Grand débat : les Français seront-ils au rendez-vous ?

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Le grand débat de Macron est une entourloupe pour faire cesser les manifestations


Le président de la République lance ce 15 janvier le coup d'envoi du grand débat national. Si le gouvernement en a dévoilé les modalités, il ne lui sera pas aisé de convaincre les Français, peu enthousiastes selon un sondage, de sa pertinence.


Le Premier ministre Edouard Philippe a précisé le 14 janvier les modalités d'organisation du grand débat, notamment la désignation de cinq «garants» devant assurer son indépendance (les noms de l'ensemble d'entre eux seront connus en fin de semaine). Le débat, qui doit être formellement lancé par Emmanuel Macron ce 15 janvier dans l'Eure, durera deux mois, jusqu'au 15 mars.






Quelles formes prendra le grand débat ?


Il prendra d'abord la forme de «réunions d'initiatives locales», qui seront organisées «partout en France, à l'initiative de maires ou de citoyens», selon le Premier ministre. 


 

A compter du 21 janvier, selon l'AFP, les contributions des Français pourront être déposées sur le site www.granddebat.fr ou envoyées par courrier postal à la Mission Grand Débat (244, boulevard Saint-Germain, Paris VIIe). La liste des débats organisés dans chaque région figurera sur le site internet, où les organisateurs pourront déclarer la tenue d'un débat.


Des «kits méthodologiques» et des fiches thématiques sur les thèmes débattus (fiscalité et dépenses publiques, organisation des services publics, transition écologique, démocratie et citoyenneté, déclinés en 35 questions), seront distribués aux organisateurs pour faciliter la tenue de débats. Des stands de proximité seront installés «dans des lieux de passages du quotidien».


Enfin, dans la phase finale du débat, à partir du 1er mars, des «conférences citoyennes régionales» seront organisées. Réunissant dans chaque région un groupe représentatif d'une centaine de personnes tirées au sort, ils «pourront participer à l’élaboration de pistes concrètes, donner leur avis sur ce qui ressort des premières semaines du Grand Débat National et nourriront ainsi la réflexion sur les suites à donner», selon Matignon.


Qui l'organisera ?


Pour «piloter l'animation» du débat, deux membres du gouvernement ont été désignés par le Premier ministre : Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon «se chargeront de faire vivre le débat, en suivre l’évolution et d’organiser la mobilisation de tous pour faire de ce grand débat un succès démocratique», selon Matignon.


 

Edouard Philippe a défendu ces nominations, qui suscitent des inquiétudes sur une possible reprise en main de l'exécutif du débat, après la fin de mission de la Commission nationale du débat public et de sa présidente Chantal Jouanno.


Le ministre chargé des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu sera plus particulièrement chargé du lien avec les élus locaux, quand Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique, aura davantage la main sur la logistique complexe de ce grand débat inédit. Un collège de personnalités va par ailleurs être nommé pour «garantir l'indépendance» de l'exercice, mais ces nominations devront encore attendre le 18 janvier.


Deux de ces cinq personnes seront désignées par le gouvernement, tandis que les trois autres seront nommées respectivement par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental.


Le gouvernement va également proposer «à toutes les formations politiques représentées à l’Assemblée nationale ou au Sénat» de participer à un «comité de suivi, chargé de veiller au plein respect du principe de pluralisme.» La mission du Grand Débat National et les ministres en charge réuniront également «régulièrement» les partenaires sociaux, acteurs associatifs, et les associations d'élus.


Un débat peu pertinent aux yeux des Français ?


Dans sa lettre aux Français diffusée le 13 janvier, le président de la République a assuré que les propositions serviraient à l'élaboration d'un «nouveau contrat pour la Nation», dont il rendra compte «dans le mois qui suivra la fin du débat». Le gouvernement rendra publiques toutes les contributions et «prendra en compte tous les avis et propositions, [...] selon les principes de transparence, de pluralisme et d’inclusion, de neutralité, d’égalité, de respect de la parole de chacun.»


 

D'après une enquête d'opinion de l'institut OpinionWay, une courte majorité des Français déclarerait ne pas avoir l'intention de participer à l'initiative gouvernementale. Plus préoccupant pour l'exécutif, une forte proportion n'en attend rien : si l'on admet l'extrapolation à la population des résultats de l'enquête réalisée du 9 au 11 janvier auprès de 1 065 personnes par l'institut de sondage OpinionWay, le Grand débat national proposé par Emmanuel Macron ne passionnerait pas les foules outre mesure.


Effectuée selon la méthode des quotas, avec une marge d'erreur annoncée de 1,4 à 3,1 points, l'étude publiée ce 14 janvier indique que plus d'un Français sur deux (52%) n'a pas l'intention de participer à l'exercice. Si 39% des Français considéreraient qu'il s'agit d'un «moyen de faire passer un message» au gouvernement, ils seraient 67% à considérer que le débat ne permettra pas de sortir de la crise des Gilets jaunes. Dans le détail, parmi ceux qui déclarent qu'ils ne participeront pas à la consultation, 37% des interrogés estiment que «cela ne sert à rien».


Autre enseignement de cette enquête : les Français soutiendraient toujours majoritairement le mouvement des Gilets jaunes, à 57% selon les calculs des sondeurs.


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