« Débats Vigile »
29 mars 2008
Samedi 29 mars 2008-03-29 Les Débats Vigile?
Lettre à Mme Catherine Foisy
Manière de transmettre le Québec aux citoyens du XXIième siècle.
Une professeure de science politique au collégial, Mme Catherine Foisy (Le Devoir 28 mars ’08), a lu avec intérêt l’article qu’Antoine Robitaille publiait récemment: « Le Québec n’a plus la cote au cégep… » à partir d’une étude du professeur d’histoire au cégep du Vieux-Montréal, M. Gilles Laporte : le nombre de cours d’histoire du Québec est en chute libre parce que les élèves y sont moins intéressés.
Mme Foisy décrit son collège (International des Marcellines) comme mettant un accent particulier sur l’acquisition d’une solide culture générale fondée sur l’histoire, les littératures francophone, anglo-saxonne et hispano-américaine. À cause de cette fiable base d’ouverture d’esprit, elle est tombée sur le dos, après avoir fait lire l’article à ses étudiantes, de les entendre confirmer le désintérêt établi par l’étude de Laporte…
Deux étudiantes ont souligné la tendance au REPLI SUR SOI de la société québécoise. Elles y concèdent quand même un lien avec son histoire, sa position géographique et sa précarité démo-linguistique…
Pour une étudiante (d’origine chinoise), l’histoire du Québec est la plupart du temps ENSEIGNÉE DE FAÇON NATIONALISTE, ce qui ne donne que peu de sens aux yeux de la plupart des immigrants qui, eux, vivent le choc du déracinement…
CHOC aussi pour moi, Québécois de bonne foi!
Premier réflexe : Notre nationalisme n’a plus de sens aux yeux des Québécois d’aujourd’hui! C’est fait, l’immigration massive a noyé le Québec : NOUS n’existons plus… Durham a gagné!
Mme Foisy a meilleur moral. Mieux traversé l’hiver sans doute. Elle formule ainsi sa retombée sur pattes : « C’est la rencontre de ces deux éléments (réponses d’étudiantes) qui m’a amenée à remettre en question la manière dont nous présentons le Québec, sa société et son histoire, et ce, à tous les niveaux d’enseignement, du secondaire à l’université. »
Mme Foisy renchérit d’optimisme : « Il me semble que dans un contexte où l’immigration est appelée à croître et où l’enjeu de l’intégration des personnes d’horizons socioculturels divers en appelle à notre capacité à transmettre nos valeurs et notre culture, l’expérience éducative que peuvent faire de jeunes étudiants québécois d’origine étrangère OU NON, dans le cadre de cours portant sur le Québec doit s’inscrire dans l’ouverture à ce que ces jeunes sont et à ce qu’ils portent en eux comme références socio-historiques. »… Alors, même les étudiants NON IMMIGRANTS décrochent de l’enseignement de notre histoire… La professeure a même fait de cette énigme le sujet de son mémoire de maîtrise : METTRE EN VALEUR LES GRANDES EXPÉRIENCES FONDATRICES DE LA COLLECTIVITÉ QUÉBÉCOISE. Repenser nos façons de transmettre cette histoire, cette culture et ces références en les rendant accessibles aux personnes qui sont venues trouver en cette terre de Québec un lieu où s’épanouir (et aussi aux jeunes nés sur la rue Panet?)
Nos éminents historiens (Denis Vaugeois, Jacques Lacoursière, Marcel Trudel, et le jeune et prometteur Mathieu d’Avignon) ont été réunis ces jours-ci autour d’une brève série télévisée (Historia) sur Samuel de Champlain. L’animateur de circonstance, Christopher Hall, a dès le départ défié leur rigueur scientifique par la question : « Champlain est-il le véritable fondateur de Québec? »
Sachant qu’une inextricable controverse se perpétue sur l’authenticité du statut de héros de Montcalm, nous étions suspendus aux lèvres des historiens pour confirmer au moins le statut de héros de Champlain. Des inquiétudes sont vite apparues quand on insista sur le rôle essentiel du patron navigateur de Samuel, en la personne de Pierre Dugas deMons, puis de l’intrépide François Gravé Dupont, sans parler des essentiels alliés que furent les Montagnais. Mais les spectateurs du second épisode furent tout à fait rassurés par les historiens : Ils s’entendent pour reconnaître Samuel de Champlain comme un des grands héros de la Nouvelle-France, pour l’ensemble de son œuvre. Né à Brouage en Saint-Onge en 1567, mort à Québec le 25 décembre 1635 (68ans).
S’il a écrit dans ses livres d’histoire des phrases comme : « La conversion d’un infidèle vaut mieux que la conquête d’un royaune », c’est que le Cardinal Richelieu , et les Jésuites, observaient par-dessus son épaule. Il savait donc de quel côté son pain était beurré. Ça explique la pâleur de ses co-fondateurs dans l’histoire que nous avons apprise.
Si les historiens modernes ont retenu ce côté de l’homme, qui a pu en faire un héros de la jeunesse dès le début de la colonie, ils maintiennent quand même son statut de héros pour sa capacité de négociateur, surtout avec les Amérindiens. Ceci a permis le commerce de la fourrure à la grandeur de l’Amérique du Nord. Ces alliances lui ont permis de marcher l’Amérique, de la cartographier et d’assurer l’établissement définitif et durable de la civilisation française en Amérique.
Le jeune historien cite l’un de ses maîtres de France, Fernand Braudel: « L’histoire est fille de son temps. » C'est-à-dire que chaque génération d’historien apporte un éclairage nouveau aux événements, grâce à la patiente décantation du temps…
Ainsi avons-nous appris que Dugas deMons étant protestant, et que les livres d’histoire étaient écrits par les clercs catholiques envoyés de France par Henry IV, fraîchement converti sous l’édit de Nantes, l’homme passa dans l’ombre de Champlain, lucide explorateur vif à se draper de la soutane des Jésuites, sauf son respect…
Ne convient-il pas ici d’apporter d’autres éléments susceptibles d’avoir rendue soporifique l’étude de notre histoire? L’histoire de la Nouvelle-France fut forcément dépeinte comme une grande mission d’évangélisation catholique. Pourtant on y faisait de grands efforts pour découvrir le passage vers l’ouest et cette Église ne dédaigna pas de rapporter de lucratives cargaisons de fourrures au roi de France. L’histoire est écrite par les gagnants.
Après la conquête britannique, l’histoire fut écrite par les Anglais… En tout cas, les historiens ont marché sur des œufs dans la description des combats entourant Les Plaines d’Abraham,1759…Les tricheries, les trahisons. Et les Patriotes, en 1837, provocations, vengeances, viols et assassinats, (tout comme 1755, déportation des Acadiens), les mesures de guerre autour des Boers, des deux guerres mondiales, sans négliger Octobre 1970. Histoire émasculée, écrite pour ménager des susceptibilités… Rendue par le fait même drabe!
Un pays annexé est incapable de se raconter librement!
Comment ne pas suggérer à Madame Foisy des pistes très politiques pour l’aider à REPENSER NOTRE MANIÈRE DE TRANSMETTRE LE QUÉBEC?
Pour réveiller dans la classe d’histoire les descendants de Nouvelle-France autant que les exilés arrivant du Bangladesh, de la République du Congo, ou du Brésil, il faudra d’abord secouer le joug d’un fédéralisme assimilateur. Retirer cette chappe de plomb, cette épée de Damoclès qui pend toujours au-dessus de la tête des historiens pendant qu’ils écrivent, brisant leur spontanéité, leur liberté scientifique, les amenant à négliger la clarté des faits, partant la vivacité du récit essentielle à la compréhension et à l’appréciation par tout lecteur.
Quand le Québec libre, terre d’accueil autonome, aura déployé toutes grandes ses ailes, plus personne ne supervisera par-dessus son épaule la rédaction de ses hauts faits enfin fondateurs et on s’arrachera de nouveau dans nos écoles, les cours d’Histoire moderne du Québec, terre française d’Amérique.