Le pétard mouillé…
19 septembre 2010
Parjure à la commission Bastarache.
Charles Rondeau, un important argentier du Parti libéral du Québec, s'est rendu 20 fois au bureau du premier ministre Jean Charest en six mois, de la fin août 2003 à la mi-février 2004, particulièrement pour rencontrer la personne en charge de la coordination de la nomination des juges, selon des documents obtenus par La Presse.
Pourtant, M. Rondeau a déclaré aux procureurs de la Commission Bastarache qu'il s'était rendu seulement deux fois au bureau du premier ministre.
Or, les registres des visiteurs au bureau du premier ministre à Québec indiquent que M. Rondeau s'est rendu à ce bureau 20 fois entre le 27 août 2003 et le 18 février 2004. Des visites qui ont duré en moyenne plus d'une heure. Le bureau est situé dans l'édifice Honoré-Mercier. Tous les visiteurs doivent signer le registre. M. Rondeau a précisé sur le formulaire qu'il allait rencontrer Chantal Landry, responsable de la coordination pour la nomination des juges au bureau de M. Charest, à au moins 14 reprises.
M. Bellemare a affirmé à la Commission Bastarache qu'il avait rencontré M. Charest le 2 septembre 2003. À cette occasion, le premier ministre lui aurait carrément ordonné de se plier aux demandes de M. Rondeau et de M. Fava, et de nommer les juges que les deux argentiers suggéraient.
Il a soutenu notamment que Charles Rondeau, un comptable agréé qui n'exerce aucune fonction officielle au gouvernement, lui avait demandé de nommer le juge Michel Simard au poste de juge en chef adjoint de la Cour du Québec. Selon M. Bellemare, Michel Simard avait été associé au Parti libéral sous le gouvernement de Robert Bourassa, et était un ami de longue date de M. Rondeau.
Or, le lendemain matin, M. Rondeau rencontrait Mme Landry au bureau du premier ministre. Il entrait dans l'édifice Honoré-Mercier à 9h24 et en sortait à 10h38. Le 29 octobre suivant, Marc Bellemare soumettait à ses collègues du Conseil des ministres la nomination du juge Michel Simard. Un décret a alors été adopté.
M. Bellemare dit qu'il a fait cette recommandation contre son gré. Le gouvernement Charest savait que le mandat de sept ans que le conseil des ministres confiait à M. Simard excédait l'âge limite d'exercice pour les juges, fixé à 70 ans. Le gouvernement a d'ailleurs dû adopter un nouveau décret pour permettre au juge Simard de conserver son poste après son 70e anniversaire, le 28 avril 2009.
Ce décret no 212-2009 a été soumis et adopté au conseil des ministres le 12 mars 2009. On y précise que Michel Simard reste juge en chef adjoint jusqu'à la fin de son mandat de sept ans, soit le 4 novembre 2010. Ce faisant, le gouvernement Charest balayait d'un revers de main l'une des principales recommandations du rapport produit au printemps 2008 par Daniel Johnson sur les conditions de travail des magistrats au Québec. Dans son rapport, l'ex-premier ministre souligne que, après avoir considéré la question, il faudrait maintenir à 70 ans l'âge de la retraite des juges.
M. Bellemare affirme qu'il lui préférait un juge plus jeune, mais qu'il n'avait pas le choix que d'écouter M. Charest.
Source ; André Noël, Francis Vailles et Fabrice de Pierrebourg,La Presse,19 septembre 2010