On s’en souvient comme si c’était hier : en novembre 2016, à la surprise générale, Donald Trump remportait la course à la Maison-Blanche.
Ce personnage improbable, conspué par les élites médiatiques et intellectuelles, triomphait contre Hillary Clinton, la candidate incarnant de manière presque caricaturale la classe politique américaine.
Clinton
Manifestement, elle ne s’en est toujours pas remise. Elle se demande encore ce qui est arrivé. Comment le plouc milliardaire, aussi inculte que grossier, a-t-il pu battre politiquement celle qui se préparait depuis toujours à occuper le bureau ovale ? Elle ressasse et ressasse sa défaite.
Et c’est ce qu’elle a fait il y a quelques jours en Inde, dans une conférence, où elle a voulu l’expliquer à un auditoire étranger. Avec un sans-gêne époustouflant, elle a expliqué à son public que même si elle a techniquement perdu les élections, elle a néanmoins gagné dans les États qui représentent les deux tiers du PIB des États-Unis. Elle a ensuite ajouté qu’elle avait gagné ses élections dans les milieux sociaux dynamiques, privilégiés, diversifiés. En gros, elle a gagné chez les plus beaux, les plus intelligents, les plus subtils, les plus raffinés. Pour le dire autrement, elle a remporté son pari présidentiel dans la bonne Amérique. Il s’agit de la seule Amérique légitime, on l’aura compris.
Trump, quant à lui, n’a obtenu que l’appui des déclassés, des racistes, des sexistes, des ratés qui, tous, sont à la recherche d’un bouc émissaire pour expliquer leurs malheurs. Petit rappel : elle avait dit la même chose à quelques semaines de la présidentielle, en soutenant que la moitié des électeurs de Trump, au moins, étaient des paumés. « A basket of deplorables », pour la citer au mot.
Il faut dire que ce discours ne lui est pas exclusif. C’est à peu près le même qu’on a servi aux Britanniques après la victoire du Brexit en 2016. En gros, quand le peuple vote mal, on lui explique qu’il nous dégoûte, qu’il n’est pas à la hauteur.
Faudra-t-il désormais accorder aux citoyens un permis de voter, qu’ils obtiendront en montrant qu’ils sont suffisamment productifs pour l’économie mondialisée et idéologiquement compatibles avec le discours médiatique dominant ?
Révolte
Ce qui est fascinant, dans le discours de Clinton, c’est qu’il semble méconnaître une des raisons fondamentales du vote que l’on dit populiste, en ascension depuis quelques années. Ce vote, quoi qu’on en dise, s’alimente notamment du mépris des élites progressistes bon chic bon genre à l’endroit des classes moyennes et populaires, qui en ont assez de se faire cracher à la figure.
Elles veulent défendre leur identité ou s’opposent à la discrimination positive ? On les accuse immédiatement de racisme. Elles ne s’enthousiasment pas pour la mondialisation ? C’est qu’elles sont frileuses et fermées au monde. Et ainsi de suite. Donald Trump a su canaliser politiquement cette révolte.
Le meilleur argument pour Donald Trump lors de la dernière présidentielle, c’était Hillary Clinton.