a réclamé une enquête impartiale dans l’ex-colonie britannique.
Deux pilotes de Cathay Pacific limogés
Cathay Pacific a annoncé mercredi avoir limogé deux de ses pilotes, alors que la compagnie de Hong Kong est sous forte pression de la part de Pékin pour que soient sanctionnés ses employés soutenant les manifestants pro-démocratie.
Dans un communiqué, la compagnie précise que les deux pilotes ont été limogés «conformément aux termes et conditions de leur contrat de travail».
«L’un fait l’objet d’une procédure judiciaire. L’autre a utilisé de manière inappropriée des informations de la compagnie», a-t-elle ajouté.
Cathay Pacific avait averti lundi ses 27 000 employés qu’ils pourraient être licenciés s’ils «soutiennent ou participent aux manifestations illégale» à Hong Kong.
Elle s’était retrouvée la semaine dernière entraînée dans la crise politique sans précédent qui secoue le territoire semi-autonome chinois, secoué par des manifestations pro-démocratie pour la dixième semaine.
La direction générale de l’aviation civile chinoise avait exigé vendredi de Cathay les noms des personnels à bord de ses vols à destination de la Chine, ou qui traversent son espace aérien, indiquant que ceux soutenant le mouvement pro-démocratie ne seraient pas autorisés sur ces vols. Cathay Pacific a fait savoir qu’elle se plierait à ces nouvelles règles.
Samedi, la compagnie avait annoncé la suspension d’un pilote accusé d’avoir participé à des manifestations ainsi que le limogeage de deux autres employés, sans en fournir la raison.
Selon des médias hongkongais, les deux employés étaient accusés d’avoir fait fuiter le détail de l’itinéraire d’une équipe de football de la police hongkongaise qui se rendait en Chine continentale.