Un message grossier signé ADQ

Élection partielle dans Bourget, Hull et Pointe-aux-Trembles


J'entends beaucoup parler depuis quelques jours des pancartes que l’ADQ a installées dans les circonscriptions montréalaises de Bourget et de Pointe-aux-Trembles. «As-tu vu ça?» me demande-t-on, outré.

Non, je n’avais pas vu. Mais je suis allée voir. Que dit la pancarte? Coiffée du titre «Recul du français à Montréal», on y fait la subtile équation suivante: «Bilan péquiste/libéral = Hausse de l’immigration de 22%. Solution ADQ = Politique nataliste et gel du seuil d’immigration.»
On a déjà vu message plus respectueux et plus intelligent. Mais le propre de ce genre de slogan électoral, on l’aura compris, ce n’est ni le respect ni l’intelligence. Et venant de l’ADQ, on ne peut pas dire que l’on est étonné par ces raccourcis mensongers.
Un peu rapide à la détente, le député péquiste Maka Kotto a qualifié la publicité de lepéniste. Mario Dumont a répliqué en qualifiant l’accusation de «grossière». Avec raison, il faut le dire. L’accusation est en effet grossière. Ce qui n’enlève rien à la grossièreté même de la publicité de l’ADQ.
Les orientations de l’ADQ ont beau être ambiguës à la lecture de cette simple pancarte électorale, elles ne sont bien sûr en rien comparables aux thèses d’extrême droite d’un Jean-Marie Le Pen. En matière d’immigration, Mario Dumont reproche essentiellement à ses adversaires péquistes et libéraux d’avoir haussé les seuils d’immigration sans avoir ajusté en conséquence les ressources pour faciliter l’intégration et la francisation des nouveaux venus. Il n’y a rien de lepéniste ou de xénophobe là-dedans. C’est un fait. Mais là où les choses se gâtent, c’est quand l’ADQ se met à exploiter avec l’énergie du désespoir et une certaine ambiguïté calculée les seuls filons qui ont déjà fait sa popularité: l’insécurité identitaire et la crainte de l’immigration.
Hier encore, un sondage Léger Marketing-Le Devoir a révélé que 51% des Québécois sont, comme Mario Dumont, d’avis que la capacité d’accueil et d’immigration a été atteinte. Il y a là une corde sensible que l’ADQ, dont le ballon s’est vite dégonflé, n’hésite pas à aller gratter, quitte à se couvrir de ridicule.
En point de presse hier, Mario Dumont clamait qu’il n’était pas question de retirer ses affiches controversées. Il plaidait que son message s’appuyait notamment sur «l’étude scientifique» du démographe Marc Termote, la fameuse étude «cachée» par l’Office québécois de la langue française portant sur le déclin du français au Québec. Or, Marc Termote l’a déjà dit lui-même, même si Mario Dumont ne semble pas vouloir l’entendre: un gel de l’immigration ne résoudrait rien du tout. Ce ne sont pas 10 000 immigrants de plus ou de moins qui changeront quoi que ce soit à la survie de la langue française au Québec.
Le slogan électoral de l’ADQ n’est pas basé sur une étude scientifique, comme se plaît à le répéter le chef du parti. Il est basé sur du vent. Un vent populiste qui a déjà fait de Mario Dumont le chef de l’opposition officielle mais sur lequel il ne peut éternellement compter, comme en fait foi sa dégringolade dans les sondages. Le propre du vent, c’est aussi de tourner.
«C’est sûr qu’on ne peut pas mettre 250 pages sur une affiche», réplique Mario Dumont, en tentant maladroitement de défendre le raccourci simpliste de ses pancartes. Non, on ne peut pas mettre 250 pages sur une affiche. Mais on ne peut pas non plus citer à tort et à travers une étude aussi sérieuse que celle de Marc Termote pour cautionner le message racoleur qui sert le mieux nos intérêts.
L’étude du démographe montre que la sous-fécondité, l’étalement urbain et l’immigration sont les trois phénomènes qui contribuent inévitablement à la réduction du poids démographique des francophones dans l’île de Montréal. Mais l’étude ne prône ni une politique nataliste ni un gel de l’immigration, comme aime le faire croire Mario Dumont. En fait, une des seules façons de contrer le déclin du français, selon Marc Termote, c’est au contraire de miser sur une immigration encore plus francophone. Voilà qui est à mille lieues du message grossier de l’ADQ.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé