État des médias - Pourquoi attendre?

Enquête sur les médias

Le congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec s'est ouvert, vendredi dernier, par une annonce inattendue de la ministre Christine St-Pierre: le financement d'une étude sur l'état des médias commandée à la professeure et ex-journaliste Dominique Payette.
Faire le point sur le métier est une constante dans notre profession, et le mandat confié à Mme Payette est si large (de la maîtrise du français à l'impact des nouvelles technologies, en passant par l'information régionale, nationale, internationale, et dans les deux langues svp!) qu'il semble bien optimiste d'en attendre des résultats tangibles.
Madame Payette est une femme intelligente et rigoureuse, mais on pouvait en dire autant, il y a sept ans, d'Armande Saint-Jean, à qui on avait confié un rapport qui touchait aussi la protection de la qualité et de la diversité de l'information. Sitôt publié, sitôt critiqué, sitôt tabletté, d'autant plus rapidement que des élections furent déclenchées peu après son dépôt.
Cette fois, il n'y a pas d'élections dans l'air, mais le délai d'un an donné à Dominique Payette reste politiquement bien long. Il serait pourtant facile pour le gouvernement d'agir dès le prochain budget si le sujet lui tient vraiment à coeur. Il lui suffirait de reprendre deux mesures, évoquées au congrès: accorder un crédit d'impôt aux abonnés de journaux, idée du président sortant de la FPJQ, François Bourque; supprimer la TVQ pour les journaux comme on le fait pour le livre, proposition du directeur du Devoir, Bernard Descôteaux.
Ces proposition sont simples mais fondamentales car elles touchent le noeud du problème: la santé démocratique est intimement liée à l'information de masse, et c'est cela qu'il faut préserver.
Car, dans les bouleversements actuels, il faut bien distinguer d'une part l'effondrement d'un système commercial, d'autre part la mutation de la consommation d'information. Certains médias sont en crise parce que leur structure de dépenses n'est plus adaptée à des exigences de rendement financier. D'autres secteurs — l'aviation, l'automobile... — sont aux prises avec les mêmes problèmes. Cela se corrige.
Par ailleurs, on voit se transformer la manière de s'informer... qui glisse vers la perte de sens. Certes, les sources d'information n'ont jamais été aussi nombreuses et accessibles, mais elles sont aussi de plus en plus spécialisées, éparpillées et disparates. À chacun le plaisir de se bâtir son monde, mais à qui restera-t-il l'exigence d'offrir le monde, celui où la Palestine côtoie le hockey, où Martin Matte va de pair avec Stephen Harper, où le décrochage scolaire est aussi important que les projets d'Hydro-Québec — où des journalistes, qui travaillent ensemble, sont tenus d'accepter que leur sujet de couverture n'a pas le monopole de l'attention et où les citoyens sont tenus de croiser d'autres intérêts que les leurs.
Que le public soit repu de l'abondance actuelle et à venir n'est pas un argument. Le public qui ne va pas voter ne se plaint pas non plus de son sort; la démocratie en souffre néanmoins et l'État s'en préoccupe. Il a le devoir d'en faire autant, et concrètement, avec ce miroir de la société, ce véhicule démocratique, que sont les médias généralistes.
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jboileau@ledevoir.ca


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