La Francophonie est-elle encore pertinente ?
21 octobre 2008
C'est étonnant le témoignage de Jean Delvigne et il apporte quelque chose comme les autres réponses. Je pense que Jean fait allusion à ce conte d 'Alphonse Daudet intitulé La dernière classe. Certes, c'est un écrit un peu patriotard. Mais je me souviens de bien des gens que cela a ému en Wallonie, depuis mon grand-père. Cela tient peut-être à l'extrême dramatisation de la fin du conte où l'instituteur de langue française qui va être remplacé par un Prussien, voyant que l'heure arrive de la fin de la dernière classe, veut dire quelques mots aux enfants, est submergé par l'émotion et ne peut plus que se tourner alors vers le tableau pour y écrire, en appuyant sur la craie à percer le tableau, en lettres géantes:
VIVE LA FRANCE!
L'observation d'O sur la façon dont Harper marche sur les pieds du PM québécois est bien vue. Il y a de quoi râler aussi chez nous dans la mesure où ces sommets francophones, voulant être une réunion de leaders d'Etats souverains, mettent souvent en avant des chefs d'Etats qui ne sont pas francophones, et cela même si dans le cas du PM belge, il s'agit bien de quelqu'un dont la langue maternelle est le français, mais qui (je dois dire que j'ai plutôt de la sympathie pour cet homme), ne représente justement pas (comme le PM canadien pour le Québec), la raison pour laquelle la Belgique est là, c'est-à-dire la Wallonie en premier lieu.
Ce que dit Michel G sur la progression du français est intéressant mais aussi l'enracinement du français dans le monde latin, qui est peut-être quelque chose de plus important qu'on ne le pense.
Je veux redire à mon ami Herman que je perçois le Québec comme étant dans une sorte de quitte ou double, devant un choix entre la vie ou la mort de son existence en tant que peuple français, cela en raison du blocage total de l'institution dite confédérale canadienne (et qui n'est pas confédérale).
En ce qui concerne la Wallonie, c'est tout à fait autre chose. Lorsque le premier vrai fédéralisme a été instauré en 1977 (Pacte d'Egmont, instituant les trois Régions), les unitaristes ont crié au séparatisme. Ils ont réussi à retarder de trois ans le passage aux trois Régions, puis ils ont encore réussi à empêcher toute autonomie importante à ces trois Régions pour finir par céder en trois fois: 1988, 1993, 1999. A dater de ces années, 1) le total des ressources publiques des entités fédérées a franchi la barre des 50% (en 1999) 2) la pleine compétence des Régions sur le plan international (compétence complète de signer des traités), a été entièrement validée à partir de 1993 3) les traits de confédéralisme ( au sens fort, au sens où une Confédération est une organisation groupant des Etats souverains), déjà pourtant soulignés en 1983 par la revue du Conseil économique et social wallon, sont apparus de plus en plus clairement. Aujourd'hui, l'important n'est peut-être même pas que l'on dise que l'on va passer au confédéralisme mais que l'on assume l'Etat belge comme étant déjà une sorte de Confédération (à trois, plutôt à trois). On ne sait ce que va donner la négociation sur la réforme future, mais elle ira fatalement plus loin. Dès lors, je me demande s'il faut s'enfermer dans des positions radicales puisque le train prend la bonne direction, soit ce que dit Kris Peeters, à savoir que la Belgique doit réaliser une révolution copernicienne (Copernic est un des savants qui a montré que la terre tourne autour du soleil et non l'inverse), soit que cela devra être l'Etat fédéral qui tourne autour des Etats fédérés et non l'inverse. Cette image est forte et frappante. Elle mène à une Wallonie souveraine, ce qui n'est pas du tout incompatible avec des ententes entre des contrées et des peuples très très proches les uns des autres.
C'est ce qui m'amène à être modéré en ce qui concerne la Wallonie, cette modération me valant bien plus d'ennuis auprès des soi-disants "modérés" unitaristes et pas du tout par rapport aux Wallons les plus radicaux qui ont une sagesse que je partage avec eux. Ce ne sont pas les Flamands qui nous empêchent d'aspirer à cela, ce sont certains Wallons pas nécessairement hostiles mais aveugles qui ne voient pas que nous sommes dans le hall d'entrée de l'indépendance.
Les Québécois n'y sont pas. Le Canada ne veut certainement pas de provinces canadiennes qui deviendraient le centre de la vie publique, l'Etat fédéral tournant autour, à leur service. Voilà la raison pour laquelle , je parle comme je le fais de la Wallonie et j'use du mot indépendance pour le Québec, mais, au bout du compte, cela revient au même et j'espère vivre l'heure de la liberté du Québec et de celle de la Wallonie.
Militer et se battre, c'est parfois aussi se dire que les choses, objectivement, sont plus avancées qu'on ne le pense en Belgique et je travaille beaucoup pour le faire comprendre, notamment à mes élèves...
Merci à tous pour l'intérêt que vous prenez à me lire et vive le Québec qui me donne l'occasion de parler par-dessus l'Océan...
JF
Félicitations aussi à Bernard Frappier pour ce grand travail qu'est VIGILE, du beau travail...