Après Tomassi, Coretti

L'ancien patron de la défunte firme de sécurité BCIA serait bientôt mis en accusation

L'Affaire Tomassi - actualité 2011


Kathleen Lévesque, Antoine Robitaille - Après Tony Tomassi, l'homme d'affaires Luigi Coretti, de la défunte firme de sécurité BCIA, serait mis en accusation d'ici quelques jours, a appris Le Devoir.
M. Coretti est celui qui a fourni une carte de crédit au député de LaFontaine, ce qui est à l'origine de l'enquête policière et qui a conduit, mardi, à des accusations contre M. Tomassi pour fraude et abus de confiance. Selon les informations recueillies, il ne reste que quelques détails à régler pour compléter le dossier Coretti, mais surtout, il faut attendre le retour au pays de Luigi Coretti.
Ce dernier était à la tête de BCIA (Bureau canadien d'investigations et d'ajustements) jusqu'à sa faillite l'année dernière. L'entreprise créée en 1998 logeait jusqu'en 2007 à Laval, dans un édifice appartenant à l'entrepreneur controversé Tony Accurso.
BCIA a connu une croissance rapide en obtenant de très nombreux contrats. L'entreprise avait notamment le mandat de surveillance des bureaux du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), un contrat obtenu sans appel d'offres. Le SPVM était alors dirigé par Yvan Delorme, qui entretenait des liens avec Luigi Coretti.
De plus, M. Coretti avait sollicité son ami Tony Tomassi pour qu'il l'aide à obtenir un permis de port d'arme à feu en rencontrant le ministre de la Sécurité publique d'alors, Jacques Dupuis. Il s'agissait d'une deuxième tentative puisque la Sûreté du Québec avait d'abord refusé de donner son aval pour ce permis.
Et c'est sans compter la surveillance gratuite du domicile de l'ancien président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino.
Le 4 mai 2010, après des semaines de critiques concernant du favoritisme dans des dossiers de garderies menés par le ministre de la Famille, le premier ministre Jean Charest révélait que Tony Tomassi avait bénéficié d'une carte de crédit offerte par BCIA pour payer ses frais d'essence. M. Tomassi a immédiatement été expulsé du Conseil des ministres ainsi que du caucus libéral. Le dossier a été confié à la SQ, mais rapidement, c'est l'escouade Marteau, qui enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction, qui a repris le dossier.
La démission de Tomassi demandée
Hier, les accusations contre Tony Tomassi ont soulevé de nombreux commentaires de la part des élus de l'opposition. Le chef de l'Action démocratique, Gérald Deltell, a exigé de son collègue qu'il s'explique publiquement compte tenu de la «disgrâce» qui atteint toute la classe politique. M. Deltell en a appelé au sens de l'honneur de Tony Tomassi. «Comme ministre [de la Famille], il a assumé des responsabilités majeures où il a géré des millions de dollars au nom des contribuables. Il doit s'expliquer à la population», a déclaré le chef adéquiste.
Ce dernier a donné l'exemple de Claude Charron, le ministre péquiste dans le gouvernement de René Lévesque, poursuivi après un vol à l'étalage. M. Charron avait rencontré la presse ainsi que les citoyens de sa circonscription, a rappelé M. Deltell.
Du côté de Québec solidaire, on réclamait toujours la démission de Tony Tomassi. Le Parti québécois a durci le ton à l'égard du député Tomassi. Alors qu'on lui demandait mardi de «réfléchir à son avenir», on lui a carrément demandé hier de quitter son siège, laissant planer la menace d'utiliser les dispositions de la loi de l'Assemblée nationale sur les conflits d'intérêts pour le destituer.
Selon la loi de l'Assemblée nationale, le siège d'un député peut devenir vacant si le député «est condamné à une peine d'emprisonnement pour un acte criminel punissable d'une peine d'emprisonnement de plus de deux ans». Or, compte tenu de la durée des procédures judiciaires, une élection générale risque de se tenir avant que le procès de M. Tomassi soit clos.
Dans le passé, des députés accusés devant les tribunaux sont restés en poste. Le cofondateur du Parti québécois, Gilles Grégoire, en mai 1984, était même revenu siéger comme élu indépendant de Frontenac après avoir purgé sa peine de plusieurs mois de prison pour «immoralité sexuelle envers sept jeunes mineurs».
Le député de Mégantic-Compton Daniel Bouchard, reconnu coupable en 2005 à des accusations de détournements de fonds qui s'étaient produits avant son élection en avril 2003, était resté député indépendant jusqu'aux élections de mars 2007. Il ne se présentait toutefois presque jamais en Chambre.
Quant aux frais juridiques de l'ancien ministre Tomassi, il a été difficile de savoir s'ils pourraient être assumés par l'Assemblée nationale. Enfin, le commissaire à l'éthique et à la déontologie, Me Jacques Saint-Laurent, a admis être à peu près impuissant quant au cas Tomassi. D'une part, une bonne partie de «sa» loi n'entrera en vigueur qu'en janvier 2012; notamment les dispositions sur l'assiduité et celles conférant des pouvoirs d'enquête au commissaire. D'autre part, la loi n'a pas d'effet rétroactif. Toutefois, M. Saint-Laurent a fait remarquer au Devoir qu'il pourrait «peut-être accepter» la demande d'un député lui enjoignant d'enquêter sur des faits s'apparentant à des conflits d'intérêts, mais antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi. «Il faudra voir», a-t-il répondu, laissant la porte ouverte.
À la Ville de Montréal, cette affaire n'a pas ébranlé la confiance du maire Gérald Tremblay à l'égard de la conjointe de Tony Tomassi, Clementina Teti-Tomassi, conseillère municipale dans l'arrondissement de Montréal-Nord depuis 2005, a rapporté hier Radio-Canada. Par l'entremise de son attaché de presse, le maire a indiqué qu'elle était une élue «intègre», rappelant que les accusations ne concernaient que son mari.
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Avec la collaboration de Jeanne Corriveau


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