Que disons-nous, que pensons-nous, que ressentons-nous?
25 décembre 2010
Monsieur Noël,
je comprends très bien votre point de vue sur l’immigration quant aux politiques délétères qui en sous-tendent la mise en application. Ma réflexion n’avait pas pour but de traiter de cet aspect spécifique de l’immigration, mais plutôt de la façon dont nous percevons l’étranger et dont nous réagissons à son mode de vie. Je m’excuse donc de vous avoir soupçonné de refuser de dialoguer.
Que dans une énumération voulant que « dans mon pays » on ne lapide pas les femmes, qu’on ne les brûle pas, qu’on ne pratique pas l’excision ou qu’on ne déterre pas les morts et que la liste de ce que nous ne faisons pas s’étire sur des pages, on croit s’adresser à de futurs immigrants qui voudraient venir s’établir chez nous et qu’on s’imagine que c’est une façon intelligente de permettre un dialogue avec le reste du monde, on est loin d’une attitude ouverte et accueillante. On noie plutôt dans une « didactique à sens unique » l’ensemble des individus appartenant à une même culture en donnant prise à une « pensée unique » qui, plutôt que d’atteindre son but en dénonçant certains abus ou certaines pratiques barbares, finit par les mettre tous dans la même catégorie d’indésirables.
Un peu comme quand quelqu’un vous parle des Américains et que vous lui demandez : “qui ça les Américains » ou qu’un autre vous parle des Juifs et que vous lui demandez : “qui ça les Juifs? » etc. Exactement comme lorsque M. Parizeau parla de « l’argent et “des” votes ethniques » et qu’on s’empressa de lui faire dire « l’argent et “les” votes ethniques ». Toute nuance avait disparu et on le condamna sans appel.
La réflexion que j’ai proposée ne vise qu’à ramener les choses dans une plus juste perspective en nous invitant à nous pencher sur nos motivations à vouloir absolument identifier un coupable ou à vouloir nous prétendre plus vertueux qu’autrui.
Dans son article du 6 juin 2010 sur Vigile, M. Bernard Thompson, certainement le mieux placé pour nous faire connaître ce qui motiva la publication des normes de vie d’Hérouxville écrivait :
“ Et si Hérouxville n’avait été qu’un faire-valoir ?
J’avoue que le titre étonne. Prendre une municipalité comme plate-forme pour mieux exécuter un formidable plan d’action destiné à combattre l’intégrisme musulman, c’est plutôt génial ! Mais était-ce honnête intellectuellement parlant ? Les conséquences à long terme avaient-elles toutes été analysées ? Après tout il ne s’agissait que de prendre un village en otage afin de mener un combat que seul, de toutes évidences, le penseur des ‘Normes de vie’ n’aurait jamais pu mener à terme !”
Il concluait en ces termes :
“Pour le moment, ce qui importe, c’est de ne jamais rien regretter et de poursuivre, chacun à sa manière, toute action pouvant aider nos compatriotes et nous-mêmes à mieux comprendre ce que nous sommes et où nous désirons que le destin nous mène.”
Personne n’a voulu prendre le temps de lire avec l’attention qu’il méritait cet article qui mettait bien en évidence le contexte dans lequel toute la saga qui entraina dans une même vague l’ensemble des villageois d’Hérouville ne les concernait en rien, et les fit passer pour d’irréductibles « arriérés » pour les uns et d’irréductibles « Gaulois » pour les autres. Ce qu’en réalité ils n’avaient jamais demandé, désiré ou souhaité.
Si nous voulons devenir une nation à part entière, je continu de croire que nous devons nous éduquer et réaliser que l’autre n’est un ennemi qu’en fonction de notre façon de le percevoir tout en devenant conscients que la capacité d’intégration d’un immigrant est largement tributaire de la façon dont nous l’accueillons.
Quand je dis qu’aussi longtemps que nous remettrons à plus tard la venue de l’État québécois et la naissance de notre pays, nous nagerons en eau trouble et ne disposerons jamais des outils qui nous permettraient d’encadrer de façon efficace le flot des immigrants, il est clair pour moi que vos doléances concernant le nombre de ceux que nous recevons et l’encadrement que nous devons leur offrir pour faciliter leur intégration sont de première importance. Dans l’état actuel des choses, nous courons droit à la catastrophe. Croyez que j’en suis tout à fait conscient. Cependant, je suis également persuadé que nous devons cesser de nous en prendre aux immigrants en nous attaquant à la base du problème dont la source se trouve d’une part dans les politiques sur l’immigration et leur application et d’autre part dans l’absence de clarté de nos politiciens sur cette question.
Un État québécois devra impérativement revoir ses politiques d’immigration et faire en sorte que tout en restant respectueuses des individus et de leur culture, elles donnent priorité à la protection, au progrès et à l’épanouissement de la nôtre.
Merci pour vos interventions qui auront permis de clarifier le débat.
Claude G. Thompson