«Montréal est complètement désorganisé», affirme Louise Harel

Louise HAREL à la mairie de Montréal


Selon Louise Harel, les incohérences que constatent les Montréalais dans la métropole, lors du déneigement, sur la propreté, avec les différentes tarifications de parcomètres, viennent du fait que les arrondissements ont trop de pouvoirs. Photo: David Boily, La Presse

Éric Clément - Pour Louise Harel, pas question de regretter les fusions municipales que le gouvernement péquiste a mises en oeuvre en 2001. «Sur 61 fusions, 57 se sont bien déroulées, alors ça demeure un succès», dit-elle.
Selon l'ex-députée d'Hochelaga-Maisonneuve, l'échec du processus municipal dans l'île de Montréal n'a pas commencé avec les défusions à la fin de 2005, mais à l'automne de 2003 quand, au cours d'une fin de session parlementaire où l'esprit était « plus aux tourtières qu'à autre chose», le gouvernement de Jean Charest a utilisé le bâillon pour faire passer plusieurs lois, dont une qui a transformé la Charte de la Ville de Montréal.
«C'est là qu'a commencé la Grande Désorganisation avec un G et un D majuscules, dit-elle. Personne ne l'a vue venir. La modification de la charte a transformé la ville en une fédération de quasi-villes. Et cette modification s'est faite avec la résignation de Gérald Tremblay.»
Le casse-tête des parcomètres
Selon Mme Harel, les incohérences que constatent les Montréalais dans la métropole, lors du déneigement, sur la propreté, avec les différentes tarifications de parcomètres, viennent du fait que les arrondissements ont trop de pouvoirs. Et ces pouvoirs ont déstabilisé la Ville qui compte aujourd'hui 20 maires.
«Les arrondissements ont été créés sur le modèle des villes de banlieue, dit-elle. On est passé de présidents d'arrondissement à des maires d'arrondissement élus au suffrage universel. Ces maires ont des pouvoirs étendus. Ils ont tous des cabinets, des budgets de relations publiques et font même des relations internationales. Ils ont le pouvoir d'embaucher. Même le directeur général de l'arrondissement n'est plus choisi par la ville centre.»
Mme Harel dit voir «tous les jours cette désorganisation». «Au coin de la rue Ontario et du boulevard Pie-IX, je vais dans un café. Si je me gare sur Ontario, le tarif du parcomètre est différent de celui sur Pie-IX. Car sur Ontario, l'arrondissement a juridiction alors que sur Pie-IX, c'est la ville centre. C'est incohérent. Pour le déneigement, la ville centre n'a plus le dispositif qui, avant 2003, permettait de centraliser les actions en cas de besoin.»
Louise Harel ne comprend pas que le plan d'urbanisme soit confié aux arrondissements. «Vous vous rendez compte? C'est la porte ouverte à toutes les incohérences, dit-elle. Avant, tout grand projet devait passer nécessairement devant l'Office de consultation publique de Montréal. Comme ministre des Affaires municipales, je l'avais imposé à Pierre Bourque. Et c'était même dans le rapport que Gérald Tremblay avait préparé avec un comité à la demande de M. Bourque. Ça a bien changé par la suite...»
Mme Harel dit qu'elle «a rêvé cette ville avec moins d'inégalités et moins d'iniquités entre les arrondissements». Avant 2003, un dispositif, dit-elle, réduisait les écarts financiers entre arrondissements. «Ce n'est plus obligatoire aujourd'hui. Mais la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est la loi 22.»
Selon la loi 22, adoptée en juin dernier, les 15 villes reconstituées de l'île n'ont plus à débourser 30 millions par année pour les infrastructures et les équipements de Montréal. La somme est assumée par Montréal, en fait avec l'argent que Québec a donné à Montréal dans le cadre de son nouveau statut juridique de métropole.
«Ces 30 millions qui proviennent de tous les Québécois, et notamment de 130 villes dévitalisées, permettent aux villes de banlieue de baisser leurs taxes, dit-elle. Charest a acheté la paix avec les villes défusionnées avec ça. Ces 30 millions auraient mieux servi pour la décontamination des sols des quartiers ouvriers ou pour revitaliser Montréal-Nord et d'autres quartiers.»
Un appui nécessaire
Toutefois, Mme Harel espère que Québec et Ottawa continueront d'appuyer financièrement la métropole. «Comme on l'a vu à Québec de façon très concluante, l'apport d'investissements publics est nécessaire pour obtenir des investissements privés. Par ailleurs, il faut investir dans les transports en commun. Même sous Bush, les investissements américains en transports en commun étaient supérieurs à ceux du Canada. À Montréal, il faut plus de voies réservées pour les autobus et les taxis.»
Elle pense que le plan de transport de Montréal est intéressant, mais constate que les infrastructures routières vont chercher la plus grande partie des investissements publics québécois. D'ailleurs, elle est en faveur du retour des péages sur les autoroutes pour financer les transports en commun. Et elle pense que leur disparition, une décision du Parti québécois, était «une erreur».
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L'ex-ministre planche sur un mouvement citoyen

Cyberpresse 17 février 2009
Éric Clément - Louise Harel va passer les prochains mois à peaufiner le mouvement citoyen qu'elle veut créer dans le but d'améliorer la vie dans la métropole. Pour cela, elle compte rassembler autour d'elle, avec l'apport de mouvements progressistes francophones, anglophones et allophones. «Comme il y a 35 ans, quand sous l'ère Drapeau, on avait fait alliance avec de tels mouvements. De ce souffle était né le RCM», dit-elle.
Elle voudrait que Montréal se recentralise. Mais que cette réforme ne se fasse pas avec les seuls élus montréalais. «Ils seront juges et parties», dit-elle. Elle verrait donc plutôt d'un bon oeil l'aide de l'OCDE, connue pour son expertise en gouvernance municipale, afin que Montréal retrouve une structure de ville moderne où un maire, un conseil municipal et une fonction publique gèrent la Ville et non pas 20.

Même si elle brûle de débattre de tous les aspects de la vie politique métropolitaine, elle ne prendra pas position lors de la prochaine campagne électorale municipale. Mais ce qui l'inquiète le plus, c'est le taux de participation. Elle croit qu'il pourrait être très faible le 1er novembre prochain.
«Il y a une sorte de résignation, dit-elle. Il va falloir se secouer. Ce qui trouble les Montréalais, c'est le fait de se retrouver dans une ville qu'ils ne comprennent plus. Il y a des maires partout et personne n'est responsable de rien. Ça ne favorise pas la participation citoyenne.»
Elle dit toutefois ne pas être en conflit avec l'administration Tremblay tout en disant qu'elle «aime bien Benoit Labonté». «Son projet d'exposition en 2020 mérite d'être examiné à son mérite, dit Louise Harel. Je n'ai pas compris que le maire Tremblay l'ait descendu sans l'examiner. La partisanerie a pris trop d'importance à Montréal.»


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