Qui cherche à nous imposer de force la présence grandissante des minorités visibles?
3 septembre 2021
S’il peut y avoir, et je crois qu’il y a, un bon fond à cet article, je serais porté à lui reprocher ce que, regrettablement, on peut trop souvent reprocher à des discours qui, autrement, sont honnêtes et décomplexés, utiles et éclairants : soit, on mêle le bien avec des traits assez exécrables et franchement inutiles, de manière à finalement faire plus de tort que de bien.
Au point où on ne laissera simplement pas ce bien passer le seuil de notre porte, quand il se présente chez nous, vue la compagnie qu’il semble traîner avec lui.
Le bon fond : il est normal et sain de vouloir préserver une certaine homogénéité collective parce qu’il est normal et sain de vouloir se sentir « chez soi » lorsqu’on est avec d’autres.
Vous le dites bien : si j’ai le goût de la diversité, je n’ai qu’à voyager. Ici comme ailleurs, on peut aimer accueillir l’autre... en visite.
Cette excellente trame sur laquelle s’érige votre présentation souffre toutefois de son association avec une toile de fond, si je peux dire, qui ne semble pas du tout avoir sa place.
La présence de cet autre fond ressort lorsque vous écrivez par exemple
« Car les autres ne sont pas Nous. Nous ne sommes pas cela, nous ne sommes pas comme eux. Nous ne sommes pas eux.
[et jusqu’ici, ça va... c’est même fondamental et fondamentalement bien...]
Ils ne doivent pas déteindre sur nous,
[et encore là, on pourrait remettre en question cet énoncé, mais il ne s’y trouve rien de malin, de méchant ; cet énoncé pourrait simplement exprimer le fait de trouver souhaitable la notion d’intégrité culturelle, par exemple. Mais ensuite, ça se gâte, car vous poursuivez en écrivant : ]
nous faire reculer, nous faire perdre les acquis de centaines d'années de progrès et de 2000 ans d'évolution humaine. »
Là... on vient de changer de registre. Ce langage suggère ou pourrait laisser entendre que nous sommes civilisés alors que les autres sont des barbares ; brefs, que nous sommes supérieurs. Alors que d’autres ici (sur Vigile.Québec) font bonne oeuvre de dénoncer le racisme (dans le sens de suprématisme) insidieux d’une culture anglo-saxonne impérialiste, on ne rend absolument, mais absolument aucun service à la cause que vous souhaitez visiblement servir en mêlant ces deux objectifs foncièrement différents, et probablement incompatibles : préserver une certaine intégrité culturelle ou communautaire (ou sociale) et préserver une prétendue supériorité culturelle (ou autre).
Car on alourdit alors d’une ancre en béton une idée faite pour planer, de sorte que le sort de l’une se voit liée au sort de l’autre, avec une noyade assurée pour les deux.
Merci, cela dit, de mettre de l’avant cette notion de société naturelle — dans un sens culturelle, et non biologique, dans le sens de « il est naturel de désirer être avec ses semblables ». Il est naturel de désirer être avec ses semblables, et il n’est pas « indésirable » qu’il en soit ainsi, comme une certaine idéologie moralisatrice à deux sous voudrait nous le faire croire. (Et, faut-il le préciser pour mettre les points sur les ‘i’ : il n’est pas indésirable non plus de désirer être avec nos dissemblables ! C’est peut-être (insistons sur ce ‘peut-être’) juste un peu moins naturel et un peu moins compréhensible.)
L’humanité exige (entre autre) que nous respections la place de nos voisins ; non pas que nous donnions la nôtre.
B. Monast