Comment la justice française aurait-elle traité DSK?

DSK à New York



Dominique Strauss-Kahn lors de l'audition devant la Cour suprême de New York jeudi 19 mai 2011.
REUTERS

Par François Koch - Les systèmes judiciaires sont bien différents en France et aux Etats-Unis. Voilà ce qui aurait pu arriver à Dominique Strauss-Kahn dans notre pays.
Imaginons que DSK ait été arrêté en France pour les mêmes sept chefs d'accusation. Procédure, droit à l'image, mode d'enquête et peine encourue seraient très différents.
1. Pas d'images
DSK n'aurait pas pu être photographié menotté. La loi française de 2000 sur la présomption d'innocence d'Elisabeth Guigou interdit en effet de diffuser des images d'une personne visiblement menotée.
DSK n'aurait pas été vu pendant une audience judiciaire. Dans les tribunaux de l'Hexagone, les photographes et les cameramen ne sont pas autorisés à exercer leur métier. Seul sont admis les dessinateurs de presse, sauf exception.
Un sondage OpinionWay montre que 54% des Français jugent les images de DSK choquantes... mais ils sont 61% à estimer que les médias français ont eu raison de les publier.
2. Un autre type de garde à vue
DSK aurait été interrogé par la police, mais dans d'autres conditions. En France, le droit de garder le silence est moins bien garanti. Celui d'être assisté d'un avocat en est aussi aux balbutiements. Un avocat, chez nous, ne doit pas intervenir, alors que les lawyers américains ne demeurent pas inactifs.
3. Une police moins libre
DSK se serait trouvé face à des policiers beaucoup plus soumis à leur double hiérarchie, celle de la Justice et celle de l'Intérieur. Alors qu'aux Etats-Unis, leur marge de manoeuvre est grande. Ici, le policier appelle très vite un magistrat du parquet pour discuter de l'affaire et lui demander quoi faire. Lorsqu'il s'agit d'une personnalité, le dossier est signalé par la voie hiérarchique. Avec DSK, l'information serait vite remontée au garde des Sceaux, au ministre de l'Intérieur et à l'Elysée.
4. Un parquet moins accusatoire
Sans suspicion de viol (DSK est accusé de tentative de viol), le parquet aurait sans doute, probablement pour des raisons politiques, gardé la main et lancé une enquête préliminaire, au lieu de confier une information judiciaire à un juge d'instruction. DSK n'aurait pas été "mis en examen" mais "mis en cause". Avec une difficulté pour lui: il n'aurait pas eu accès au dossier, une possibilité réservée aux mis en examen. Et un aspect plus en sa faveur: par tradition, les parquetiers n'enquêtent pas exclusivement à charge.
Aux Etats-Unis, l'inculpation (nom que l'on donnait auparavant en France à la mise en examen) est décidée par un jury populaire au vue des preuves apportées par le parquet (l'accusation) et en entendant seulement la victime.
5. Pas de prison sans information judiciaire
DSK n'aurait pas pu dormir en prison sans ouverture d'une information judiciaire. C'est obligatoire dès qu'il s'agit d'enquêter sur un crime. Ou si le délit est jugé suffisamment grave, ou que l'enquête promet d'être complexe. C'est le seul cadre pour qu'il y ait détention provisoire: elle est en effet décidée par un juge des libertés et de la détention (JLD) à la demande du juge d'instruction.
6. Une enquête à charge et à décharge
Dans le cadre d'une enquête judiciaire, DSK aurait eu affaire à un juge d'instruction dont le rôle est d'enquêter en écoutant à la fois l'accusation et la défense, en cherchant à la fois des preuves de sa culpabilité et de son innocence. Rien à voir avec le système américain où la justice n'enquête qu'à charge. Le mis en cause ne peut se défendre que par lui-même, à l'aide d'avocats et de détectives privées. Du coup, il faut avoir des moyens pour que l'enquête soit équilibrée.
7. Un juge indépendant
Etre une personnalité n'a pas que des avantages, en France comme aux Etats-Unis. Surtout lorsque l'on est mondialement connu. La situation aurait sans doute été moins pénalisante en France pour DSK, car les juges d'instructions sont indépendants... et sans pression électorale. Les juges américains pensent à l'impact de leur décision dans l'opinion publique, notamment s'ils souhaitent être réélus. Le juge de la Cour suprême qui a libéré ce jeudi DSK a pris une décision moins électoraliste que celle qui l'a envoyé derrière les barreaux.


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